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Causerie médicale

L'eczéma

Sous ce nom, on comprend, en réalité, un groupe assez complexe d'éruptions cutanées à symptômes, évolution et étiologie variables. Étymologiquement, le terme d'eczéma n'a d'autre sens que celui d'éruption.

On peut considérer un eczéma comme une maladie superficielle de la peau ou des muqueuses, présentant comme symptômes principaux, simultanément ou successivement, de la rougeur, des vésicules, une sécrétion séreuse ou séro-purulente, susceptible de se concréter pour former des croûtes et une exfoliation épidermique, constituée par des squames minces foliacées ou furfuracées, peu adhérentes et se renouvelant à plusieurs reprises.

Il faut en éliminer les éruptions artificielles ou parasitaires, celles de cause externe ayant souvent l'apparence de l'eczéma et guérissant par la suppression de la cause.

Dans la forme qualifiée d'eczéma aigu, on n'observe généralement pas de prodromes, sinon des malaises quelconques et un peu de prurit. Les tissus deviennent tout d'abord rouges, allant du rosé clair au rouge foncé, parfois avec tuméfaction de la peau, si le tissu cellulaire sous-cutané est lâche. Sur cette rougeur apparaissent de nombreuses vésicules miliaires (de la grosseur d'un grain de millet), rarement plus grosses (formes papulo-vésiculaires); ces petites vésicules renferment une sérosité alcaline, transparente, poisseuse au toucher, empesant le linge. Ces vésicules finissent par se rompre, spontanément ou à la suite de grattages, alors avec de légères excoriations et teinte séro-sanguinolente de la sécrétion : la surface est rouge, humide, suintante. La sérosité se dessèche, se concrète en croûtelles d'épaisseur variable ; leur couleur est le plus souvent d'un jaune grisâtre, et elles sont peu adhérentes, tombent facilement et se reforment ; les bords sont irréguliers.

Lorsque le suintement cesse, les croûtelles ne se forment plus et disparaissent ; il reste une surface rouge, piquetée de petits points arrondis plus foncés, lisse, luisante, vernissée.

L'épiderme très mince ne tarde pas à se flétrir, se ride, se craquelle, se détache et tombe sous forme de squames d'épaisseur et de taille variables ; il est remplacé par un épiderme nouveau qui s'exfolie à son tour jusqu'à la guérison.

Les sensations locales vont depuis une simple impression de tension, de picotements, de chaleur, jusqu'à des démangeaisons provoquant des grattages qui donneront des excoriations, des croûtes sanguinolentes.

Comme complications, on observe parfois des accidents infectieux : lymphangites, adénites, abcès, furoncles.

L'eczéma chronique, de forme assez semblable, peut être consécutif à un eczéma aigu ou survenir d'emblée.

Il faut éliminer de l'eczéma proprement dit les « eczémas parasitaires », les « eczémas séborrhéiques » (siégeant surtout au cuir chevelu).

Pour le diagnostic, il faut envisager toutes les dermatoses avec érythème, éventuellement avec un accès d'érysipèle.

En ce qui concerne l'étiologie, on se trouve en face des opinions les plus diverses et parfois contradictoires. On a invoqué l'état général qualifié d'arthritisme, de nervosité, l'hérédité, l'émotion violente, une intoxication, alimentaire ou médicamenteuse. Le plus souvent, il s'agit d'une réaction à un aliment, à une substance chimique pour laquelle le sujet est sensibilisé, et se montrant inoffensive chez d'autres.

La difficulté réside souvent dans la détermination de la substance « réactogène ».

N'omettons pas que, pendant longtemps, on a cherché un microbe spécifique, mais on n'a jamais trouvé à la surface d'un eczéma que les microbes banaux de la peau.

Le traitement médicamenteux et diététique ne doit s'inspirer que de l'état général qu'on cherchera à modifier par des cures thermales, par des traitements opothérapiques ou autres ; en ce qui concerne la diététique, on commencera par supprimer l'aliment causal quand il est connu, en se souvenant que tel aliment peut être nocif pour l'un sans causer de dommage aux autres.

