Accueil  > Années 1952  > N°662 Avril 1952  > Page 233 Tous droits réservés

Peuplement d'un pigeonnier

Le peuplement d'un pigeonnier de rapport est, de toutes les questions dont doit se préoccuper le futur éleveur, l'une des plus délicates et des plus importantes, et n'est pas toujours appréciée à sa valeur. La plupart des personnes qui constituent un pigeonnier achètent souvent des reproducteurs au hasard, sans se préoccuper des origines, de l'âge, des ascendances, de la consanguinité et de la valeur des souches. C'est une grosse erreur, car souvent de beaux oiseaux, à l'aspect extérieur flatteur, sont porteurs de tares ou de graves défauts et reproduisent peu ou pas.

Le choix des mâles et des femelles qui constitueront le cheptel doit donc être fait judicieusement puisque la productivité de celui-ci en dépend essentiellement. Il y a donc lieu de choisir d'abord la race qui paraît correspondre aux désirs de l'éleveur ; puis, dans cette race, la souche.

Si le rapport prime toute autre considération, le choix de la race doit être fixé sur l'une des quatre suivantes, citées par ordre croissant de poids : le Carneaux, le Lynx de Pologne, le Cauchois et le Mondain. Les deux premières races fournissent des sujets vifs qui conviennent particulièrement pour les élevages en liberté ou en semi-liberté, car ils savent trouver une partie de leur nourriture aux champs. Le Cauchois s'adapte à toutes les situations et le Gros Mondain est surtout recommandé pour l'élevage en volière, car il vole peu, ne s'écarte guère de son pigeonnier et produit davantage en captivité qu'en liberté, s'il est convenablement logé et nourri. C'est un gros producteur de chair, mais il est préférable, pour un élevage de rapport pur, de ne pas s'hypnotiser sur les sujets à poids record, souvent peu productifs, et de choisir des sujets de 800 grammes environ.

Mettez-vous en relation avec un amateur connu, sélectionnant des oiseaux de race pure, et ne soyez pas tenté par le bon marché. Des bêtes de valeur, représentant le résultat d'une sélection opérée sur des sujets d'élite pendant des dizaines d'années, ne peuvent se vendre au prix de la consommation. Il ne faut pas hésiter à faire un sacrifice au départ ; tout l'avenir de votre élevage en dépend. N'oubliez pas qu'il suffit de deux couples impeccables, d'origines différentes, pour posséder, au bout d'un an, un pigeonnier peuplé de dix à douze couples choisis ; ce qui constitue une base très suffisante de départ pour un éleveur courant.

Pour juger et apprécier les pigeons, faites-vous accompagner par un éleveur expérimenté, si vous êtes débutant, car l'apparence est souvent trompeuse, et il est indispensable, pour pouvoir juger et apprécier un pigeon, de le prendre en main et de le palper.

On s'aperçoit souvent, alors, que tel sujet qui paraissait impressionnant est tout en plumes et trop léger. On juge de cette façon l'état et la fermeté des chairs, la solidité de l'ossature, la droiture du bréchet, les contours, l'empennage, etc.

Il faut choisir des sujets vifs, vigoureux, doués d'une grande vitalité ; celle-ci se reconnaît chez les bêtes qui ont le plumage net et brillant, bien coloré, l'œil vif et ardent, le bec et les pattes luisants, et dont les réflexes sont vifs lorsqu'on les prend en main.

La consanguinité doit être formellement prescrite pour les achats effectués par des novices. En effet, si l'éleveur expérimenté peut en retirer certains avantages, en s'en servant avec prudence et discernement, il en est tout autrement du débutant, qui risque, par des unions consanguines, de voir dégénérer rapidement ses produits. La consanguinité, en colombiculture, se manifeste rapidement par une diminution de la rusticité et de la fécondité, un amoindrissement de la taille, et les pigeons consanguins s'élèvent mal, restent fragiles et délicats, parfois même difformes.

Il y a plusieurs manières de peupler un pigeonnier. On peut commencer par acheter de jeunes sujets (de mai-juin de préférence) ou peupler directement par achat de reproducteurs sélectionnés d'un an.

La première méthode exige un débours inférieur, mais présente l'inconvénient de ne procurer que des bêtes qu'il est plus difficile d'apprécier que des adultes ; elle exige davantage de soins, ne peut procurer de garantie en ce qui concerne la différenciation des sexes et ne peut laisser espérer aucune production sérieuse avant le printemps suivant. Il est préférable, du reste, de ne laisser s'accoupler les pigeons qu'une fois leur croissance terminée, ce qui, pour les races lourdes telles que les Gros Mondains, Montauban et Romains, n'a pas lieu avant sept ou huit mois.

En achetant au moins deux couples adultes d'origines différentes, la dépense est certes plus importante, mais on possède ainsi immédiatement des sujets dont la valeur est certaine, qui ont pu faire la preuve de leurs qualités de reproducteurs, et il est permis d'espérer des produits quelques semaines après l'acquisition.

Si vous débutez par l'acquisition de jeunes, il est préférable de les placer dans une volière close et de les élever ainsi jusqu'à ce que les couples soient formés. Il est nécessaire de les observer attentivement lorsqu'ils manifestent des intentions visibles de s'accoupler, afin de s'assurer qu'il y a un nombre équivalent de mâles et de femelles, la moindre disproportion risquant de jeter le trouble dans tout le lot.

Chaque couple devra disposer d'une cage double à séparation intérieure, planche de repos et planches de vol. Le pigeon a un instinct de la propriété très développé, et il est nécessaire qu'il soit « chez lui » et bien logé. Cette question est si importante que je me réserve, dans les mois à venir, de lui consacrer un article spécial. Après plus de vingt-cinq ans d'expérience dans l'élevage des pigeons, j'ai arrêté et admis une fois pour toutes un type de case qui me donne toute satisfaction et dont seules les dimensions sont à adapter à la race élevée.

Contrairement à la légende, le pigeon n'est pas un oiseau doux et pacifique. Les mâles sont au contraire très batailleurs et querelleurs, et il faut absolument que chacun d'eux ait sa femelle et son logement personnels.

Il ressort donc de ces quelques remarques que la question du peuplement d'un pigeonnier de rapport ne doit pas s'improviser, mais, au contraire, faire l'objet d'une étude sérieuse de l'éleveur, si celui-ci désire mettre tous les atouts dans son jeu en commençant.

R. GARETTA.

Le Chasseur Français N°662 Avril 1952 Page 233