e tout temps, les hommes ont essayé de fixer le souvenir
de leurs moments heureux comme de leurs faits mémorables, et cela a donné
l'art, avec ses réalisations magnifiques de la peinture, de la sculpture et de
la gravure.
Mais tous les arts classiques ont dévié de leur destination
initiale pour laisser prédominer l'imagination sur le réel.
En outre, tous les arts plastiques avaient comme
inconvénient un fixisme absolu et, une fois réalisée, une scène restait
immobile pour tout l'avenir.
Tout cela fut d'abord bien bouleversé par la découverte de
Daguerre créant la photographie. Mais la révolution devint définitive et totale
lorsque les frères Lumière conçurent le cinéma.
Au début, celui-ci fut uniquement technique par suite de sa
nouveauté et des connaissances neuves qu'il impliquait. Mais bientôt le cinéma
d'amateur s'en détacha, après avoir subi une adolescence difficile parce que
considéré initialement comme un apanage des favorisés de la fortune.
Aujourd'hui tout est changé, car un immense effort a été
effectué par les constructeurs, conscients à la fois des immenses possibilités
de l'art de la pellicule et de son énorme avenir dans le domaine de la
distraction et de la culture.
Le cinéma d'amateur n'est actuellement guère plus onéreux
que la photographie, au moins en ce qui concerne la réalisation des clichés.
Il en est à peu près de même si l'on considère les prix de
bons équipements entre les photocameras et les cinécameras. On objectera que le
cinéma implique l'acquisition d'un projecteur et d'un écran, mais, avec les
formats réduits actuellement à la mode, il faut faire agrandir les clichés ou
posséder un projecteur de vues fixes.
La pratique du cinéma est aussi aisée que celle de la
photographie, et même, aux dires de ses amateurs, il est plus facile de filmer
que de photographier. Aussi simple, le chargement des deux sortes de caméras :
dans l'une, on place une bobine, et dans l'autre, un chargeur. Il ne reste plus
alors qu'à apprendre quelques principes de base, en particulier pour les
mouvements.
À l'amateur qui veut cinématographier se pose tout d'abord
la question si controversée du choix du format, car il y en a trois : 8
millimètres, 9mm,5 et 16 millimètres. C'est là un sujet fort
important pour l'avenir du « chasseur d'images », car il existe bien
des projecteurs susceptibles de passer des films des trois formats, mais il
n'en est pas de même pour les cinécameras, au moins dans le domaine de la
pratique courante, car les prototypes de caméras trifilms existent.
L'inconvénient de ces parfaites réalisations polyvalentes
réside dans leurs prix forcément élevés puisqu'il faut faire appel aux
objectifs des plus grands formats ; les inférieurs utilisent alors, il
faut le reconnaître, la partie la meilleure, celle du centre.
Une remarque s'impose ici, c'est que l'amateur cinéaste sera
presque toujours également un grand passionné de la photo. On doit lui
conseiller alors d'acquérir les meilleurs objectifs pour sa photocamera et de
se contenter d'un appareil dénué d'objectif pour sa cinécamera. Les formats
photographiques étant toujours supérieurs à ceux cinématographiques, il lui
suffira d'acquérir une des bagues de montage du commerce pour utiliser ses
objectifs dans les deux cas, et ceux-ci seront infiniment meilleurs.
Le 8 millimètres est le plus petit par ses dimensions. Les
appareils sont légers et de faible encombrement. C'est le format de poche
pratique, d'utilisation immédiate et rapide. Sa projection est parfaite pour la
vision en famille dans une petite pièce. L'appareillage actuel est très au point
et rivalise avec les modèles plus importants.
Le 9,5 est le doyen, puisque c'est lui qui présida à la
création du ciné amateur. Mais il n'a pas été adopté partout. C'est
essentiellement un format français. Pratiquement, il a les avantages de la
projection en 16 millimètres, avec son rendement, mais il conserve l'économie
de frais du 8 millimètres.
Le 16 millimètres est, en principe, le format aux possibilités
illimitées, car il bénéficie des recherches situées entre l'amateurisme et le professionnalisme.
Le choix définitif est fonction alors de la science
cinématographique de l'amateur, de son sens esthétique et enfin de la
connaissance de son matériel et des ressources qu'il veut en tirer.
