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Élevage

La poulinière et son poulain

Lorsque la jument accouche debout, la rupture du cordon ombilical se fait au moment on le poulain tombe à terre, sous l'influence de la traction progressive opérée par son propre poids, sorte d'étirement occasionnant rarement d'hémorragie. Chez la jument qui reste couchée pendant le part, c'est au moment où elle se relève que se fait la rupture du cordon ; mais, dans certains cas où elle ne se fait pas naturellement, le merveilleux instinct maternel de la poulinière y supplée en la provoquant, à l'aide de ses dents, par écrasement et frottement, jusqu'à section complète à quelques centimètres de l'ombilic. Si pour une cause quelconque la rupture du cordon ne se produit pas, il faut le sectionner à l'aide d'un instrument tranchant ou de ciseaux, puis appliquer une solide ligature. Celle-ci se fait à l'aide d'un fil pas trop coupant, ou mieux d'un cordonnet résistant, préalablement stérilisé par immersion dans de l'eau portée à ébullition, ou trempé dans de la teinture d'iode, dont on lie fortement le cordon, à deux tours de préférence, à trois centimètres environ de l'anneau ombilical. La partie du cordon située au delà de la ligature est alors sectionnée et l'extrémité libre du moignon soigneusement désinfectée en la badigeonnant de teinture d'iode ou par l'application d'un pansement antiseptique à base de collodion ou de goudron.

La suite normale de la mise bas comporte ce qu'on appelle la « délivrance », c'est-à-dire l'expulsion des enveloppes dans lesquelles le fœtus se trouve enfermé pendant sa vie utérine. Elle se produit presque toujours rapidement chez la jument, dans l'espace d'un quart d'heure à une demi-heure, tandis que chez la vache il est fréquent qu'elle dure plusieurs heures et même plusieurs jours, ce qui constitue l'anomalie désignée en médecine vétérinaire sous le nom de « non-délivrance », complication toujours grave, réclamant une intervention d'urgence de la part du vétérinaire.

Quand la parturition s'est effectuée sans incident ni accident et que le poulain est né bien vivant et bien conformé, il faut tout de suite le sécher et le débarrasser de l'enduit gluant dont il est recouvert pour que la fonction respiratoire de la peau puisse s'exercer.

En général, quand elle n'est pas trop abattue, la poulinière se charge de ce soin en léchant son nouveau-né; dans le cas contraire, il faut l'y encourager en saupoudrant le corps de celui-ci avec du son, de la farine d'orge ou, encore mieux, du sel marin. Si ce dernier moyen échoue, il faut suppléer la mère en pratiquant à la main, avec une étoffe de laine, le séchage et les massages qu'elle aurait dû faire avec sa langue, pour aider son poulain à se mettre debout, à s'y maintenir, puis à faire ses premiers pas. Ceux-ci le dirigent d'instinct vers les mamelles de la jument, l'autre source de vie dont il a maintenant besoin, mais, flageolant sur ses hautes jambes, surtout sur une litière un peu fournie, il a besoin d'être guidé et appuyé pour lui faciliter la préhension des trayons.

L'avenir du poulain dépend en grande partie des circonstances qui se produisent, d'abord au cours de sa naissance, puis des soins qui lui seront donnés au sujet de son alimentation. Sur ce dernier point, il est d'une importance capitale, encore trop souvent ignorée, ou négligée, dans certaines régions d'élevage, que le nouveau-né tète le premier lait de sa mère, appelé « colostrum ». Ce lait, d'aspect jaunâtre et visqueux, possède des propriétés purgatives qui ont l'avantage de débarrasser l'intestin du jeune animal du « méconium », résidu des matières excrémentielles accumulées au cours de sa vie intra-utérine et dont la persistance est susceptible de déterminer à brève échéance des accidents mortels. Il est tout à fait erroné et dangereux de croire que le liquide contenu dans les mamelles au moment de la parturition puisse être nuisible au nouveau-né, et c'est une mesure maladroite, allant à l'encontre des lois naturelles, que de le recueillir par la traite, pour le faire boire à la mère.

Si l'action du colostrum n'est pas suffisante et que le poulain manifeste des coliques, en faisant des efforts pour expulser la masse de méconium, collée dans son rectum ou arrêtée dans les dernières portions de l'intestin, il est possible d'y remédier à l'aide d'un lavement huileux ou bien de lavements répétés avec une infusion de camomille, d'un demi-litre environ, additionnée d'une cuillerée à café de sel de cuisine. Au cas où il se produirait un ballonnement du ventre, devenant plus ou moins douloureux au toucher, il y aurait lieu de faire prendre en trois fois, d'heure en heure, un breuvage composé de 50 à 100 grammes d'huile de ricin, 5 grammes de teinture de rhubarbe, 120 grammes d'huile de lin et 500 grammes d'eau chaude. Après un part normal et facile, la poulinière a surtout besoin de repos et de tranquillité, dans une écurie confortable, abritée des courants d'air, où elle bénéficiera d'une litière fraîche et abondante ne gardant aucune trace des souillures du délivre. Plutôt que d'être nourrie fortement, comme le font certains éleveurs, il est préférable, pendant les huit premiers jours, de la soumettre à un régime rafraîchissant, constitué principalement de breuvages tièdes, de mashes, de décoctions de céréales, dont la teneur en eau et en sels minéraux exerce une influence favorable sur la sécrétion lactée ; les autres aliments de la ration seront choisis avec soin, avec des fourrages bien composés et bien conservés, peu volumineux et faciles à digérer. Après quelques jours de stabulation à l'écurie, la jument peut être mise au pré avec son poulain, du moins à certaines heures de la journée ; pendant trois ou quatre semaines, elle ne fera aucun travail et il faudra attendre la fin du premier mois pour la mettre en service, une ou deux heures, matin et soir, autant qu'il sera nécessaire pour les besoins de la culture.

J. BERNARD.

Le Chasseur Français N°662 Avril 1952 Page 231