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Au rucher

Le marquage des reines

Le marquage des reines, pratiqué depuis longtemps par les éleveurs et professionnels de l'apiculture, est appelé à une grande vogue, car il facilite beaucoup la recherche de la reine soit pour son changement périodique, soit pour la pratique de méthodes modernes qui souvent exigent la recherche rapide de la reine.

En effet, en pleine saison apicole, aux mois de mai ou juin, il faut avouer que, pour trouver une reine parmi une population de quelques dizaines de milliers d'abeilles, il faut un œil exercé, tandis que si elle est marquée, lorsque vous examinez le cadre où elle se tient, au premier coup d'œil vous voyez un point brillant se déplacer ; c'est presque un jeu de la trouver.

Cette opération semble pour beaucoup un travail délicat, réalisable seulement par les apiculteurs chevronnés ; il n'en est rien cependant ; c'est la chose la plus aisée qui soit, il suffit de vouloir bien s'y mettre. Si vous avez peur de ne pas réussir au premier coup, faites des essais sur des mâles au préalable ; ce n'est que lorsque vous aurez la pratique de l'opération que vous marquerez vos reines.

Fabriquer d'abord un petit tamis (voir croquis) ; pour cela, découper deux languettes de carton de 16 centimètres de long sur 2 centimètres de large, les coller chacune séparément en forme de rond de manière que les deux cercles puissent coulisser l'un sur l'autre. Prendre ensuite un morceau de tulle à mailles assez larges ; le poser sur le petit rond préalablement enduit de colle à l'extérieur ; emboîter ensuite le grand rond. Lorsque la colle est sèche, découper le tulle en trop qui dépasse, puis planter trois longues épingles verticalement et à égale distance ; votre tamis est prêt. En comptant deux centimètres au maximum pris sur la longueur pour le collage des bandes, nous avons 4 centimètres de diamètre, ce qui est bien suffisant.

Si vous voulez marquer les reines déjà en ponte, il vaut mieux opérer au printemps, avant que les ruches ne soient trop peuplées par les nouvelles naissances, soit début avril dans le Midi ; choisir un temps doux et calme, sans vent ni menace d'orage. Si les abeilles sont irritées, il vaut mieux remettre l'opération à plus tard pour éviter le pelotage de la reine, qui amènerait sûrement sa perte.

Manière d'opérer.

— Se munir du tamis, d'un petit pot de peinture émail de couleur vive, de préférence jaune, blanc, vert clair ou vermillon, et d'une allumette assez longue dont une extrémité est taillée en pointe ; évidemment apporter également à pied d'œuvre le matériel ordinaire pour les visites : enfumoir, ciseau de menuisier, au besoin voile ; si vous utilisez des gants, prenez-les en caoutchouc, qui ne gêne pas les mouvements des doigts, quoique le mieux soit d'opérer à mains nues ; il suffit de se les laver au préalable avec du savon parfumé au citron, que l'on trouve partout. Enfumer très légèrement la ruche par le bas, lorsque les abeilles sont en bruissement, soulever le plafond, puis enlever les cadres des extrémités ne contenant pas de couvain, les poser à terre contre la paroi ; après quoi il faut chercher la reine sur les rayons restant formant le champ de ponte. Lorsqu'on l'aperçoit, coucher à plat sur la ruche ouverte le rayon où elle se trouve. Ne pas la perdre de vue surtout, car, ayant horreur du jour dans son état normal, elle a vite fait de se faufiler, de passer dans un interstice du cadre ou sous celui-ci pour se mettre à l'abri de la lumière, où elle risque fort de redescendre dans le nid à couvain, et la recherche est à recommencer.

Donc vous avez votre reine en vue sur le cadre ; dégager les abeilles qui l'entourent à petits coups d'enfumoir, sans excès pour éviter que la reine ne s'envole, puis, lorsqu'elle est à peu près isolée, poser le tamis dessus en appuyant un peu pour l'immobiliser sans la blesser, de manière que le thorax soit dans un trou de maille. Prendre ensuite très peu de peinture épaisse au bout pointu de l'allumette et l'appliquer sur le corselet (thorax) de la reine ; faire bien attention de ne pas en mettre sur la tête ni ailleurs. Attendre un petit instant pour que la peinture sèche un peu ; soulever le tamis d'un seul coup pour ne pas enlever la peinture ; c'est tout. Il n'y a plus qu'à remettre le cadre à sa place en faisant attention de ne pas coincer la reine ; refermer la ruche.

Il est d'usage de changer la couleur chaque année, ce qui permet de connaître l'âge exact des reines marquées ; un autre avantage imprévu du marquage, c'est que la peinture éloigne de la reine le braula cæca, ou pou des abeilles, qui parfois les épuise par leurs succions répétées.

En cas de contestation au sujet de la propriété d'un essaim primaire, si le propriétaire a eu soin de marquer sa reine, il peut prouver son droit sans discussion en indiquant à l'avance la couleur dont la reine est marquée.

Pour celui qui pratique l'élevage, le mieux est de marquer les reines lorsqu'elles sont encore en nuclei, où leur recherche est très facile ; il y aura intérêt aussi à marquer celles que l'on reçoit des éleveurs avant de procéder à leur introduction, si ce n'est déjà fait par le vendeur.

Un grand progrès dans le marquage des reines consiste à employer de petites pastilles de papier doré ou argenté au lieu de peinture ; l'opération proprement dite est la même : la reine étant immobilisée, on dépose un peu de colle sur le thorax et, à l'aide d'un bâtonnet mouillé, on soulève une rondelle qui est déposée sur la colle où on la fait adhérer par petites pressions. Ces rondelles de papier se voient encore mieux que la peinture, on en vend aussi de numérotées, mais, à notre avis, celles-ci ne sont utiles que dans les centres d'élevage ; à ce sujet, il est intéressant de signaler que dans un pays voisin on emploie des rondelles aux contours différents, ce qui permet de distinguer toutes les reines d'un élevage.

En résumé, pour le marquage, le plus difficile est la recherche de la reine ; nous en ferons l'objet d'une prochaine causerie.

Roger GUILHOU,

Expert apicole.

Le Chasseur Français N°661 Mars 1952 Page 170