Il s'agit simplement de l'excès de la sécrétion sudorale,
sécrétion normale et physiologique ; la demande d'un lecteur qui m'incite
à parler de ce sujet visait plus spécialement une hyperhidrose localisée (la
sueur des pieds), sur laquelle je vais revenir.
Les sueurs ont toujours joué un rôle important en pathologie
populaire. Du fait qu'une pneumonie (une fluxion de poitrine, comme on disait)
éclate souvent à la suite d'un refroidissement survenu à un moment où le corps
était en sueur, on a incriminé les « sueurs rentrées ».
De même que les sueurs accompagnent les efforts pénibles
(l'homme ne doit-il pas gagner sa vie à la sueur de son corps ?), ce
furent ces sueurs que l'on a voulu considérer comme la cause de la fatigue, de
la faiblesse qui se manifestent.
À l'état normal, il se fait chez l'homme une exhalation
cutanée constante, mais non apparente, de vapeur d'eau, d'une petite quantité
d'acide carbonique et de quelques substances volatiles. Un homme émet, en
moyenne, de 1.000 à 1.300 grammes de sueur en vingt-quatre heures ; il
peut arriver que la sueur renferme une petite quantité d'urée, mais il est
illusoire de compter sur cette élimination pour suppléer à une insuffisance des
reins.
La sueur, dont l'odeur varie selon les individus, les races,
ou selon les régions, a pour effet d'entretenir la moiteur et la souplesse de
la peau ; son évaporation joue un rôle non négligeable dans la régulation
de la température lorsqu'elle s'élève, à la suite d'un effort ou d'une fièvre.
Elle constitue un symptôme de nombreuses maladies, soit à la période de début,
soit à une période avancée, telles les sueurs profuses dans la tuberculose ;
il est même une maladie dont les sueurs sont le symptôme capital, c'est la suette
miliaire. Après quelques malaises, ces sueurs surviennent d'une façon
profuse ; le malade inonde son lit, et, bien souvent, il faut changer son
linge et sa literie jusqu'à deux fois par jour cette période d'invasion
dure de deux à six jours, puis apparaît l'érythème caractéristique, polymorphe,
rubéolique ou scarlatiforme, siégeant sur la nuque, le tronc, les poignets, les
avant-bras, respectant presque toujours la face, les mains, les membres
inférieurs ; on l'a parfois observé à la face interne des joues, sur la
voûte ou le voile du palais. Ce qui est typique de cet érythème, c'est
l'apparition à sa surface de petites élevures, papules ou vésicules, appelées miliaires
par suite de leur dimension et de leur forme rappelant celles d'un grain de
millet ; elles sont entourées d'une petite aréole inflammatoire. Les
troubles généraux sont variables selon les cas et les épidémies ; on a
signalé des troubles nerveux pouvant aller jusqu'au délire, des crampes, des
convulsions, des crises de suffocation sans lésion pulmonaire appréciable, un
certain embarras gastrique avec constipation ; la température est
habituellement peu élevée, sauf dans les cas particulièrement graves, et très
rarement aussi observe-t-on de l'albuminurie.
L'affection, dans les cas habituels, dure une dizaine de
jours, mais il y a des formes bénignes et abrégées, tout comme il y a — plus
rarement — des formes graves, dépendant sans doute de l'état antérieur du
sujet. La peau se desquame, par écailles ou par plus grands placards.
Il n'existe aucun traitement spécifique et il se résume dans
quelques mesures hygiéniques (désinfection, isolement) ; contre l'excès de
transpiration, il faut tout d'abord éviter l'amas de couvertures, dont on a
trop tendance à surcharger le malade, et se contenter d'affusions froides.
* * *
Après avoir effleuré les cas d'hyperhidroses généralisées,
venons-en aux transpirations locales, tantôt au front et à la tête, où l'on
accuse parfois des « sueurs froides » à la suite d'une vive émotion,
tantôt aux aisselles (dues, par exemple, à des « dessous de bras » en
tissu caoutchouté) ou à la région génitale.
L’hyperhidrose palmaire, qui rend les mains
constamment moites et humides, surtout en été, est gênante pour nombre de gens
ne pouvant se livrer à certaines professions manuelles.
Arrivons maintenant à l’hyperhidrose plantaire, qui a
suscité cette causerie : « L'on prétend, m'écrivait mon
correspondant, que l'on ne doit pas se débarrasser de cette affection, sous le
prétexte que cela remonte à la poitrine. » Il s'agit là, évidemment, d'un
reflet de cette croyance populaire du danger des « sueurs rentrées ».
Commençons par rassurer pleinement notre aimable lecteur :
en aucun cas le traitement et la guérison de cette désagréable affection ne
peut avoir de répercussion sur la poitrine ni sur toute autre région du corps.
La plante du pied est soumise à la pression de tout le corps et se trouve,
presque constamment, enveloppée de bas ou chaussettes et de chaussures souvent
épaisses, plus ou moins imperméables. Dans les cas sérieux, cette affection
peut rendre la marche difficile, sinon impossible par suite de la macération de
l'épiderme et de la sensibilité des pieds ; elle est toujours gênante par
suite de l'odeur, parfois fétide, toujours désagréable, de cette sueur,
qualifiée de « bromidrose » en terme technique.
On recommande bien de porter des chaussures légères, bien
aérées, mais il est des travaux, des exercices, des sports, ne fût-ce que la
chasse, qui nécessitent d'être solidement chaussé, et même parfois le port de
chaussures de caoutchouc. En pareil cas, il faudra changer de chaussures, dès
qu'on arrive au repos. Le traitement, qui, répétons-le, ne peut jamais avoir de
répercussion fâcheuse, se résume en quelques mesures hygiéniques.
Une médication ou un régime ne peut s'adresser, le cas
échéant, qu'à l'état général (nervosisme, arthritisme, obésité), et il faut
éviter les médicaments susceptibles de restreindre la sécrétion sudorale, comme
l'aconit, l'aconitine, l'agaric ou ses dérivés.
Tout au plus pourra-t-on recourir à la modeste infusion de
sauge, qui, sans être dépourvue d'efficacité, n'a aucun inconvénient
secondaire. Le traitement local consiste en de fréquents bains de pieds, chauds
ou froids ; on peut se servir d'une décoction d'écorces de chêne ou de
feuilles de noyer, additionnée d'un peu de borax et d'alun, qu'on peut alterner
avec l'un des produits vantés par la publicité. On se servira d'un savon
salicylé ou à base de formol, comme le lusoforme (qui ne donne pas de vapeurs
irritantes pour les yeux).
On peut ensuite procéder à une lotion alcoolique, puis,
après séchage minutieux, on saupoudrera largement les pieds avec une des
poudres que l'on trouve dans les pharmacies. Autrefois, dans l'armée
prussienne, on utilisait le mélange :
Acide salicylique |
3 |
gr. |
Amidon |
10 |
= |
Talc |
87 |
= |
Il faut toujours recourir à ce poudrage avant de se
chausser. Dans les cas rebelles, on conseille de prendre, deux fois par
semaine, un bain de pieds avec une solution de permanganate de potasse à 1 p. 1.000,
suivi d'une décoloration de la peau avec une solution de bisulfite. Les
badigeonnages au nitrate d'argent sont rarement indiqués.
Dr A. GOTTSCHALK.
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