En parcourant la liste, si souvent répétée, des interdictions, on peut être effaré ; certes, il est logique de prohiber les excitants tels que le café et le thé forts, les liqueurs, les consommations alcooliques, les plats trop épicés ; les aliments quels qu'ils soient doivent toujours être d'une absolue fraîcheur ; on interdit généralement les charcuteries, à l'exception du jambon, les conserves de toutes sortes, les gibiers « faisandés » ; trop souvent les hygiénistes en chambre portent leur exclusion sur toutes les sauces, souvent bien tolérées quand elles sont exécutées par des praticiens compétents ou des ménagères instruites ; pour les fromages, on interdit presque toujours les fromages fermentés, pour n'autoriser que les fromages frais. Or les fromages « fermentés », comme par exemple l'excellent roquefort, sont presque toujours beaucoup mieux supportés que les laitages qualifiés de fromages frais. Même intransigeance irraisonnée pour le vin ; certes, il faut en déconseiller l'abus ; mais, pris en quantité raisonnable et exclusivement aux repas, il est très rare qu'il devienne nocif; et il y a des questions individuelles : tel malade supportera très bien le vin auquel il est habitué alors que, chez un autre, un vin de liqueur, un vin de Champagne, un grand cru de Bordeaux ou de Bourgogne donneront lieu à des réactions fâcheuses. Il est même des cas où le vin se montre utile, par exemple dans le cas d'une femme qui, ayant toujours une poussée d'eczéma après avoir mangé des fraises, se mit à les supporter sans aucune réaction fâcheuse si elles étaient à l'avance macérées dans du vin !

Et ceci nous montre combien les prescriptions diététiques doivent être individualisées ; parce que les fraises ont pu donner des accidents chez l'un, il est illogique de les interdire à tous ; de même, les crustacés ont parfois donné lieu à des réactions cutanées ; mieux vaut s'en abstenir, encore qu'on a vu des sujets supporter sans réaction des langoustes et réagir aux homards !

Le traitement local doit s'inspirer de ce grand principe de toute thérapeutique : ne jamais être nuisible, primo non nocere, selon le vieil adage latin.

On commencera par calmer avec des lotions (décoction de guimauve, de camomille), par des pansements humides ; l'un des meilleurs consiste dans l'application de cataplasmes de fécule de pommes de terre ; pour cela, on délaye d'abord la fécule dans son poids d'eau, en évitant de faire des grumeaux ; puis on dilue dans neuf fois autant d'eau bouillante, et on laisse bouillir jusqu'à ce que le mélange ait pris la consistance d'une gelée molle ; cette gelée, enfermée dans une tarlatane repliée, est appliquée tiède ou même froide.

Si l'eczéma est fortement suintant, on se contente d'en poudrer la surface avec une poudre inerte : poudre d'amidon, de lycopode, de talc ou d'oxyde de zinc. Ce n'est que plus tard qu'on aura recours aux pommades plus actives à base d'oxyde de zinc, de calomel, de tannin, de soufre, d'ichtyol, d'huile de cade, de goudron ; le cérat sans eau, le cold-cream frais, l'axonge très frais sont généralement mieux tolérés que la vaseline ; dans certains cas, toujours après avoir pris l'avis d'un spécialiste, on pourrait recourir à des badigeonnages à l'acide pyrogallique, au nitrate d'argent, à la chrysarobine, en surveillant de très près l'irritation que pourraient causer ces traitements souvent un peu violents.

De cette énumération de médications, il résulte que chaque cas doit être traité individuellement, qu'aucun traitement ne peut être utilisé en tous les cas, qu'il y a, en réalité, autant de traitements de l'eczéma qu'il y a d'eczémateux.

A. GOTTSCHALK.

Le Chasseur Français N°659 Janvier 1952 Page 48