Canard branché.
— Dans Le Chasseur Français du mois d'août 1951,
M. G. Grassot, abonné d'Afrique noire, signale sa découverte d'un genre de
canard branché, abattu à l'envol. Je peux lui répondre qu'ici, au Canada,
province de Québec, nous possédons un canard branchu, appelé encore canard
huppé (wood duck en anglais), qui est bien le plus beau du Canada et
peut-être du monde, tant il est riche en couleurs. L'espèce qui s'en rapproche
le plus est le canard mandarin de Chine.
Le canard huppé était originairement le « canard d'été »
de nos frontières méridionales ; presque tous les cours d'eau et les
étangs endigués en possédaient au moins une paire. Mais, depuis que le
déboisement fait son œuvre, le chasseur en a fait façon.
Depuis plusieurs années que je suis ici, la chasse au
branchu est prohibée. Dans mes débuts, au lieudit la « Rivière du Sud »,
j'étais comme M. Grassot, n'ayant jamais vu de cette espèce de canard.
Si bien qu'un beau jour passe à portée de mon calibre 12 un
canard que je descends au vol. Surpris de ramasser un tel bijou et heureux de
ce coup, je m'empresse d'aller montrer ma victime au garde-chasse (M. Oscar
Dubois, de Saint-Jean), qui, en la voyant, de me dire : « C'est bien
dommage, mon cher Édouard, c'est cinquante dollars d'amende. — Ah ! si
j'avais su ! Mais nul ne doit ignorer la loi. « Puis notre
garde-chasse d'ajouter : « Dans un tel cas, nous ne verbaliserons
pas, ce fut un accident. » Depuis, j'ai répété mon histoire de branchu,
car c'est ainsi qu'on les nomme ici.
Protégés depuis des années, il fut permis, cette année, d'en
tuer un par journée de chasse. Jamais nous n'en avons autant vu que cette
saison.
Mais attention ! Ses brillantes couleurs, son nid trop
en vue et la facilité avec laquelle on peut le surprendre dans ses retraites
plus ou moins boisées en font une proie facile, même pour le chasseur novice.
Sa chair est délicieuse.
Un canard qui se pose sur des arbres paraît paradoxal à la
plupart des chasseurs européens, et cependant c'est l'habitude de cette espèce.
Ce canard fait son nid sur un arbre creux ou à
l'intersection de grosses branches, à quelque hauteur du sol (de 6 à 10
mètres), du haut duquel il voit le bord des rivières, des ruisseaux et des eaux
stagnantes. On n'a pas encore résolu la question de savoir comment les petits
sont descendus à terre. Il circule à cet égard beaucoup d'opinions divergentes :
celle qui veut que les parents portent les jeunes sur leur dos ou dans leur
bec, et celle qui pense (et je crois que c'est la vraie) que les parents
poussent leur progéniture hors du nid pour qu'elle arrive de ses ailes
rudimentaires jusqu'à terre ; toujours est-il que, deux ou trois jours
après leur naissance, ils suivent leur mère au bord des eaux dormantes, le mâle
restant tout près pour porter secours à sa famille en cas de danger.
Plus tard, ils rechercheront les marécages où ils
séjourneront jusqu'à la fin de l'automne et d'où ils partiront pour le Sud
quand l'eau sera devenue froide comme le temps.
Le canard branchu se rend volontiers dans les boîtes qu'on
lui prépare pour nicher ; en les accrochant aux arbres, il faut qu'elles
aient l'aspect sauvage et naturel ; de cette façon, on pourrait
probablement l'aider à se multiplier passablement.
J'ai moi-même installé une boîte à cet effet, mais n'ai pas
encore réussi à faire accepter ce logement gratis. Mon grand désir serait
cependant d'en élever quelques-uns pour en peupler nos marais en France.
E. WAGNART, abonné, Saint-Jean (Québec, Canada).
Défense des récoltes contre les cerfs et sangliers.
— Des décisions en apparence contradictoires ayant été
rendues récemment par le Tribunal de Blois, à l'égard de cultivateurs qui
avaient tiré, et parfois tué, des cerfs sur leurs terres, il est utile de
souligner que ces décisions n'ont fait qu'appliquer une jurisprudence constante
et exempte de toute contradiction.
