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Philatélie

Les entiers postaux

Les entiers postaux sont ces pièces émises par l'administration en même temps que les timbres-poste et portant, imprimée, la figurine d'affranchissement, soit : les cartes postales, cartes-lettres et bandes officielles, ainsi que les bons de poste, mandats-poste, bulletins téléphoniques ... qui furent en usage ou qui sont encore vendus au public.

Les divers formulaires sans timbre imprimé, mais que l'on délivra, à l'origine, aux guichets de la poste, munis du ou des timbres correspondant à la taxe et qui constituèrent les premières cartes postales officielles, entrent également dans la catégorie des entiers postaux et sont, à ce titre, recherchés des collectionneurs.

Avant même l'apparition du timbre mobile, il exista des entiers postaux. Témoins les papiers timbrés sardes de 1818 à 1836, aux fameux cavallini, et dont la création répondait, à cette époque, à une exigence particulière du service dans le royaume ; témoin l'enveloppe anglaise Mulready de 1840, laquelle d'ailleurs fut accueillie si peu favorablement que la plus grande partie du stock en dut être détruit.

C'est en Autriche que la carte-poste fut innovée, sur une proposition du Dr Herrmann. Celui-ci, après avoir attiré l'attention sur le fait que beaucoup de correspondances — informations diverses, commandes à des fournisseurs, accusés de réception ... — en raison de la banalité de leur objet, pouvaient sans inconvénient être expédiées à découvert, préconisait la mise en service par l'administration postale de son pays d'une carte au format uniforme pour circuler à tarif réduit. Cette idée ayant été adoptée, une première carte-poste fut émise à titre d'essai, le 1er octobre 1869, qui obtint, l'attrait de la nouveauté aidant, un succès considérable.

L'année suivante, l'Allemagne, à son tour, se ralliait à la conception autrichienne et la plupart des autres pays d'Europe suivirent l'exemple.

En France, on craignait que l'introduction de la carte postale officielle, à tarif abaissé, ne portât préjudice aux recettes de l'État. Et ce n'est qu'à la date du 20 décembre 1872 qu'une proposition, tendant à son emploi et faite dès l'année précédente par le député Wolowski, fut agréée par l'Assemblée nationale, la Direction générale des postes s'y étant enfin ralliée. « Quand les relations se multiplient, avait dit le député Wolowski, les lettres se multiplient. L'avantage que recueillent le commerce et l'industrie, loin de nuire au Trésor, devient une source de bénéfices pour le Trésor. »

Nos premières cartes formulaires virent le jour le 15 janvier 1873. Elles se présentaient sous deux modèles distincts, portant des indications relatives à leur emploi et mis en vente au prix de 10 centimes pour les correspondances qui devaient être distribuées dans la circonscription du bureau expéditeur, ainsi que de Paris pour Paris, et au prix de 15 centimes pour celles devant circuler en France et en Algérie, de bureau à bureau. Préalablement à leur remise au public, elles se trouvaient revêtues par les préposés du timbre-poste de 10 centimes ou de 15 centimes nécessaire, suivant le cas, pour en opérer l'affranchissement. Leur recto ne devait porter que l'adresse du destinataire.

Il y eut, par la suite, de nombreuses formules, lesquelles, à dater du 1er janvier 1876, la France étant entrée dans l'Union générale des Postes, firent place à un modèle unique, pouvant être utilisé pour toutes les taxes. En 1878, la taxe à 10 centimes de la carte postale ayant été rendue uniforme dans tous le pays, on profita de la circonstance pour en réduire le texte, tout en imprimant sur deux émissions un timbre au type Sage en cours : de 10 centimes pour l'intérieur, de 15 centimes pour l'étranger.

Depuis 1882, la carte-lettre officielle était employée par la Belgique, l'Autriche, le Brésil et plusieurs autres pays. Elle apparut en France le 15 juin 1886, avec deux valeurs — 15 centimes et 25 centimes — au même type Sage.

On avait remplacé, dès 1841, en Grande-Bretagne, les allégoriques Mulready, par des enveloppes timbrées à la figurine de la jeune reine Victoria. La Russie, la Finlande, la Prusse, divers États allemands, les États-Unis émirent un peu plus tard régulièrement des enveloppes. Chez nous, une telle fabrication ne fut autorisée qu'en 1882 et une première émission eut lieu cette année-là, en octobre, en même temps qu'un premier tirage de bandes pour imprimés. Les enveloppes portèrent la valeur de 15 centimes ; les bandes, celles de 1 centime et 2 centimes, toujours au timbre du modèle « Groupe allégorique ».

Les entiers postaux, qui forment la riche collection française et portent un grand nombre de types de timbres émis depuis la figurine de Sage, se rencontrent en d'infinies variétés de cartons et de papiers, de formats, de couleurs, de piquages pour les cartes-lettres, de pattes pour les enveloppes ...

Les formulaires eux-mêmes, avec leurs diverses compositions typographiques et leurs encadrements, leurs dates et les fréquentes erreurs ou défauts d'impression que comportent ces dernières, offrent déjà un champ amusant de recherches à l'amateur minutieux. Si la plupart de ces pièces sont encore relativement communes, tout au moins à l'état usé, quand il s'agit de cartes de la métropole, celles, par contre, qui proviennent de nos colonies constituent souvent de grandes raretés. Telles les formules de la Réunion 1874, de la Cochinchine 1877, de Tahiti 1884 et de Sainte-Marie-de-Madagascar 1888, dont les collectionneurs ne connurent jamais, croyons-nous, d'autre exemplaire ayant circulé que celui qui figura dans la célèbre collection Ferrari.

Très curieuses, très prisées, sont les cartes, cartes-lettres et enveloppes, dites « Annonces », avec leurs multiples dispositions. Les plus beaux entiers étant toutefois ceux qui portent une illustration, quelquefois polychrome, et qui ont été émis dans une intention commémorative ou de publicité touristique. Les plus anciens dans ce domaine remontent à l'année 1893, date de la visite de l'escadre russe à Toulon et au Havre, et des fêtes du centenaire de Dunkerque.

Certains de ces derniers entiers sont d'ailleurs frappés de vignettes qui n'existèrent jamais sous la forme de timbres-poste mobiles. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple entre les nombreuses émissions qui, à partir de 1935, virent le jour au cours de cinq années, les cartes postales éditées lors de l'inauguration du Mémorial américain de la Pointe de Grave et affranchies d'une remarquable gravurette représentant le vaisseau de La Fayette. Qu'elle soit collée sur l'envoi ou imprimée sur une carte, une carte-lettre, une enveloppe ou une bande, la vignette postale joue son rôle, qui est celui de l'affranchissement. Ainsi, le timbre mobile et l'entier, découlant des mêmes lois qui sont la base de l'Union postale universelle, forment un tout. Et l'on ne pourra jamais considérer comme complète la collection d'un pays, si elle ne renferme, en même temps que ses timbres-poste, ses entiers postaux.

DRAIM.

Le Chasseur Français N°661 Mars 1952 Page 186