Les obstacles que l'on rencontre au cours d'une descente de
rivière sont de deux sortes, naturels ou artificiels. Si ces derniers sont
souvent jugés indésirables, les premiers, à condition d'être normalement
franchissables, sont recherchés par le canoéiste, et leur nombre, allié à leur
importance, confère à la rivière un caractère plus ou moins sportif.
Il est difficile de définir avec précision quel doit être le
comportement d'une équipe devant les obstacles naturels, rapides ou seuils plus
ou moins encombrés de rochers, qui se présentent sans cesse devant elle sous
des formes toujours différentes et l'obligent à des manœuvres continuelles.
La technique en rivière accidentée, nous l'avons déjà dit,
s'acquiert par l'entraînement et un dosage progressif dans l'ordre des
difficultés. Ici, nous ne pouvons que poser quelques principes, toujours à
respecter dans la majorité des cas.
Avant tout, ne jamais s'engager dans une suite de rapides ou
d'obstacles dont on ne voit pas la fin ; même lorsqu'un passage est signalé
comme normalement franchissable, vous ignorez si, depuis la rédaction du guide,
l'état des lieux ne s'est pas modifié. La dernière crue peut avoir charrié un
tronc rendant une passe impraticable, et le cas le plus typique nous est fourni
par le rapide dit la « rue à Bernard », sur le Chéran, où un énorme
bloc glisse insensiblement sur ses fondations et obstrue partiellement une
passe qu'il était possible de franchir il y a quelques années.
Dans la conduite du canoé, c'est l'équipier arrière qui
imprime la direction générale, et il maintiendra toujours, ou ramènera l'avant
dans la zone de fort courant, donnant ainsi à son équipier plus de facilité
pour manœuvrer en évitant la mise en travers, qui peut conduire à des
situations critiques.
L'équipier avant doit souvent manœuvrer avec une rapidité
extrême pour éviter tel caillou qui surgit, à peine immergé devant son étrave,
se dégager d'une passe pour, immédiatement, se présenter en position favorable
devant la suivante ; contourner ici un rocher, éviter plus loin la grosse
vague latérale qui risque de déséquilibrer le canoé.
Pris ainsi par l'action immédiate, il n'aura guère le loisir
de porter son regard très en avant.
L'arrière appuie ou complète les manœuvres de l'avant, et
c'est ici qu'intervient l'homogénéité de l'équipe, car il arrivera maintes fois
que l'équipier arrière n'ait pas la possibilité de voir l'obstacle ni de juger
de l'opportunité d'une manœuvre amorcée à l'avant, mais la façon dont son
équipier opère doit lui indiquer son propre comportement.
Souvent deux passes peuvent se présenter dans un rapide et
que l'équipier avant se dirige vers l'une alors que l'équipier arrière juge
l'autre préférable. Dans un tel cas, toute hésitation peut être fatale et il
est toujours préférable de laisser l'initiative à l'équipier avant, même si
elle est mauvaise, en se rappelant qu'un canoé bien engagé dans une passe
scabreuse court moins de risques qu'en mauvaise position dans un rapide facile.
Beaucoup de canoés ont terminé tristement leur carrière « en cravate »
sur le gros rocher situé à l'embranchement de deux passes que chacun des
équipiers s'obstinait à emprunter.
L'équipier arrière, qui a, dans l'ensemble, moins de
manœuvres à faire que l'équipier avant — sinon plus puissantes, — devra
s'efforcer de maintenir toujours une vitesse supérieure au courant.
Parmi les obstacles naturels, mais cependant indésirables,
nous rangerons les basses branches qui surplombent les rives et sous lesquelles
le courant s'engage. Une seule manœuvre est à conseiller : les éviter par
tous les moyens possibles, car, engagé dessous, le canoéiste risque d'être
paralysé par la végétation et de sérieux accidents ont été provoqués dans ces
conditions.
Une passe, ou même la totalité de la rivière si elle est
étroite, peut être barrée par un tronc d'arbre entraîné par le courant. S'il
s'agit d'un tronc de faible diamètre en partie immergé, il suffira d'un peu
d'élan pour le franchir, il fléchira sous le poids du canoé. Un arbre de plus
d'importance, surtout s'il est coincé au-dessus de l'eau ou porte des branches,
obligera à débarquer, soit directement sur l'obstacle s'il n'y a pas de
courant, soit en amont si le courant risque d'entraîner le canoé.
Les passerelles basses constituent des obstacles artificiels
dont le passage demande les mêmes manœuvres que les troncs d'arbres. Les câbles
et fils barbelés, que l'on n'aperçoit souvent qu'au dernier moment et dont il
est difficile d'apprécier de loin la distance, sont généralement plus aisés à
franchir le long de la rive où la hauteur est plus forte.
En général, les câbles supportent des bennes ou sont reliés
à des dragues qui peuvent être en service ; il sera toujours prudent
d'observer la fréquence de la manœuvre et son effet avant de s'engager.
Mentionnons encore les piquets, pieux ou éléments de rails,
vestiges de constructions anciennes qui subsistent parfois aux abords des ponts
ou barrages ; généralement les guides signalent leur position, mais il y a
lieu de se méfier lorsque les eaux sont très basses ou si l'on se trouve en
présence d'ouvrages neufs.
Nous avons déjà eu l'occasion de parler des obstacles
majeurs, des barrages, et nous insisterons encore sur les dangers que peuvent
présenter les variations de niveau et surtout la traversée des chantiers de
construction (manœuvres de matériel, volées de mines, etc.). Ici, aucune
technique n'est à recommander ; il est nécessaire d'être exactement
renseigné avant le départ.
G. NOËL.
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