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L'avion moins cher que le train !

Certes, nous n'en sommes pas encore là, et le slogan peut paraître osé. Cependant, tous les efforts des hommes qui président aux destinées et au développement de l'aviation commerciale dans le monde tendent à en faire une réalité.

Depuis plus de deux ans, il était fort question, dans les milieux commerciaux aéronautiques internationaux, de mettre en vigueur un tarif dit de « deuxième classe ».

Effectivement, sur certaines lignes d'Amérique et sur les lignes françaises reliant la métropole à l'Afrique du Nord, certains tarifs spéciaux furent appliqués dès le 1er janvier 1951.

Les résultats escomptés se réalisèrent : une clientèle nouvelle appréciait vivement ces tarifs nouveaux et venait à l'aviation. Le coefficient de « remplissage » des avions sur Paris-Alger, Paris-Casablanca, par exemple, augmenta considérablement. Il en fut de même en Amérique sur toutes les lignes où était appliqué le tarif deuxième classe. La cause était bonne ; il fallait l'appliquer sur une échelle plus vaste.

Conférence de l' I. A. T. A. à Nice.

— Le 27 novembre dernier s'ouvrait à Nice la Conférence de l'association internationale du transport aérien (I. A. T. A.).

Son but principal était d'étudier et d'instaurer le principe de la classe « touriste » à bord des avions des lignes internationales.

Cette conférence réunit plus de cent délégués représentant quarante compagnies de trente nationalités différentes, et des décisions capitales y furent prises.

Dès le premier mai prochain, les nouveaux services touristes entreront en vigueur à des tarifs réduits au cours de cet été, pour être réduits encore plus considérablement au cours de l'hiver. Ces nouveaux tarifs seront appliqués sur toutes les lignes européennes, ainsi que sur l'Atlantique Nord et les lignes vers l'Afrique du Nord.

En ce qui concerne les liaisons de nuit de capitales à capitales ou de grandes villes à grandes villes, Paris-Londres, Paris-Rome, Paris-Madrid, Paris-Bordeaux, etc., etc., les nouveaux tarifs seront de 40 p. 100 inférieurs aux tarifs normaux.

Il n'entre pas dans le cadre de cet article d'aller plus loin dans le détail de ces tarifs. Soulignons simplement qu'ils seront très légèrement supérieurs à ceux pratiqués par la S. N. C. F. en deuxième classe.

Une ère nouvelle pour les transports aériens.

— Il semble donc qu'une ère nouvelle s'ouvre pour l'aviation commerciale. Celle-ci, après avoir conquis une clientèle particulièrement favorisée par la fortune, entend conquérir aussi la grande masse.

« Il convient, dans l'avenir immédiat, a souligné M. Hymans, président d'Air-France, au cours de la Conférence de Nice, de cesser de considérer le transport aérien comme un transport de luxe ; le transport aérien doit devenir un transport de masse, un transport à la portée de tous. »

Comment les compagnies aériennes de transport vont-elles pouvoir appliquer ces nouveaux tarifs, alors que très souvent l'on a parlé de déficit dans le bilan de leurs exploitations ?

Tout simplement, comme nous le signalions au début de cette étude, en « remplissant » davantage les avions des lignes régulières.

En 1946, notre compagnie nationale Air-France fut subventionnée à 20 p. 100 de son chiffre d'affaires ; en 1951, malgré la grève du personnel navigant, la subvention qui lui fut accordée ne fut que de 7,5 p. 100.

Pour en revenir au transport aérien par lui-même, il est intéressant de noter que, jusqu'en 1951, les compagnies aériennes se sont disputé une clientèle rare ayant de gros moyens financiers, ce qui eut pour conséquence, en ce qui concerne l'aménagement intérieur des avions de transport, de porter l'effort principal sur un confort et un service à bord très raffinés. Avec le développement intense que connaît l'aviation marchande, cela est apparu comme étant une erreur. On s'est aperçu que beaucoup de gens préféraient voyager avec moins de confort, considérant uniquement la rapidité du déplacement.

Les avions « deuxième classe ».

— Il ne faudrait pas croire que les avions qui transporteront les passagers en classe « touriste » ne seront pas exactement les mêmes que ceux de la classe normale. Ils n'en différeront que par le degré de confort ; ils seront aménagés suivant la classe, parfois en compartiments, ou par pont comme sur le Bréguet « deux ponts » ou le Strato-Cruiser. D'autres types d'appareils pourront d'ailleurs être transformés rapidement.

Grâce à un système de rails permettant de fixer des fauteuils de modèles différents, ces transformations ne demanderont que quelques heures. L'abondance et la qualité des prestations et des services à bord, ainsi que le service de « prévenance individuelle », qui est un des charmes d'un voyage sur les lignes aériennes, seront moins raffinés en classe « touriste ».

Si l'on prend, par exemple, le Constellation 44-46 places à fauteuils inclinables comme classe de référence, il y aura, en moins luxueux, le « cach » ou « touriste » 55-60 places à fauteuils inclinables pouvant être aménagé dans le même Constellation et une troisième classe « touriste » à sièges légers fixes, ne comportant aucun service à bord, à l'exception des rafraîchissements qui pourront être servis. L'organisation de buffets froids dans les salles d'attente des aérodromes est également à l'étude et permettrait aux passagers de se munir de cartons-repas et de les emmener à bord.

Par contre, il existera dès le mois de mai, pour la clientèle la plus fortunée, les aménagements suivants : fauteuils-couchettes, cabines-couchettes et compartiments-couchettes.

Ainsi donc, en conclusion de cette politique méthodique de la « diversification » des classes, combinée avec l'augmentation des capacités, il semble qu'il y ait une immense clientèle en puissance pour l'aviation marchande. L'année 1952 va sans doute voir un nouveau et considérable développement du nombre de voyageurs utilisant les lignes aériennes.

C'est fort heureux : l'avion moins cher, c'est la possibilité offerte à d'innombrables voyageurs de goûter enfin aux joies et aux immenses avantages offerts par la locomotion aérienne.

Maurice DESSAGNE.

Le Chasseur Français N°662 Avril 1952 Page 249