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Radar et navigation aérienne

Le radar, ce merveilleux « œil magique », permit aux Anglais, en 1940, de ne pas succomber sous les coups des innombrables bombardiers allemands.

En effet, cet instrument électronique leur permit de faire face, avec un nombre de chasseurs dérisoirement restreint, aux vagues de bombardiers qui, sans relâche, tentaient d'atteindre les centres vitaux des Îles Britanniques. « L'œil magique » voyait venir les coups ; il était alors, relativement, plus facile de les parer.

Il est assez difficile de situer exactement les premières expériences, vraiment concluantes, des installations radar, avant la fameuse bataille aérienne de Coventry. Celle-ci apporta une preuve éclatante de leur efficacité. Il est cependant juste de rappeler que, dès 1939, les Allemands avaient déjà des idées très précises sur un appareil de ce genre. Des expériences avaient eu lieu en Allemagne, à cette époque, et elles furent poursuivies pendant les hostilités dans le plus grand secret, dans les laboratoires d'une firme allemande de constructions radio-électriques très connue.

Ce que l'on sait mieux, maintenant, c'est que les applications pacifiques du radar sont nombreuses. Le radar est devenu un instrument de premier plan dans les méthodes de navigation aérienne.

Les Américains, jusqu'à ces derniers temps, étaient indiscutablement les grands maîtres dans ce domaine scientifique très neuf ; le champ d'action qui leur était offert était immense. Pratiquement, toutes les installations radar des aéroports commerciaux en service dans le monde étaient de leur conception.

Or, brusquement et très brillamment, la technique française vient d'apporter sa contribution à l'obtention d'une sécurité de navigation aérienne toujours de plus en plus grande. En effet, très récemment, le fameux aéroport hollandais de Schiphol-Amsterdam (le second d'Europe) vient d'être équipé d'une installation française de radar d'atterrissage. Ce fut un événement assez considérable, puisqu'il provoqua l'attention des milieux aéronautiques du monde entier. Sur le plan technique, il s'agit, en effet, d'une réalisation encore unique au monde et qui, sans doute, fera école.

Le principe du radar d'atterrissage G. C. A., tel est son nom, était cependant connu. Ses antennes, installées près de la piste, balayent de leurs faisceaux la zone de présentation de l'avion qui se prépare à atterrir. Grâce à elles, un opérateur, le contrôleur « G. C. A. », voit sur ses écrans lumineux l'avion s'approcher. Par radio-téléphone, il lui donne alors les instructions nécessaires pour que sa manœuvre d'atterrissage se déroule correctement.

Le matériel radar employé est une merveille de technique et de complexité. On lui demande, en effet, d'allier aux performances les plus poussées une sécurité complète de fonctionnement. Ce système, tel qu'il était installé sur les plus grands aérodromes du monde, présentait cependant un inconvénient, inconvénient commun d'ailleurs à tous les systèmes d'aide à l'atterrissage, lumineux ou radio-électriques conçus jusqu'ici.

En effet, une seule installation radar ne pouvait être utilisée que sur une seule piste ; l'importance du coût d'une installation radar ne permettait pas de doubler ou de tripler ces installations. Aussi, voyait-on en général les aérodromes spécialiser une seule de leur piste pour l'atterrissage par mauvaise visibilité. Cette piste était désignée sous le nom de piste d'A. M. V.

Devant l'accroissement considérable du trafic aérien, cet état de fait n'était pas sans présenter une diminution sensible de la sécurité à l'atterrissage. De plus, demain, il allait présenter des inconvénients encore accrus.

L'on sait que l'on tâche de réduire au minimum, pour les avions commerciaux à réaction, l'attente de leur prise en charge par les installations radar d'atterrissage.

Les ingénieurs de la compagnie française Thomson-Houston, en étroite collaboration avec les techniciens de l'aéroport de Schiphol et ceux de la K. L. M., viennent de réaliser une importante étape dans la modernisation des installations radar.

