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Salsifis et scorsonères

Salsifis et scorsonères sont deux légumes-racines, de même famille (Composées), ayant les mêmes usages, soumis à la même culture. Ils méritent tous deux une large place au potager, car ils permettent à la ménagère de varier les menus en pleine période hivernale.

Salsifis et scorsonères, souvent confondus, se distinguent nettement d'après le tableau suivant :

ESPÈCE GRAINES RACINES FEUILLES FLEURS DURÉE
CULTURE
CARACTÈRES
Salsifis. Longues. Brunes. Avec aspérités. Blanc jaunâtre. Longues. Étroites. Vert glauque. Bleu-violet-rose. 1 an. Bisannuel.
Scorsonère. Longues. Blanches. Lisses. Noires. Plus larges. Jaunes. 2 an. Vivace.

Variétés conseillées.

1° Salsifis :

— blanc ordinaire à fleur bleue ;

— blanc amélioré ;

— la plus qualifiée est la variété Mammouth à très grosse racine, fleur rose : exigeante sur la qualité du sol, mais fournit des racines grosses, courtes, non fourchues et d'excellente qualité.

2° Scorsonères, deux variétés :

— salsifis noir (la qualité et la forme des racines dépendent de la sélection des graines) ;

— Géante noire de Russie : améliorée, la plus cultivée, car elle fournit des racines de beau calibre, longues, lisses, noires et à saveur douce.

Exigences culturales de ces légumes.

1° Au point de vue sol : sol profond, léger, un peu frais, riche en humus (les terres limoneuses, sableuses, sablonneuses conviennent à merveille).

En terre lourde et compacte, les racines sont fourchues, ainsi qu'en sol pierreux.

2° Au point de vue climat : tous deux se plaisent à chaude exposition et, quoique d'origine méridionale (le salsifis est grec et la scorsonère espagnole), ils sont très rustiques et ne redoutent point les froids d'hiver.

3° Au point de vue engrais, en tant que légumes-racines :

— ils redoutent les fumures fraîches et pailleuses : on leur apportera un fumier bien décomposé, bien consommé, ou, mieux, on pratiquera leur culture sur une parcelle abondamment fumée l'année précédente ;

— ils sont avides de potasse : enfouir, au moment du bêchage, et à l'are, 2 kilos de chlorure de potassium et 5 kilos de superphosphates ou de scories.

Pratique de la culture.

— 1° Préparation soignée du sol par un bêchage profond (au moins 25 cm.), et bien ameublir la terre.

— 2° Semis : s'effectuent au printemps, de février à mai, en lignes espacées de 0m,25 à 0m,30, de 2 centimètres de profondeur. Il faut 125 grammes de graines pour un are. Pour éviter des levées capricieuses et irrégulières, assez fréquentes, on n'utilisera que des graines sélectionnées, d'une durée germinative de deux ans, et on recouvrira de terre meuble ou de terreau de un centimètre au plus. Si le terrain est consistant, il faudra obligatoirement ou tamiser de la terre, ou employer du terreau pour recouvrir les graines ; sinon on s'exposerait à un insuccès.

On plombera le sol et on le maintiendra frais par des arrosages, des bassinages ou un paillis. D'autre part, on se méfiera des oiseaux, qui sont particulièrement friands de ces graines : on étalera du grillage, des branchages, ou on placera des épouvantails jusqu'à la levée, qui s'effectue en une huitaine de jours.

— 3° Soins d'entretien : on éclaircira les plants à 10 centimètres entre chaque pied dès la sortie de la deuxième feuille.

Des binages et des sarclages répétés entretiendront la fraîcheur et la propreté du sol et permettront, en outre, d'enfouir, à deux reprises au moins, de 1 à 2 kilos de nitrate de soude ; celui-ci sera particulièrement bienfaisant si la végétation se montrait peu active. Des arrosages, selon les besoins, se feront copieusement.

Il arrive souvent qu'au cours de la culture plusieurs tiges fassent apparaître des fleurs : il faut, sans hésiter, les couper afin d'éviter la montée à graines, et afin de concentrer toute la sève des racines et conserver la force de ces dernières. Les lapins se régaleront de ces hampes florales.

Récolte.

— Elle se fait selon les besoins à partir d'octobre, au cours de l'hiver et même jusqu'au printemps. On arrachera les racines à la fourche-bêche, afin d'éviter de les meurtrir ou de les couper ; ne déterrer que le nécessaire, car les racines se fanent rapidement une fois hors de terre. On peut récolter, par are, de 150 à 200, et parfois 300 kilos de racines.

Soins hivernaux et maladies.

— 1° Ces légumes, certes, sont fort rustiques et peuvent passer sans crainte l'hiver en pleine terre. Mais, pour pouvoir les récolter au cours de cette saison, il sera bon de les recouvrir, ou tout au moins partiellement, à l'aide de feuilles sèches ou de grande litière.

— 2° Ces légumes ne connaissent qu'une seule maladie : la rouille, dite blanche, qui apparaît sur les feuilles à n'importe quelle époque de l'année : dès apparition, on traitera à la bouillie bordelaise (1 p. 100) ou à l'oxychlorure de cuivre (1 p. 100) : 1 kilo de produit dans 100 litres d'eau. Un insecte (le puceron des laiterons) attaque parfois le collet : arroser à l'aide d'une eau légèrement nicotinée.

Utilisation.

— 1° Des feuilles tendres qui se mangent en salade. Mais, dès le début de septembre, on évitera cette cueillette, car, outre qu'elle nuit à la plante en tout temps, si on la pratiquait trop tardivement les racines en souffriraient beaucoup pendant la mauvaise saison.

— 2° Les racines, particulièrement appréciées en raison de leur délicieux goût de noisette, cuisent très rapidement (eau salée) et s'accommodent au jus de viande, à la sauce blanche et frites dans la pâte.

Remarques particulières aux scorsonères.

— La scorsonère — ou salsifis noir — fournit une racine plus charnue et plus délicate que celle du salsifis, et moins exigeante ; elle réclame beaucoup moins de soins. Elle a, en outre, l'avantage, sur le salsifis, de durer plusieurs années en terre (deux au moins, parfois trois) sans que la racine devienne coriace et, bien au contraire, elle ne fait que grossir tout en restant fort tendre.

Sa culture appelle l'attention sur ce qui suit : on pourra ne semer qu'en juin-juillet et on ne récoltera pas la première année, parce que la scorsonère se développe avec moins de hâte que les salsifis ; on attendra la seconde année ; les produits sont plus beaux et les racines plus grosses conservent leurs qualités. On aura soin de couper les fleurs qui apparaissent.

La seconde année, au printemps, on nettoiera soigneusement la parcelle en piochant entre les rangs et en détruisant toutes les mauvaises herbes. On donnera « un coup de fouet » à la végétation en répandant, par mètre carré : 8 grammes de nitrate de soude et 12 grammes de sulfate d'ammonium, qui seront enfouis lors des binages. Bientôt la végétation démarrera et les racines, au lieu de rester minces, fibreuses, prendront du volume et seront à la fois charnues et délicates.

BOILEAU.

Le Chasseur Français N°661 Mars 1952 Page 158