Il ne faut pas s'illusionner sur le rapport d'un clapier,
même s'il est bien conduit et si on sait éviter la mortalité désespérante qui
est l'apanage de certains élevages.
Cela tient à ce que les lapins sont de gros consommateurs.
Proportionnellement à leur taille, ils ont des besoins vivriers beaucoup plus
élevés que le bétail de ferme (moutons, porcs, vaches, etc.). En outre, ils
exigent davantage de main-d'œuvre, de sorte que le kilogramme de viande nette
revient bien plus cher que celui fourni par des animaux de fort poids ; autrement
dit, pour produire 100 kilogrammes de viande de lapin, il faudrait dépenser,
comme nourriture et main-d'œuvre, au moins deux fois plus que pour produire 100
kilogrammes de viande de porc ou de bœuf. Pour l'affourragement des cases
isolées, les soins, les nettoyages d'un clapier peuplé de 100 mères, il faut
vingt fois plus de temps que pour soigner une bête à cornes pesant deux fois
plus.
C'est pour ces raisons que l'exploitation des grands
clapiers ne peut être recommandé que s'il est orienté du côté de la production
des sujets de concours destinés à la vente, ou encore si on a la possibilité de
livrer aux pelletiers des fourrures de grande valeur, ainsi que du poil à
filer.
Mais, s'il s'agit tout simplement de produire de la viande
de consommation et des peaux de ramassage, il vaut mieux faire consommer ses
denrées, qu'on les cultive ou qu'on les achète, par des bêtes plus étoffées, ou
par des volailles.
En réalité, l'élevage du lapin à viande ne devrait être
considéré que comme un complément des petites basses-cours familiales.
Le petit clapier familial.
— Un ménage comptant quatre personnes, par exemple,
peut se contenter de deux lapins tous les mois, ce qui peut être obtenu avec
une seule lapine portière, si elle est bien conduite et si, toutefois, il
n'arrive pas d'anicroche en cours d'élevage.
En effet, une même femelle peut être remise au mâle tous les
trois mois, en comptant un mois de gestation et deux mois d'allaitement. En
admettant six lapereaux par portée, répétée quatre fois, cela fait bien
vingt-quatre lapereaux dans une seule année. En reprenant les mêmes calculs
avec deux mères, on pourrait obtenir un lapin hebdomadaire, ce qui, avec la
poule au pot des dimanches, préconisée par le quatrième Henri, tiendrait une
large place dans l'alimentation carnée des familles, en fricassées, civets,
pâtés, etc. ...
Un tel résultat peut être obtenu moyennant un faible
déboursé d'achat de provende supplémentaire, venant corser les fourrages verts
et secs, ainsi que les racines, les tubercules de faible valeur et les
épluchures ménagères qui n'ont pour ainsi dire rien coûté.
Principes d'élevage.
— Pour rester féconde, une mère lapine ne doit pas
cesser de reproduire. Les interruptions entre les parturitions normales engendrent
des dépravations sexuelles et de la stérilité. Logiquement, les portées
devraient se succéder de trois mois en trois mois. Si l'on attend plus
longtemps pour les remettre au mâle, les femelles acceptent plus difficilement
le coït, et il survient souvent des accidents lors de la gestation, de la
parturition et de l'allaitement.
C'est à la fin du sevrage, marqué par l'arrêt de la
lactation, que les accouplements réussissent le mieux, l'arrêt du lait
provoquant l'apparition des chaleurs.
Il va sans dire que des femelles soumises à des gestations
continues doivent être substantiellement nourries. Comme il leur faut élaborer
sans arrêt soit de la chair, des os ou du lait, elles devront recevoir, en plus
des fourrages, des racines et des tubercules variés, une petite quantité de
provende riche en azote, en graisse et en minéraux phospho-calciques. La ration
complémentaire se composera de 40 à 50 grammes, par tête, d'un mélange en
parties égales de tourteau, de son de farine de maïs, additionné d'un peu de
poudre d'os.
Ce mélange devra être distribué également, en petite
quantité, aux lapereaux au sortir du sevrage, afin de compenser l'insuffisance
protéique de la ration fourragère, comparée à celle du lait qui, chez les
lapines, est extrêmement riche en caséine et en graisse, deux fois plus que le
lait de vache, ainsi qu'il résulte d'analyses faites par différents auteurs.
Un supplément de concentré est nécessaire pour permettre à
la mère de nourrir ses fœtus, ainsi qu'aux lapereaux pendant la période
transitoire du sevrage, pour leur permettre de traverser la crise du jeune âge
qui occasionne tant de mortalité dans les portées.
C. ARNOULD.
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