Ce qui est paradoxal, c'est que l'acheteur doit se défier,
pour sa décision, à la fois des vendeurs qui sont en étroite sujétion du prix
de vente et de l'amateur pratiquant déjà et qui est lié par ses propres
habitudes. Il faut faire appel à un conseiller cinéaste qui se fera toujours un
agréable devoir de fournir gracieusement tous les conseils utiles.
La cinécamera acquise, il faudra lui adjoindre le projecteur
et son écran, bien entendu, mais aussi un pied avec une tête panoramique et
quelques accessoires comme les posemètres, filtres, etc., etc.
Le chargement de la cinécamera est très simple grâce aux
chargeurs modernes permettant l'approvisionnement en plein jour.
Avant d'effectuer des prises de vues, il faut vérifier le
passage et le déroulement du film, puis calculer la distance du sujet et enfin
ouvrir correctement le diaphragme.
Le cadrage du sujet dans le viseur doit être effectué avec
soin, et, si l'on déplace latéralement l'appareil pour prendre un panorama, ce
sera toujours lentement que l'on devra procéder à la rotation sur le pied :
on a toujours tendance à aller trop vite et cela donne des résultats désastreux
à la projection.
À côté de la vue panoramique, ou latérale, il faut tenir
compte de la prise d'images en profondeur en se rapprochant du sujet ou, ce qui
revient au même, avec un sujet qui avance vers l'opérateur : c'est le principe
du travelling. Ici plusieurs cas se posent : ou bien l'on conserve le
principe de la perspective, et le sujet grandit sur l'image, ou bien on veut
modifier cet aspect. Dans ce dernier cas, on fera appel à un changement instantané
d'objectif par substitution grâce au montage en tourelle. Il existe également,
mais depuis très peu, de merveilleux objectifs à focales variables qui, à eux
seuls, remplacent tout un équipement, au moins pour une marge très vaste. Dans
ce cas, si la caméra possède une tourelle d'objectifs, on lui réservera de
grands angulaires pour des prises de vues extrêmement rapprochées, comme les
façades de monuments historiques, et inversement pour la vision très lointaine
par un téléobjectif.
Au delà, le cinéma d'amateur a encore deux possibilités :
le montage sur un microscope pour les vues de ce domaine mystérieux de
l'infiniment petit, et aussi sur un télescope céleste ou terrestre. Dans les
deux cas, l'industrie moderne a mis au point des merveilles de précision
mécanique et optique.
Le novice comme le débutant se doutent rarement de toutes
les ressources de leur équipement et surtout des joies immenses qu'ils en
retireront.
Ce sera d'abord pour l'avenir la fixation, par des images
mobiles, de souvenirs de famille. Un père ou une mère que l'on continuera à
admirer lorsqu'ils auront disparu. Mais aussi l'immense surprise de voir un
adulte revivre ses premiers pas ou ses mimiques de jeune baby.
Ce sera aussi des souvenirs vivants de voyages, de vacances,
de documentaires.
Et cette question de documentaires est très importante, car
elle dépasse le simple cadre de l'agrément.
Nombre de cinéastes appartiennent à des milieux industriels
ou commerciaux, et on peut en tirer de merveilleux éléments publicitaires pour les
voyageurs de commerce, qui, au lieu de lasser leurs clients par de longs
exposés, peuvent maintenant, par un matériel approprié — une valise de
projection contenant projecteur et petit écran, — présenter à l'acheteur
de leurs firmes des vues d'usines, d'entrepôts, de fabrication, de manutention,
et toute la variété des produits finis et de leurs applications.
Le médecin y trouvera aussi une puissante source
documentaire en prenant des vues d'opérations ou de tissus altérés par la
maladie.
Pour terminer, il faut dire que, si le format de 8
millimètres est encore aux stades d'essais du parlant, il n'en est plus de même
de ceux de 9,5 et 16 millimètres, pour lesquels les projecteurs commercialisés
sont sonores. Pour les caméras d'amateur de ces deux derniers formats, on a
encore recours à la sonorisation postérieure, mais deux immenses nouveautés
sont en cours, grâce aux solutions courantes des magnétophones sur film ou sur
fil. On peut, il est vrai, acquérir des cinécameras enregistrant également le
son et la parole, mais, pour le présent, celles-ci restent encore dans le
domaine du seul 16 millimètres et pour des modèles semi-professionnels.
Sylvain LAJOUSE.
|