J'ai reçu dernièrement une lettre dans laquelle l'on
m'accuse d'avoir introduit dans ma causerie sur le martinet, parue en novembre
1951, « une information incomplète qui peut devenir erronée pour des
lecteurs non renseignés ».
Elle émane d'un abonné, M. D ..., de
Clermont-Ferrand, qui avoue avoir été « troublé » en lisant ma
description de cet oiseau, par le fait que je lui ai attribué une gorge
blanche.
N'ayant, paraît-il, jamais observé que des martinets
entièrement noirs, M. D ... a voulu cependant, par un scrupule
d'exactitude qui l'honore et dont je le remercie, s'appuyer sur une autorité
compétente en la matière et a consulté le Petit Atlas des Oiseaux, par Delapchier,
édition Boubée et Cie, fascicule 2. De cette consultation est
résultée pour lui la conviction que je m'étais trompée et que l'oiseau décrit
par moi et représenté par le dessinateur dans Le Chasseur Français était
non pas, comme je semblais le croire, notre martinet commun, mais bien une
espèce méridionale, « le martinet murin, hôte estival du Sud-Est de la
France seulement ».
Comme je n'ai jamais eu entre les mains le Petit
Atlas des Oiseaux de Delapchier, je ne chicanerai pas M. D ... de
ne pas nous avoir donné le portrait qu'a fait très probablement cet auteur du
martinet commun, le martinet noir, le martinet de murailles, Apus apus,
pour parler ornithologiquement, et qui est bien celui que j'ai voulu décrire.
Peut-être est-il représenté de dos, accroché à quelque paroi de mur ou de
rocher, ce qui est, en effet, après son élan en plein vol, l'attitude dans
laquelle on a le plus de chances de l'observer, mais qui n'est pas très
favorable à la vérification de sa gorge, qui eut tôt convaincu mon
contradicteur de sa blancheur. Car il m'est impossible de croire qu'elle eût pu
être figurée différemment. Je n'ai pas sous la main un grand nombre de
références scientifiques, mais celles que je possède sont très nettes.
C'est d'abord cette description du martinet commun, Apus apus,
dans les Oiseaux de la Haute-Marne, par M. C. Frionnet : « Corps
entier noir ou noir brun, à reflets verdâtres, la gorge blanche. »
Je regrette de n'avoir pas à ma portée l'ouvrage lui-même, dont je ne puis
indiquer la page, mais seulement des extraits que j'ai copiés jadis.
C'est, en second lieu, Brehm, dans la traduction de
Gerbe, Les Oiseaux, 1er volume, page 552 : « Le
martinet de murailles a de 17 à 19 centimètres de long ; l'aile pliée
mesure 15 centimètres et la queue 7. Son plumage est noir de suie ; seule
la gorge est blanchâtre. » Une figure précède le texte, page 551 ;
l'oiseau y est montré dans l'attitude que j'ai supposée plus haut, c'est-à-dire
de dos, cramponné à une muraille, mais il tourne légèrement la tête pour
laisser apercevoir une partie de sa gorge claire.
Enfin, dans l’Encyclopédie pratique du Naturaliste,
de l'éditeur Paul Lechevalier, en date de 1923, le comte Delamarre de Monchaux,
auteur du volume Les Oiseaux chanteurs, a reproduit dans la planche
VIII, intitulée : « Têtes et Becs B », toute une série de tête
d'oiseaux. La figure 1 représente le martinet noir (Apus apus), et
l'on distingue au premier coup d'œil sa gorge blanche, très visible.
Certes, j'admets avec la plus grande facilité, puisque je
n'ai aucun titre pour prouver le contraire, que M. D ... ait pu
m'accuser d'erreur par ignorance ; je pense, du moins, qu'il n'aura pas la
même opinion des auteurs que je viens de citer et qu'il admettra peut-être, si
étonnant que cela puisse lui paraître, que tous nos martinets (tous nos
martinets de France, veux-je dire) ont la gorge blanche.
Car l'oiseau avec lequel M. D ... prétend que j'ai
confondu notre martinet commun, et qu'il appelle martinet murin, celui-là même
que Brehm qualifie de martinet alpin et qui est bien, en effet, un oiseau du
Sud de l'Europe, qu'on ne trouve guère, en France, que dans le Midi, surtout
dans les Alpes de Provence et autres montagnes de cette région (si j’ai bonne
mémoire, Toussenel le cite dans les Alpilles), a bien évidemment la gorge
blanche. De plus grande taille que l'autre et de plumage moins foncé, gris brun,
il a aussi le ventre blanc séparé de la gorge par une bande de couleur sombre,
sur la poitrine. On l'appelle également martinet à ventre blanc. N'aurait-on
pas dit, peut-être, martinet à gorge blanche s'il avait été le seul à posséder
cette particularité ?
Au surplus, l'erreur de M. D ... ne me
surprend pas. Car j'ai bien été au moins aussi « troublée » que lui
lorsque j'ai lu pour la première fois la description de notre Apus apus.
