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Causerie vétérinaire

Le chaponnage des coqs

À plusieurs reprises, des lecteurs m'ont demandé de bien vouloir traiter dans une de mes causeries de la castration des coqs. Je le ferai volontiers, espérant ainsi intéresser bon nombre de fermiers et d'aviculteurs.

Pour pratiquer cette opération, il convient de choisir l'époque de l'année qui correspond au repos relatif des organes sexuels, c'est-à-dire en septembre pour les coquelets et à la fin de l'automne pour les coqs adultes. Quelques connaissances anatomiques doivent tout d'abord être exposées. Les glandes génitales sont situées dans la cavité abdominale, au-dessous de la colonne vertébrale, en arrière des poumons et en avant de la partie antérieure des reins, qui, chez les volailles, forment deux languettes aplaties, irrégulières, prolongées de chaque côté de la colonne vertébrale jusque dans le bassin, ou cavité pelvienne. Ces glandes, dont le volume varie d'un pois à celui d'un gros haricot, font saillie sous le doigt introduit dans la cavité abdominale. Elles sont presque en contact l'une de l'autre.

Manuel opératoire.

— Le poulet, préalablement mis à jeun depuis vingt-quatre heures, est tenu par un aide en position assise, qui le maintient sur le dos, le croupion tourné vers l'opérateur, la cuisse gauche maintenue contre le corps, la droite écartée en arrière pour laisser à découvert le flanc du même côté sur lequel l'incision doit être faite. Certaines fermières pratiquent l'incision sur la ligne médiane, en arrière du bréchet ou sternum, mais, dans ce cas, la distance à parcourir par le doigt est plus longue que dans le procédé que nous recommandons, et les dangers possibles d'éventration plus grands après l'opération. Il est recommandé aussi, avant d'opérer sur un animal vivant, de pratiquer cette opération sur un coq sacrifié, afin de se rendre compte des dispositions anatomiques précédemment décrites.

Les plumes étant arrachées sur une assez large étendue pour mettre la peau à nu, on pratique à celle-ci, dans la partie du flanc où l'on sent que les tissus sont le plus minces, un peu en arrière des petits stylets osseux du bréchet dont on perçoit la résistance à la pression des doigts, une petite incision de 3 centimètres d'étendue, inclinée de haut en bas et d'avant en arrière, en se servant d'un bistouri ou d'une lame de canif coupant bien. Quand on aperçoit le péritoine, ou séreuse qui tapisse la cavité abdominale, on opère avec précaution pour ne pas blesser l'intestin. L'hémorragie est généralement insignifiante.

L'opérateur, après avoir huilé son doigt indicateur, l'introduit dans le ventre, le dirige vers la région dorsale, au point d'articulation des deux dernières côtes, où se trouvent les deux testicules, séparés l'un de l'autre de 5 millimètres à peine et formant saillie au-dessous de la colonne vertébrale. Il les reconnaît facilement, puisque ce sont les seuls organes qui soient en relief dans cette région.

Avec l'ongle du doigt demi-fléchi, il rompt délicatement les adhérences du testicule et, le doigt étant disposé en crochet, il amène l'organe au dehors. L'index étant rentré dans le ventre, le testicule gauche est détaché et sorti de la même manière. Si l'un de ces organes se perdait dans la cavité abdominale après avoir été détaché, il n'y aurait pas à s'en inquiéter, car il finirait par disparaître par résorption sans provoquer aucun accident.

L'opération principale étant achevée, rapprocher les lèvres de la plaie au moyen de deux points de suture et étendre à la surface un peu d'huile camphrée. Quelques jours après, la plaie est complètement cicatrisée.

Après l'opération, isoler les chapons dans un local clos où ils seront à l'abri des attaques des coqs de la basse-cour. Supprimer les perchoirs pour éviter qu'ils ne fassent des efforts qui pourraient nuire à la cicatrisation de la plaie du flanc ; leur donner une alimentation peu consistante, telle que pain délayé, pâtée de son ou de farine, et de l'eau pure à discrétion. Huit jours après, ils pourront, sans inconvénient, rejoindre la basse-cour.

Nous conseillerons enfin à ceux qui voudraient pratiquer cette opération de se faire donner, si possible, par une fermière experte en l'art de chaponner, une leçon pratique de quelques minutes, qui leur faciliterait grandement l'application du procédé que nous venons d'exposer.

D'autre part, nous tenons à faire connaître à ceux à qui répugne l'opération chirurgicale du chaponnage qu'il existe un procédé scientifique de stérilisation des coqs par implantation sous-cutanée d'un comprimé d'une substance chimique particulière.

À partir d'une incision cutanée faite au cou, on pratique dans le tissu cellulaire sous-cutané un petit tunnel au fond duquel est logé le comprimé. L'ouverture est suturée au fil de lin ou avec une agrafe. La posologie moyenne est de l'ordre de 0gr,015 par kilo de poids vif. Un comprimé par kilo de poids vif détermine : la disparition du chant et de l'instinct batailleur, le développement du plumage du chapon, la régression de la crête et des barbillons, l'accroissement des réserves adipeuses sous la peau et autour des viscères, l'infiltration graisseuse des muscles, la suppression de l'activité sexuelle, la diminution de l'activité musculaire.

Il convient, par conséquent, d'intervenir quatre à cinq semaines avant la date choisie pour le sacrifice du chapon. Toutefois, ces effets ne sont que temporaires. Ils disparaissent en même temps que s'élimine le produit actif.

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°659 Janvier 1952 Page 43