Dans un très intéressant article paru en octobre 1951, M. A.
Andrieu a donné d'utiles précisions sur la culture des Cactées, plantes
très à la mode actuellement.
Sous le nom de plantes grasses, on désigne des
végétaux très divers appartenant à un certain nombre de familles botaniques :
Agavées, Ficoïdées, Euphorbiacées, Kalanchoïdées, Liliacées, Portulacées, Sédoïdées,
Sempervivoïdées, Stapéliées, etc., dont les parties aériennes sont très
renflées et contiennent, en général, des sucs ou des latex, en même temps
qu'une grande quantité d'eau. Ces plantes, botaniquement différentes des
Cactées, sont, en général, comme ces dernières, d'une grande résistance et
d'une sobriété exemplaire, ce qui en met la culture à la portée de nombreux
amateurs et collectionneurs.
La plupart de ceux-ci, s'ils disposent d'un espace
suffisant, cherchent à réunir le plus grand nombre de variétés différentes. Il
est, pour cela, un moyen : c'est d'acheter, chez les spécialistes, les
plantes que l'on désire posséder.
Mais, pour l'amateur, dont les ressources sont limitées, il
en est un autre, non dépourvu d'intérêt, qui consiste à multiplier les végétaux
qu'il possède de façon à pouvoir s'en procurer d'autres par voie d'échange avec
un collègue, amateur ou collectionneur lui aussi.
En effet, pour les plantes grasses, les divers modes de
multiplication : bouturage, semis, greffage, peuvent
être mis en oeuvre, en appartement, sans nécessiter l'emploi d'un matériel
spécial et parfois encombrant.
Précisons tout de suite que, pour avoir le plus de chances
de succès, il convient d'opérer aux saisons les plus favorables. Le printemps
et l'été remplissent ces conditions. Il faut aussi, dans le cas où l'on a
recours aux procédés végétatifs, bouturage ou greffage, prélever la portion qui
doit fournir la nouvelle plante sur une plante-mère en pleine végétation, bien
gorgée de sève.
C'est du bouturage, procédé le plus courant, que nous
voudrions aujourd'hui entretenir nos lecteurs.
Le bouturage.
— Une bouture est une portion d'un végétal que
l'on détache de celui-ci pour en provoquer l'enracinement et obtenir un nouveau
végétal en tous points semblable à la plante-mère qui a fourni la
bouture.
Le fragment destiné à former la bouture est tranché avec un
couteau propre et bien tranchant. Chaque fois que ce sera possible, la coupe se
fera au niveau d'une articulation, ou bien au-dessous d'un nœud.
Contrairement à ce qui se passe lorsqu'on bouture d'autres
plantes, il ne faut pas planter la bouture immédiatement, mais la garder à
l'ombre, dans un endroit très sain, jusqu'à ce que la plaie qu'elle porte à sa
base soit cicatrisée. Ainsi faisant, on évitera la pourriture qui, dans la
majorité des cas, attaquerait les parties à vif mises au contact du sol sans
aucune protection.
Au bout d'un temps variable suivant les conditions
climatiques et l'espèce considérée, temps qui peut varier de huit à vingt jours
ou même davantage, et au cours duquel la bouture se flétrit parfois légèrement,
celle-ci est plantée dans du sable presque sec. On en enterre fort peu la base
et même, pour certaines Euphorbiacées, on ne les enterre pas du tout,
mais, après avoir fixé la bouture sur une baguette, de telle façon que celle-ci
dépasse la base de quelques centimètres, on plante cette baguette dans la
terre, la base de la bouture restant à quelques millimètres au-dessus de la
surface.
Dès que les boutures ont quelques racines, de 1 centimètre
de long environ, on les plante dans des pots, plutôt petits, et dans la terre
qui convient, c'est-à-dire, pour la plupart d'entre elles, dans un mélange de :
un tiers de gros sable de rivière renfermant de petits graviers, un tiers de
terreau de feuilles entièrement consommé et ne contenant pas de débris de bois,
et un tiers de terre de jardin contenant environ 5p. 100 de calcaire si
possible.
Au début, on arrose peu ; puis, après quinze à vingt
jours, on augmente les arrosages et la jeune plante, complètement enracinée,
peut être traitée comme les autres plantes.
Certains détails, à ne jamais perdre de vue, ont sur le
résultat final une influence considérable. Il faut :
a. Tenir à l'ombre les boutures tant que la reprise
n'est pas complète. En les mettant au soleil, on risquerait de provoquer une
transpiration excessive qui amènerait un flétrissement préjudiciable, parce que
trop important.
b. Avoir la patience d'attendre que l'enracinement se
produise, et surtout ne pas déplanter à chaque instant les boutures pour voir
si les racines apparaissent. Ces racines jeunes sont, en effet, d'une fragilité
très grande ; on risque de les briser, de retarder ainsi la reprise et
même, souvent, de provoquer la pourriture.
La plupart des boutures s'enracinent plus rapidement dans
une atmosphère chaude et un peu confinée, de même que dans un sol réchauffé,
soit par une couche tiède, soit par tout autre moyen. Mais ces artifices, qui
permettent de gagner du temps, ne sont pas indispensables à l'amateur.
D'ailleurs, un grand nombre de plantes grasses se bouturent
sans précautions spéciales et avec la plus grande facilité. Ce sont notamment
celles qui émettent des rejets au ras du sol, et même au-dessous : Joubarbes,
Echeveria, etc. Il suffit de séparer le rejet de la plante-mère et de le
planter dans un pot en arrosant peu pendant quelques jours.
Le bouturage des feuilles, couramment pratiqué par les
horticulteurs pour multiplier quelques plantes de serre, et notamment les Bégonia
Rex, peut également s'appliquer à beaucoup de plantes grasses des familles
des Liliacées et des Crassulacées. Pour l'opérer, on détache une feuille de la
plante à multiplier et, après avoir laissé sécher la plaie pendant trois ou
quatre jours, on la plante dans du sable très légèrement humidifié, en
enterrant très peu la base. Des racines se formeront au bout de quelques
semaines, puis un bourgeon naîtra et donnera une jeune plante, que l'on pourra
détacher et faire enraciner si elle ne l'est pas encore. Assez souvent, la même
feuille donnera naissance, simultanément ou successivement, à plusieurs
plantes.
On peut encore assimiler au bouturage le procédé de
multiplication par bulbilles. Celles-ci sont des sortes de rejets
apparaissant après les fleurs sur les tiges florales de quelques Aloès, Haworthias,
Agaves, ainsi que sur les feuilles de certains Kalanchoe, qu'il
suffit de détacher et de planter aussitôt, l'émission de racines étant déjà
commencée sur la plante-mère la plupart du temps.
Dans un prochain article, nous donnerons à nos lecteurs
quelques précisions sur les autres modes de multiplication, moins usités.
E. DELPLACE.
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