Le patin à voile est une embarcation composée de deux coques
réunies par des traverses, le tout portant un mât et une voile. C'est un
catamaran réduit à sa plus simple expression. Il est né, voici quelques années,
en Espagne. Les nageurs d'un club de Barcelone, désireux de s'entraîner hors
des eaux polluées du rivage, gagnaient le large en sautant sur un de ces patins
qui partait à grande vitesse au moindre vent. L'engin était abandonné pendant
le bain, puis ramené, ensuite à la côte, toujours chevauché par le baigneur.
Ces conditions particulières exigeaient un engin extrêmement simple, facile à
mettre à l'eau, rapide sous voile, stable et utilisable par fort clapotis.
Pendant plusieurs années, le patin à voile primitif fut constamment amélioré
jusqu'au jour où l'on décida de mettre la série en monotype. Ce fut l'oeuvre de
M. Carlos Pena, secrétaire pour l'Espagne de la série, qui peut être
aujourd'hui légitimement fier de la prospérité de sa grande famille, puisque
plus de 150 patins sont actuellement inscrits et jaugés. Déjà l'Argentine, le
Brésil, le Portugal construisent des flottilles, et quelques patins sont nés en
France, au cours de l'été dernier. La série est donc en pleine croissance.
Notons, comme le fait remarquer M. Carlos Pena, que
le patin n'est pas destiné à supplanter telle ou telle série. C'est un engin
qui a été conçu pour remplir des conditions bien déterminées. J'ai chevauché un
de ces patins en août dernier, sur une plage près de Barcelone, et j'ai été
stupéfait d'atteindre une extraordinaire vitesse avec une brise seulement
moyenne. C'est du grand sport, qui rappelle les vertigineuses descentes sur
skis et les chevauchées sur un cheval de race. Ça frémit dans vos mains et
c'est d'une sensibilité étonnante. Très intéressé, j'ai continué mon enquête en
visitant un chantier constructeur de patins. L'engin est livré barre en main — je
veux dire écoute en main, vu l'absence de gouvernail — au prix de 8.000
pesetas, soit 70.000 fr. environ. L'extrême simplicité de l'ensemble doit
permettre à des amateurs de le construire pour une somme naturellement bien
inférieure. Des plans ont été tirés en France dernièrement. Le dossier contient
toutes les précisions sur l'échantillonnage. Les dessins sont à l'échelle du
1/5 pour les coques et du 1/20 pour l'ensemble.
Voici quelques précisions sur le patin à voile et la façon
originale de s'en servir. L'engin comprend deux coques rigides de 5m,50
de long réunies par 5 traverses. Un mât est fixé sur l'avant à 1 mètre des
étraves et maintenu solidement par des haubans. La voile Marconi, d'une surface
de 11 mètres carrés, est à bordure libre. Ni borne, ni foc, ni dérive, ni
gouvernail. Une simple écoute comme lien entre l'homme et l'engin. Voici la
démonstration à laquelle j'ai assisté d'abord et participé ensuite. L'équipier
hisse sa voile à terre, traîne son patin sur le sable et, dès qu'il flotte, il
saute dessus comme un cavalier saute en selle. Le patin ayant son mât sur
l'avant, celui-ci s'enfonce légèrement, l'arrière se lève et se met dans le lit
du vent. L'engin se place donc naturellement debout au vent. Quand l'équipier
saute sur l'avant, la position du patin est inchangée par rapport au vent.
Mais, à mesure que l'homme se déplace vers l'arrière, il devient, par son
poids, supérieur à celui du mât, l'axe du patin. Quand il se place à l'extrême
arrière, l'avant lève et l'embarcation prend la position du vent arrière.
L'équipier revenant vers l'avant, le patin changera de position, passant du
travers au plus près pour arriver au vent debout, c'est-à-dire dans le lit du
vent. Tel un cotre bien équilibré, le patin n'a pas besoin de gouvernail quand
on réalise l'équilibre de la voile et de l'équipier. Le virement de bord se
fait d'une manière assez curieuse. L'équipier bondit sur l'avant du patin au
vent et passe devant le mât. L'engin pique du nez et vire. L'écoute est passée
d'une main dans l'autre sous la voile et l'équipier revient sur l'arrière en
sautant sur l'autre patin. Tout ceci se fait rapidement, et à peine avais-je eu
le temps de me cramponner à une traverse à l'annonce de la manoeuvre que, déjà,
le patin volait littéralement sur la mer sous une nouvelle amure. Mon équipier
me fit participer ensuite à un chavirement. En nous plaçant debout sur une
coque, nous redressâmes le patin en quelques secondes et, à peine revenu en
position normale, l'engin filait en pleine vitesse. Pas besoin d'écoper ;
les flotteurs sont étanches. Au cours de cette sortie, nous fîmes un près serré
remarquable, malgré l'absence de dérive. Le soir, le vent étant presque tombé,
je pus me rendre compte de la sensibilité du patin, qui modifiait son cap au
moindre déplacement de son équipier. Arrivés sur la plage, nous portons le
patin aisément à deux, l'engin pesant environ 100 kilos. Un homme seul peut le
faire glisser sur le sable et le remettre à l'eau. Pour la promenade, certains
patins sont équipés de planchers mobiles permettant à deux équipiers de
s'allonger complètement, pendant que le troisième conduit sans gêner et sans
être gêné. Par mer calme, on ne mouille pratiquement pas. Mais, dès que le vent
fraîchit, on est naturellement arrosé et le maillot de bain est la tenue de
rigueur. Mais cela ne compromet par la sécurité de l'engin, qui est
insubmersible et difficilement chavirable. Lorsque les patins d'un club
participent à des régates, le problème du transport est simplifié. Ils sont
entassés sans dommages les uns sur les autres sur un camion ou un wagon.
Certains équipiers automobilistes prévoient des traverses démontables et
placent les flotteurs l'un contre l'autre sur le toit de leur voiture.
Engin de sport conçu pour les sportifs de la mer, le « patin
a vela » doit connaître en France, dans les années à venir, un succès
justifié par des qualités tout à fait exceptionnelles.
A. PIERRE.
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