Trois ennemis menacent le gibier des réserves :
— les animaux nuisibles ;
— les braconniers ;
— les conditions atmosphériques défavorables par trop prolongées.
Les animaux nuisibles.
— Il faut partir d'un principe qui ne trompe jamais :
plus vous aurez de gibier dans une réserve et plus les animaux nuisibles y
seront attirés. La garde qui s'endormirait sur les destructions opérées à la
création de la réserve aurait un réveil douloureux par la suite. La lutte
contre les nuisibles dans une réserve doit être constante, quelles que soient
la saison et la valeur des fourrures.
Les moyens de lutte comprennent le fusil, les pièges, les
gaz et le poison. Ils se complètent tous et sont employés selon les cas. Les
moments les plus dangereux pour le gibier sont l'hiver pour les reproducteurs
et le début du printemps pour les nids (couvées ou nitées) et les couveuses.
C'est la période pendant laquelle les animaux ne trouvent que peu de couverts
et sont, par hiver rude, en état physique déficient ; ils ont donc tout
contre eux et sont des proies plus faciles pour leurs ennemis. Il importe donc
de tout faire pour détruire ceux-ci.
Les sentiers à fauves dans les bois seront de véritables
canaux de drainage de ces animaux. Quelques chatières, davantage de belettières
sur ces sentiers portent leurs fruits. En plaine, des charniers alimentés en
tout temps pour être exploités en hiver au piège ou au poison seront également
indiqués, tout comme les autres dispositifs de piégeage. La surveillance des
gros terriers et des nids des rapaces devra se faire régulièrement et
sérieusement. Telles sont les grandes lignes à observer.
Les braconniers.
— Le raisonnement à tenir vis-à-vis de cette
clientèle est le même que pour le chapitre précédent. Plus il y a de gibier,
plus on a de chances de voir arriver les braconniers. Où le gibier est rare le
braconnier perd son temps, le jeu n'en vaut pas la chandelle ! Tel n'est
pas le cas dans les réserves dignes de ce nom. Le danger couru par le gibier
est beaucoup plus grand, car, peu ou pas dérangé sur les réserves, il prend
vite des habitudes casanières et régulières qui facilitent singulièrement le
travail du braconnier.
Bien cantonné, toujours aux mêmes places, empruntant
toujours les mêmes parcours, se rendant à heures fixes aux gagnages, y
séjournant même à la belle saison, le gibier devient alors une proie facile
pour le braconnier. Il est donc de première nécessité de surveiller de très
près le gibier. C'est à l'aube et au crépuscule que cette surveillance
s'opérera particulièrement. À ces moments, le gibier non inquiété gagne les
bordures des bois ou des récoltes et se laisse facilement voir. Parallèlement à
cette surveillance, une autre s'imposera : celle des braconniers connus.
Et dans cette branche d'activité, parmi les sédentaires, dans chaque commune on
les connaît. Très peu opèrent sans que l'on finisse par le savoir un jour ou
l'autre et il n'y a pas d'exemple que le délinquant ne se fasse pas pincer.
Les conditions atmosphériques par trop défavorables.
— C'est le cas des hivers rudes et prolongés avec
gel persistant ou grosse neige ; c'est également le cas des printemps très
humides avec pluies ininterrompues ou successions de gros abats d'eau. Les étés
très secs sont moins dangereux pour le gibier. On ne peut évidemment pas
changer le temps à volonté, mais rien n'empêche de prévoir ces cas et de
chercher à aider le gibier à mieux supporter ces périodes. Quelques abris en
plaine pour les perdrix, d'autres servant à garantir un complément de
nourriture, des abreuvoirs pour l'été, des sentiers d'agrainage au bois, et
l'on sauvera ainsi de nombreuses pièces de gibier des rigueurs de l'hiver,
d'une part, et, d'autre part, on augmentera les chances de les voir se fixer
sur les réserves sans chercher à émigrer vers des régions plus ou moins
lointaines, et mieux en conformité avec leurs conditions d'existence.
Tous ces travaux doivent être poussés de front et un garde
consciencieux les mènera à bien. Le tout est de prévoir pour ne pas se laisser
devancer par les événements. Ainsi protégées, les réserves rendront les plus
grands services. Autrement, elles ne serviront que de refuges temporaires aux
rescapés de la chasse, dont certains seront parfois de piètres reproducteurs.
A. CHAIGNEAU.
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