Amsterdam-Schiphol sera le premier aérodrome au monde sur lequel ait été exécutée une installation permettant l'exploitation de deux pistes A. M. V. à l'aide d'une seule installation fixe de radar d'atterrissage G. C. A.

Ce dernier se trouve, en effet, monté sur une plate-forme tournante placée au voisinage de l'intersection de l'axe des deux pistes. En appuyant simplement sur un bouton, l'opérateur peut, en quelques secondes, orienter son radar pour utiliser la piste libre à ce moment, ou la piste la plus favorable en fonction du vent ou de la visibilité. Il en résulte un accroissement considérable de la sécurité et de la capacité d'exploitation de l'aérodrome.

La réalisation d'un tel projet présentait des problèmes techniques beaucoup plus ardus qu'on ne pourrait le supposer. Les besoins étaient bien connus, l'idée était ancienne, mais, jusqu'à ce jour, il n'avait jamais été possible de la concrétiser. Le mérite des ingénieurs français qui y sont parvenus après plusieurs années d'efforts, jalousement gardés, est donc très grand. Il est fort probable que les installations radar d'atterrissage des grands aérodromes de Belgique, du Danemark, de l'Italie et de la France seront prochainement transformées suivant les conceptions et les plans des ingénieurs français.

Réalisations anglaises.

— Stimulés sans doute par la réalisation française, les Anglais viennent d'annoncer la mise en service d'un nouveau goniomètre perfectionné. Il semble qu'il complétera d'ailleurs admirablement les nouvelles installations de radar d'atterrissage.

Les pilotes d'essai anglais utilisent donc, actuellement, un nouvel instrument de navigation qui leur permet d'effectuer des atterrissages rapides en cas de nécessité. Cet instrument est un goniomètre perfectionné qui leur donne presque instantanément l'itinéraire qu'ils doivent suivre pour rentrer à leur base.

Ce goniomètre se compose d'un indicateur qui tourne lentement autour d'un cadran gradué ressemblant, en quelque sorte, à une grosse boussole. Le pilote n'a qu'à se mettre en rapport, au moyen de son appareil de radio, avec la tour de contrôle et demander son itinéraire ; l'indicateur tourne alors immédiatement pour s'arrêter au degré voulu. L'appareil a la dimension d'un poste de télévision et des cadrans de répétition peuvent être installés à n'importe quel point de l'aérodrome.

Ce radiogoniomètre, mis au point par Marconi, a déjà été installé dans la tour de contrôle de l'aérodrome de Wharton. Il a une précision telle qu'il a été possible de contacter des pilotes d'essai qui se trouvaient au-dessus de la côte hollandaise et au-dessus de Paris et de les ramener à Hatfield.

Le besoin de cet instrument s'est fait sentir avec la rapidité sans cesse accrue de l'avion à réaction. Jusqu'ici, un pilote qui désirait connaître la position de son aérodrome de base devait attendre pendant qu'on se livrait au sol à des opérations compliquées. On enroulait à la main une antenne de radio-compas sur le sommet de la tour de contrôle, tandis qu'un radio écoutait les signaux de l'avion, qui devenaient plus intenses, puis plus faibles, au fur et à mesure qu'il tournait l'antenne. Quand les signaux étaient presque imperceptibles, la radio notait la direction indiquée par l'antenne de radio-compas et faisait les vérifications nécessaires. Il pouvait alors donner des indications au pilote. Cette méthode, qui est encore utilisée dans un grand nombre de pays, est trop lente pour les avions à réaction, car, si un pilote appelle la tour de contrôle quand il se trouve à 50 kilomètres environ de cette dernière, il aura soit trouvé ou manqué l'aérodrome quand la réponse lui sera parvenue.

Ainsi, rapidement et sûrement, la sécurité aérienne s'accroît. Demain, elle sera totale.

Maurice DESSAGNE.

Le Chasseur Français N°660 Février 1952 Page 122