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Causerie vétérinaire

La maladie des chiens

Il n'est certes pas, en pathologie canine, d'affection aussi fréquente, aussi grave, aussi meurtrière que la maladie des chiens. C'est une affection générale, contagieuse, inoculable, localisée aux muqueuses et à la peau, et se compliquant fréquemment d'altérations pulmonaires ou nerveuses (danse de Saint-Guy).

Le chien, le chat et divers animaux sauvages (loup, renard, etc.) sont susceptibles de la contracter. Nous verrons même, lorsqu'il sera question de la vaccination préventive contre la maladie, qu'on a recours actuellement à un carnassier domestique, le furet, pour la production d'un vaccin contre la maladie de Carré.

C'est à un vétérinaire, Henri Carré, alors directeur adjoint du Laboratoire des recherches des services vétérinaires, que l'on doit la découverte d'un virus invisible, incultivable et filtrant, qui, inoculé à un chien, provoque une forte élévation de température, rend virulents le sang et les sérosités péricardique, pleurale, et détermine, suivant l'âge et la réceptivité des sujets d'expérience, soit une mort rapide en cinq à sept jours, soit l'évolution classique de la maladie et de ses principales localisations.

Le virus se trouve surtout dans le liquide séreux, légèrement louche, qu'on obtient en pressant d'arrière en avant les fosses nasales du chien tout à fait au début de la « maladie ». C'est pourquoi nous ne cessons de recommander dans nos Causeries de ne jamais laisser les jeunes chiens sortir seuls dans les rues et gambader à l'aventure, de flairer ou lécher les autres chiens ou de se laisser flairer par eux, de ne laisser pénétrer chez vous aucun chien qui puisse approcher des vôtres : vous éviterez ainsi une contagion fatale, car le virus de la maladie se conserve longtemps. Il est enfin reconnu que les microbes visibles au microscope et donnés par certains auteurs comme agents spécifiques de la « maladie » ne sont que des saprophytes, c'est-à-dire des hôtes normaux des litières, tout au plus capables de créer, avec le concours des conditions naturelles ou expérimentales favorisantes, des lésions septicémiques, pulmonaires ou intestinales (Bacillus bronchisepticus des bactériologistes américains). Mais ils sont impuissants à provoquer les altérations oculaires ou nerveuses, la grande virulence du sang et des exsudats muqueux, ainsi que le fait le virus de Carré, absolument privé par le filtrage de tout élément microbien visible cultivable.

Formes de la « maladie ».

— Comme peuvent l'observer tous les éleveurs, la maladie se manifeste sous la forme bénigne ou la forme grave. Dans la première, la plus fréquente, le petit malade devient fébricitant, il a 40° de température, il s'alimente mal ou pas du tout et cherche à boire fréquemment. Le nez est sec, chaud et fendillé, le corps secoué de tremblements et de frissons. Les yeux deviennent pleureurs, chassieux, et le coryza se déclare : le malade éternue, secoue la tête ou cherche à se frotter le museau avec les membres antérieurs. De temps en temps, il fait entendre une toux rauque qui aboutit à la production d'un jetage peu abondant, limpide au début, puis jaune, blanchâtre, épais, qui se concrète à l'entrée des narines et les obstrue parfois. Ces symptômes restent stationnaires quelques jours, s'atténuent et disparaissent au fur et à mesure que le toutou reprend sa gaieté et son appétit. Généralement en une quinzaine de jours, tout a évolué et est terminé. Le chien a fait sa maladie de la façon la plus heureuse et la plus bénigne.

La forme bénigne de la maladie qui vient d'être décrite reste rarement simple. Sous l'influence de conditions multiples et diverses (hygiène, soins, climat, etc.), elle se complique presque toujours. Le terrain est d'abord préparé, affaibli, mis en état de moindre résistance par le virus filtrant ; d'autres microbes secondaires surviennent et envahissent les différents appareils ou viscères pour créer des complications plus ou moins graves et variées. Elles s'observent sur tous les appareils de l'organisme : sur l'arbre respiratoire, sur le tube digestif, le système nerveux, la peau et sur les yeux. Graves ou bénignes, ce ne sont en réalité que des « complications ».

Dans la forme grave, les animaux succombent avec une rapidité effrayante ; c'est à peine si la maladie dure deux à trois jours. Le malade paraît triste, reste étendu inerte sur le côté, pousse parfois quelques plaintes et meurt dans le coma le plus complet.

Traitement.

— Il va de soi que nous ne pouvons envisager dans notre causerie les nombreux traitements que réclament la maladie et ses multiples complications dont nous avons donné ci-dessus un aperçu. Ce dont il faut bien se pénétrer, c'est que la guérison sera d'autant plus vite obtenue que l'intervention du vétérinaire sera plus prompte. Ce sera à lui de choisir les médicaments réclamés par la forme de la maladie et ses complications.

Vaccination.

— De nombreuses méthodes de prévention, soit par vaccination, soit par injection de sérum, ont été préconisées contre la maladie du jeune âge ; beaucoup sont inefficaces et quelques-unes ne sont pas sans danger. Nous en exposerons les raisons plus loin. Aussi ne recommanderons-nous pas de façon précise tel vaccin de composition française ou tel autre obtenu par le procédé américain dit « vaccin-furet » ; nous engageons les éleveurs à s'en rapporter au jugement de leur vétérinaire. D'ailleurs les avis sur la vaccination sont souvent diamétralement opposés, même parmi nos grands maîtres des écoles vétérinaires françaises. C'est ainsi que l'un d'eux écrit dans son livre sur l'élevage des chiens : « Le véritable vaccin contre la maladie n'étant pas encore trouvé, il faut nous contenter des moyens qui sont en notre possession : bonne alimentation, excellente hygiène sont les meilleures armes à opposer à la maladie ; quand elle est déclarée, solliciter l'intervention de l'homme de l'art » (Douville). Nous ajouterons simplement ceci : éviter l'emploi des vaccins trop vieux, mal conservés, insuffisamment atténués, car ils ne peuvent préserver les chiens de la maladie, mais même, au contraire, la leur donner.

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°661 Mars 1952 Page 147