Une des plus décevantes surprises de notre époque est de
voir l'absence générale complète de connaissances, mêmes rudimentaires, sur les
questions d'astronomie.
Certes, la cosmographie figure au programme des lycées et
collèges, mais les élèves y attachent peu d'intérêt ... comme leurs
professeurs, hélas ! Il faut reconnaître à la décharge des uns et des
autres que les auteurs ayant traité de ces matières ont bien rarement su leur
donner le moindre attrait. Farcies de mathématiques et de données totalement
théoriques, ces disciplines d'enseignement restent aussi décevantes que
rébarbatives.
Or elles sont justement les plus importantes qu'il soit,
car, si le Soleil n'existait pas, la Terre n'aurait pu donner la vie à l'homme
et le globe serait un astre froid et mort voguant éternellement dans l'infini
des cieux. Étudier l'astronomie, c'est avant tout connaître le qui, pourquoi,
comment de l'humanité et son milieu. C'est aussi connaître l'histoire naturelle
de tout ce qui est visible dans la Nature.
À ce titre, il faut reconnaître que les conditions modernes
de vie dans les villes sont peu propices à attirer l'attention de la jeunesse
sur les astres. Dans ces villes, les lumières électriques des rues masquent les
points d'or que marquent les étoiles sur l'éternel bleu des cieux.
Il en résulte que le moindre pâtre, habitué aux veillées
nocturnes sur les prés et alpages des montagnes en gardant les troupeaux, en
sait bien davantage que l'étudiant bien instruit.
Pour lui, il est vrai, l'astronomie est faite d'un langage
fort spécial où la Voie Lactée devient le Chemin de Saint-Jacques, la Grande
Ourse est le Chariot, et le Baudrier d'Orion se nomme les Trois Rois. Au
demeurant, ce sont là désignations fort imagées et qui ne changent rien aux
faits, puisque les noms des constellations sont de pures conventions humaines.
Avec le paysan, le marin est très connaisseur en astronomie,
et même sa compétence est du domaine de l'astrophysique et de la cosmobiologie.
Il sait en effet que les marées, bénéfiques ou néfastes à ses pêches, sont des
influences directes de l'action d'attraction de la Lune. Il sait aussi, depuis
quelques années, que les poissons dont il fait la base de son alimentation
contiennent beaucoup de magnésium et que cela évite à la majorité des inscrits
maritimes le redoutable cancer.
Cancer que l'on retrouve dans l'astronomie, puisque l'on
apprenait dernièrement, par la voie très autorisée du Centre national de la
recherche scientifique, que les statistiques démontraient une relation absolue
entre les maxima de taches solaires et les cycles de progression des terribles
tumeurs malignes.
Or l'astronomie d'amateur a été extrêmement populaire en
France aux XVIIIe et XIXe siècles, et, en fouillant dans
les galetas des vastes maisons de province, il n'est nullement rare de
découvrir une lunette ou un télescope dont jadis fit usage un ancêtre amateur
de cette science.
L'astronomie d'amateur est une distraction d'abord, mais
aussi une joie, et elle est extrêmement peu coûteuse à pratiquer.
Tout se réduit à acquérir un ouvrage simple et clair
d'astronomie populaire, un atlas ou une carte du ciel, quelques photographies
de la Lune et des canaux de Mars, et enfin une lunette. En tout quelques
milliers de francs avec lesquels on peut sonder l'Infini spatial.
On ajoutera que, s'il existe des lunettes et télescopes dans
le commerce, il est aussi extrêmement simple d'en confectionner à très bon
marché, et ils suffisent à donner amplement satisfaction si l'on veut bien se
souvenir que Galilée a réalisé ses plus belles découvertes avec un montage
personnel de très petit grossissement. De même, sous le premier Empire,
l'astronome Messier s'illustra dans la découverte des comètes et la confection
de leur catalogue avec une petite longue-vue montée par lui, longue simplement
de deux pieds et n'ayant que deux pouces d'ouverture.
Avant toute chose, il importe de connaître les étoiles de
première magnitude ou d'apparente première grandeur, puis les constellations.
En tout, cela représente deux dizaines de figures virtuelles ou d'astres pour
notre hémisphère. Puis un puissant intérêt résidera à suivre la marche des
planètes et à suivre les phases et positions de la Lune, ce qui n'est guère
compliqué. Mais combien ne retirera-t-on de profit de simplement savoir que,
chaque soir, la Lune se présente au même emplacement pour les yeux de
l'observateur, avec une heure de décalage.
Avec une longue-vue, l'observateur de la Lune verra encore
quelque chose d'extrêmement troublant : c'est que les surfaces criblées de
cirques, situées au bord de ce que l'on a nommé improprement les mers lunaires
(puisqu'il n'y a ni atmosphère ni eau), correspondent exactement, en gros, aux
contours de l'Afrique et de l'Europe occidentale...
Éclipses de Lune et de Soleil deviennent d'un intérêt
palpitant à observer à la lunette, de même que les mystérieuses et chevelues
comètes.
Si l'amateur est véritablement curieux de l'Infini
astronomique, il aimera rapidement posséder une de ces lunettes plus puissantes
produites par le commerce. Elles lui permettront alors de voir au delà du
système solaire et de se pencher sur l'inconnu des nébuleuses spirales
ressemblant tant à ces roues fugitives des feux d'artifices multicolores.
Il comprendra alors ce qu'est la Voie Lactée : rien
d'autre que la projection dans le ciel de la tranche d'une de ces nébuleuses
spirales, ou galaxies, dont le Soleil et son cortège de planètes — y
compris la Terre — ne sont rien d'autre qu'une des étoiles composantes
parmi des milliards. Il comprendra alors également mieux que le temps horaire
que marquent les pendules est bien peu de chose, sinon voisin de rien, en face
de ce qu'est le temps astronomique. Car, à la vitesse de 300.000 kilomètres à
la seconde, il faut déjà huit minutes pour que nous parvienne un rayon de
soleil. Mais, quand on aperçoit une étoile, même la plus proche, il y a déjà
des millions d'années que le rayon lumineux fait route.
Enfin, pour aider les amateurs dans leurs intelligents
loisirs astronomiques, il existe en France trois ou quatre sociétés
d'astronomie populaire ne demandant qu'à les guider, leur servir leurs
bulletins de documentations et les faire bénéficier des conseils
d'astrophysiciens dévoués, et ne demandant qu'à avoir beaucoup d'adeptes.
Sylvain LAJOUSE.
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