Si ce n'avait été la réputation universelle de l'auteur, j'aurais bien juré sur
la mémoire de ma mère que tous nos martinets étaient complètement noirs. Le
fait est que nous les voyons tels. Cela vient, je suppose, de la distance à
laquelle nous les apercevons, qui nous empêche de distinguer ce détail de leur
robe. Ils sembleraient noirs, même s'ils ne l'étaient pas, apparaissant comme
des ombres sur la clarté du ciel. Je me suis, à cette époque, acharnée à les
observer au vol et, l'un d'eux ayant, un certain jour, eu la complaisance
d'abaisser sa course à ma portée, j'ai pu voir ... et j'ai cru beaucoup
plus fermement. « Heureux, nous dit l'Évangile, ceux qui croient sans
avoir vu. » Ce n'est peut-être pas vrai en ornithologie.
Ce point litigieux éclairci, je vais tâcher de donner
satisfaction à M. D ..., qui réclame, à la fin de sa lettre un
tableau explicatif des martinets et hirondelles de France. Comme nous venons de
le voir, nous possédons deux espèces de martinets seulement, la seconde
exclusivement méridionale.
1° Martinet noir, martinet commun, martinet de
murailles. Taille : 18 centimètres de long et 45 d'envergure. Plumage noir
à l'exception de la gorge blanche ; queue très fourchue, ailes très
longues, beaucoup plus longues que la queue. Niche dans les trous de murailles,
sous les toits, dans les clochers, de préférence.
2° Martinet murin, martinet alpin, martinet à ventre
blanc. De plus grande taille, 21 à 24 centimètres de long, et 53 d'envergure.
Dos gris brun foncé. Gorge et bas-ventre blancs. Poitrine blanche, traversée
d'une bande gris brun. Arrive plus tôt que le martinet noir et repart plus
tard. Niche dans les rochers, mais aussi dans les tours et les clochers.
Nos hirondelles françaises, plus nombreuses, comprennent
quatre espèces.
1° Hirondelle rustique, hirondelle de cheminée,
hirondelle à gorge rousse. Tout à fait campagnarde. Niche dans les écuries, les
hangars. Nid en demi-coupe, largement ouvert par le haut, accroché aux poutres.
Son joli gazouillement, doux et joyeux, est connu de tout le monde. Mesure 19
centimètres de long et 38 d'envergure. Plumage de la partie supérieure d'un
bleu noirâtre à reflets métalliques, le front roux, la gorge de la même couleur
bordée d'une bande noire, le reste de la partie inférieure jaunâtre clair,
presque blanc, la queue très fourchue.
2° Hirondelle de fenêtre, hirondelle à gorge blanche.
Niche sous les poutres des toits ou les saillies des fenêtres et des balcons.
Quoique beaucoup plus citadine, fréquente aussi les agglomérations rurales. Nid
moins ouvert que celui de l'hirondelle rustique — l'entrée en est petite
et sphérique — de forme presque arrondie. Arrive en nos régions une
quinzaine de jours après l'autre. Mesure 15 centimètres de long et 30
d'envergure. Dessus du corps bleu noir. Gorge, poitrine et ventre blancs ainsi
que le croupion. Cette dernière particularité la fait reconnaître immédiatement
en plein vol.
3° Hirondelle de rivage, 14 centimètres de long et 30
d'envergure. Tout le dessus du corps brun gris et le dessous blanc, avec une
large bande brun gris sur la poitrine. Niche dans les hautes berges sableuses
ou argileuses des rivières et parvient au moyen de son petit bec et de ses
faibles pattes, à y creuser avec beaucoup de peine son nid, composé d'un
couloir horizontal, très long, quelquefois de plus d'un mètre, qui aboutit à la
cavité où reposent les œufs. N'arrive guère chez nous avant le commencement de
mai et repart en même temps que les autres.
4° Hirondelle de rochers. Encore un oiseau
méridional, qu'on ne rencontre guère que dans le Sud de l'Europe et de la
France. Quinze à 16 centimètres de longueur et 33 à 36 d'envergure. Toute la
face supérieure d'un brun clair ; les ailes et la queue noirâtres, la
gorge blanchâtre, la poitrine d'un gris roux ; niche dans les parois de
rochers, souvent à faible hauteur, sous une saillie protégeant le nid, qui
ressemble à celui de l'hirondelle rustique et de l'hirondelle de fenêtre. Comme
toutes ses congénères, niche en colonies plus ou moins nombreuses. Arrive tôt
au printemps dans ses demeures les moins méridionales. Tout à fait au sud de
l'Europe, il semble qu'elle n'émigre pas.
Si quelque erreur s'est glissée dans mes descriptions,
j'attends les corrections avec toute la bonne volonté possible et je reste à la
disposition de M. D ... pour de plus amples explications.
Pierrette MAGNE.
|