À la date du 15 août 1947, l'Inde a théoriquement cessé
d'être Dominion anglais, en même temps que le mystérieux pays des omnipotents
radjahs. Il a été toutefois nécessaire de constituer deux États fondés sur des
majorités d'aspirations religieuses : d'une part le Pakistan, et d'autre
part l'Union indienne.
Le Pakistan présente la particularité d'être coupé en
deux régions distantes l'une de l'autre de dix-sept à dix-huit cents
kilomètres, totalisant près d'un million de kilomètres carrés ; mais
ceux-ci sont fort inégalement répartis, puisque le territoire de l'Est, à
l'embouchure du Gange, n'en possède que 140.000, tandis que la région Ouest,
axée sur l'Indus, en groupe 840.000.
Ainsi situées de part et d'autre du sommet géographique de
l'immense triangle indou, les deux Pakistans présentent des oppositions très
marquées.
À l'Est, la plaine est immense mais marécageuse, étant
soumise aux débordements du Gange, ce qui, en contrepartie, procure une rare
fécondité aux rizières.
À l'Ouest, l'Indus n'offre pas moins de bontés fertilisatrices
aux terres riveraines, mais l'aspect du pays est tout autre. Plus d'immenses
plaines s'étendant à l'infini, mais des terrasses successives depuis les hautes
montagnes du Nord. Et cela donne trois zones totalement différentes : au
Nord, le très opulent Penjab, et au Sud le delta très riche du Sind, séparés
par des sortes de steppes, très pauvres naturellement.
Comme la majeure partie de l'Asie, l'Inde est soumise à la
mousson, mais la distance entre les deux Pakistans provoque de bien grandes
différences d'irrigation pluviométrique durant la saison des pluies, soit entre
juin et octobre. Les précipitations ont lieu évidemment sur la vallée du Gange,
et les nuages arrivent quasi desséchés sur l'Indus. Les résultats sont des
hauteurs de pluie triples à l'Est qu'à l'Ouest.
Les recensements démographiques n'ont donné que des
indications approximatives. On estime que le pays totalise quelque 85 millions
d'habitants, ce qui reviendrait à une densité voisine de celle de la France, si
la répartition n'était pas extrêmement irrégulière. En effet, les territoires
de l'Est, qui représentent seulement le septième de la surface, accaparent la
moitié de la population totale. Inversement, à l'Ouest, la province du
Béloutchistan, qui figure pour plus du tiers de la surface, ne représente que
le centième du peuplement.
Une seule grande ville dépasse le demi-million d'habitants :
Lahore, avec 675.000, et 93 p. 100 de la population totale a des activités
rurales.
Comme dans toute l'Inde, la natalité des deux Pakistans est
énorme. L'accroissement démographique atteint un million d'âmes par an, malgré
les effroyables ravages endémiques de la peste, du typhus, du choléra, de la
malaria, des bêtes fauves, et autres calamités permanentes.
Les problèmes religieux sont très graves, car l'Inde est à
la fois musulmane et hindouiste, et on a dû recourir à des transferts de
populations pour les résoudre. Il n'y a pas davantage d'uniformité de langue,
de mœurs ou de coutumes, seulement des fédérations de sortes de provinces.
Politiquement le Pakistan a bien une capitale à Karachi,
avec un gouvernement, mais il n'y a pas encore de constitution bien définie.
Jute, blé et coton constituent les richesses naturelles
essentielles du Pakistan, mais n'occupent que le cinquième des terres. Les
régions de cultures comme de peuplement sont fonction de l'irrigation
naturelle. Ces trois cultures sont assez abondantes pour pouvoir être
exportées, tandis que le riz, aliment national, reste déficitaire au point de
provoquer d'effroyables famines, fort connues dans le monde par leurs
répétitions et les millions de morts qu'elles causent. Si le double pays est
encore riche de canne à sucre et de thé, il reste pauvre en oléagineux divers.
Le jute est la culture essentielle des Pakistans dans le
domaine des textiles, suivi du coton, mais le nombre d'usines de filatures
reste insuffisant pour le traitement national, et l'on doit recourir à
l'exportation du produit brut.
Pays tout de contrastes, les Pakistans manquent de bois, car
les forêts sont notoirement insuffisantes.
Il en est de même des ressources minières exploitées et
connues, car l'énormité du pays n'a pas encore autorisé une prospection
suffisante. Tout ce que l'on sait, c'est qu'il y a du charbon et du pétrole
puisqu'on en extrait. Mais, si l'on a la certitude de pouvoir augmenter les
productions, on ignore, en général, ce que peuvent être les réserves
naturelles. Il en est de même du fer et des autres minerais.
Tout cela fait que l'industrie n'y est actuellement qu'assez
restreinte, même embryonnaire en diverses matières. Toutefois la nouvelle
organisation politique a su tracer un programme économique de très grande
envergure, avec une industrialisation très poussée. Des mesures fort
rationnelles ont été édictées, comme des exemptions totales d'impôts pour les
établissements neufs pendant cinq à dix ans, et pour l'avenir les impôts ont
été fixés à de très faibles taux. Il s'ensuit que le Pakistan est en passe de
devenir un pays d'investissements de capitaux mondiaux, en même temps qu'un
lieu d'élection et d'avenir pour les ingénieurs et la main-d'œuvre qualifiée de
tous les pays de l'Univers. Des services pakistanais à l'étranger effectuent du
reste des appels à ces travailleurs, avec de très belles perspectives d'avenir.
Les transports sont représentés par une douzaine de milliers
de kilomètres de voies ferroviaires. Les routes sont satisfaisantes et
avoisinent les 100.000 kilomètres. Le domaine portuaire est fort bien équipé à
Karachi, qui peut recevoir les plus gros cargos en service avec un parfait
outillage de levage et de manutention. Mais d'autres ports desservent également
les régions économiques.
Le gouvernement actuel a établi une protection douanière
quelque peu sévère pour assurer l'équilibre financier. Cependant l'Union indienne
et la Birmanie bénéficient de régimes de faveur en raison de l'identité de
races. Ces mesures actuelles font des Pakistans un des rares pays ayant le
budget en équilibre.
Mais ces mesures, si elles assurent des finances publiques
saines, n'ont pas encore — faute de temps — pu parvenir à hausser le
niveau de vie des habitants. L'établissement de la république a provoqué le
départ des radjahs milliardaires, et cela a provoqué maints changements
sociaux. En quelque sorte, à une sorte de féodalité médiévale a succédé sans
transition un régime démocratique, et il cherche encore son équilibre.
Économiquement, et pour les Européens, la région de la
métropole de Karachi reste la plus digne d'attention. Inversement, Lahore est
le foyer du commerce intérieur national.
Riche d'avenir, les Pakistans sont ouverts à l'importation,
mais logiquement le gouvernement actuel songe d'abord aux investissements
d'équipement et d'outillage.
Alex ANDRIEU.
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