C'est un lieu commun d'écrire que l'emploi des porte-greffes
au vignoble a été rendu indispensable à la suite de la crise phylloxérique.
Affinité vis-à-vis du greffon mise à part, il a fallu
essayer une quantité assez importante d'hybridations pour permettre à un
porte-greffes déterminé de végéter convenablement dans le sol qui lui était
affecté.
Ceci ne s'est pas fait sans beaucoup d'essais, de réussites
et d'insuccès aussi. Soyons reconnaissants à ces chercheurs de nous avoir
dotés, depuis un siècle, d'un nombre imposant de sujets.
Pour bien faire comprendre les difficultés que les
opérateurs ont rencontrées dans leurs travaux, il n'est pas indifférent de voir
rapidement comment se sont formés les terrains en France.
Lors du refroidissement de l'écorce terrestre apparaissent
deux sortes de roches cristallines plus ou moins stratifiées : d'abord
des micaschistes et les gneiss ; ensuite nous voyons se
cristalliser d'autres roches : les granits et les porphyres.
Enfin les éruptions volcaniques vont faire apparaître une
troisième classe, dont les trachytes et les basaltes.
Les premières, se décomposant assez facilement, sont
composées de grains de silice cristallisée, de parcelles de mica également
cristallisé, le tout aggloméré par un ciment coloré ou non auquel on a donné le
nom de feldspath.
Dans la seconde catégorie, les roches cristallines ont la
même nature, mais sont d'une décomposition un peu plus longue : la plupart
ont, du reste, depuis des centaines de millénaires, subi des altérations à peu
près négligeables.
Ces roches décomposées donnent du sable micacé et des
argiles différemment colorées.
Quant aux roches volcaniques, elles sont riches en acide
phosphorique et en fer.
Les roches sédimentaires sont surtout constituées par des
calcaires dont certaines formations, comme celle des Causses, ont des
épaisseurs considérables. Ces formations calcaires sont d'âges très différents,
quoique les plus importants dépôts marins aient été constitués à l'époque
secondaire.
Leur dureté est aussi très variable.
Enfin les grés se sont formés le plus souvent par
agglomération de sables siliceux à l'aide d'un liant et quelquefois de sables
calcaires.
Les schistes ont été produits par la compression due aux
soulèvements du sol : les bancs d'argile emprisonnés dans des profondeurs
du sous-sol ont été fortement comprimés avec un dégagement de chaleur
considérable, qui a permis l'évaporation de l'eau. La combustion des matières
organiques en vase clos leur a donné leur couleur noire due au dépôt de
particules de carbone très fines.
Quand nous aurons dit que les produits de désagrégation de
ces différentes roches mères ont été immergés, puis ont émergé à plusieurs
reprises, qu'ils ont été transportés au loin par des bras de mer, sortes de
fleuves fort larges, qu'ils ont été bousculés par les éruptions de la chaîne
alpine, érodés par les eaux et les vents, on comprend qu'il se soit produit un
véritable brassage de tous ces résidus de désagrégation, donnant ainsi des
terres de composition fort variable, associant les sables calcaires ou siliceux
aux argiles, aux cailloux de toutes dimensions ; quelquefois le banc
d'argile sous-marin exondé recouvre la formation calcaire et donne ainsi des
sols peu profonds.
Dans d'autres cas, les terrains se trouvent à l'emplacement
d'anciens lacs asséchés. On pourrait ainsi multiplier les exemples à l'infini.
Nous allons maintenant passer en revue les différents
porte-greffes classés par leur résistance au calcaire. Les documents auxquels
nous nous référons sont pris parmi les meilleurs auteurs. Ces descriptions
s'adressent surtout à ceux qui n'ont pas ces documents à leur disposition.
Cépages végétant dans des sols contenant 50 à 60 p. 100
de calcaire et convenant aux terrains crayeux, secs, peu profonds : c'est
le type des Berlandiéri. Nous avons cinq porte-greffes : B. Resseguier
nos 1 et 2, B. Laffont, B. Mazade, Chasselas
X Berlandiéri n°41 B.
Les sols contenant de 40 à 50 p. 100 de calcaire
se divisent en deux groupes :
a. Terrains marneux frais un peu humides :
trois porte-greffes, Mourvèdre X Rupestris n°1202, Aramon X Rupestris,
Ganzin n°1, Bourrisquou X Rupestris n°601.
b. Terrains secs peu profonds, un seul sujet :
Bourrisquou X Rupestris n°603.
Les sols contenant de 30 à 40 p. 100 de calcaire se
divisent également en deux groupes :
a. Terrains humides : trois porte-greffes, Berlandiéri
X Riparia nos33 et 33 E. M. et n°157.
b. Terrains secs : trois porte-greffes, Berlandiéri
X Riparia nos 420 A et 420 B, Rupestris X Berlandiéri
nos 301 A et 219 A et Cabernet X Rupestris n°33 A1.
Par contre, les sols contenant 25 à 30 p. 100 de
calcaire se divisent en trois groupes :
a. Terrains sains argilo-calcaires, un peu
compacts, profonds, fertiles : Riparia X Rupestris n°10114.
b. Terrains peu profonds, peu fertiles, un peu
humides : Riparia X Rupestris n°3306.
c. Terrains maigres et caillouteux : deux
porte-greffes, Riparia X Rupestris n°3309 et Rupestris du Lot.
Les sols contenant de 15 à 25 p. 100 de calcaire
se divisent en deux groupes :
a. Terrains peu profonds très humides : Solonis
X Riparia n°1616.
b. Terrains profonds, fertiles, frais, humides :
Solonis.
Sols contenant de 10 à 15 p. 100 de calcaire,
constitués par des terrains profonds, fertiles et frais : Riparia-Gloire
de Montpellier.
Les sols contenant de 1 à 5 p. 100 de calcaire,
formés de terrains granitiques, argilo-siliceux, peu compacts et frais,
adopteront le Vialla.
Quand nous aurons préconisé le Riparia X Cordifolia-Rupesfris
n°106-8 pour les terrains compacts secs et le Berlandiéri pour les
terrains superficiels secs, nous aurons passé en revue les porte-greffes
classiques.
Il en est apparu d'autres, il en paraîtra d'autres, mais
ceux que nous citons ont été sanctionnés par une longue expérience.
Enfin on peut se servir des hybrides comme porte-greffes,
mais à la condition d'être prudent, de rechercher quelle sera l'affinité avec
le greffon et de posséder des terrains profonds assez riches.
V. ARNOULD,
Ingénieur agronome.
|