Sans doute, la loi permet aux possesseurs de récoltes de les
défendre contre les incursions des fauves (cerfs et sangliers) ; ce n'est
pas là faire acte de chasse, mais user simplement d'un droit de légitime
défense dont l'exercice peut aller jusqu'à la destruction de ces fauves à coups
de fusil. Encore faut-il que le dommage causé ou imminent soit grave et
certain. Les tribunaux apprécient d'ailleurs largement cette dernière
condition. C'est ainsi que le Tribunal de Blois a acquitté un cultivateur qui,
en temps prohibé, avait tiré et tué une biche qui, en plein jour, séjournait
dans un champ couvert de pommes de terre récemment arrachées et dont,
peut-être, elle aurait pu manger quelques-unes, si on lui en avait laissé le
temps.
Par contre, le même Tribunal a très juridiquement condamné
pour chasse à tir du cerf en temps prohibé un cultivateur qui avait tiré et
peut-être légèrement atteint le cerf de chasse poursuivi par la meute chassant
dans la forêt voisine, cerf qui s'était arrêté, un instant inquiet et aux
écoutes, dans une vesce d'hiver, à laquelle il n'avait porté nul dommage ;
le cultivateur avait d'ailleurs poursuivi le cerf fort au delà de sa propriété,
et jusque devant la meute qui devait le mettre aux abois une demi-heure plus
tard. La Cour de Cassation avait déjà admis la même solution pour un marcassin
poursuivi par les chasseurs participant à une battue de destruction et qu'un
riverain de la forêt avait tiré et tué, en temps de fermeture, au moment où cet
animal traversait, devant la meute de chasse, le terrain ensemencé de ce
cultivateur, sans lui causer aucun dommage appréciable.
Ces décisions doivent inciter à respecter en tous cas
l'animal de chasse et à ne pas tirer devant les chiens un gibier apeuré qui
traverse, mais ne dévaste pas, un terrain, même cultivé et ensemencé ;
c'est à la fois une règle de courtoisie et un principe de sage méfiance
juridique dont la violation comporte les risques sérieux d'une coûteuse
condamnation en correctionnelle.
SIMON, Avocat de la Fédération du Loir-et-Cher.
Deux drames.
— 1° Je rentrais d'une partie de chasse, quand mon
attention fut attirée par les cris plaintifs d'un merle qui fuyait, poursuivi
par un oiseau gris que je ne pus identifier, mais de grosseur sensiblement
égale : tous deux s'abattirent à une vingtaine de mètres plus loin ;
aussitôt le merle fut saisi à la gorge par son adversaire, au bec droit court,
mais énorme, et étranglé prestement. Son forfait accompli, l'agresseur alla se
poser quelques mètres plus loin, attendant vraisemblablement que je m'en aille
pour se mettre à table. Le souci d'économiser une cartouche à une époque où
elles étaient rares lui sauva la vie, et je me bornai à ramasser la victime.
— 2° Un soir, vers la mi-décembre — j'étais à mes
débuts et enragé chasseur, — j'avais repéré un étourneau au milieu d'une
bande de moineaux, à proximité de la maison, et, de temps en temps, je quittais
le coin du feu pour essayer de l'occire d'un coup de fusil. En vain : à
chaque sortie l'oiseau s'envolait sans me laisser le temps de l'ajuster.
Tout d'un coup, un nuage de suie tombe de la cheminée, et
mon étourneau s'abat au milieu de la pièce !
Émile THORE, abonné.
Chasseurs de cailles.
— L'article paru dans le numéro de janvier 1952 nous a
valu maintes approbations et encouragements dont nous remercions les auteurs en
nous excusant de ne pouvoir le faire individuellement. Toutefois, la rédaction
défectueuse d'une phrase a pu prêter à confusion. Les dates d'ouverture de la
chasse ne peuvent être avancées sur le plan régional que dans la limite des
dates d'ouverture générale fixées par le ministre. Ce qui est inconcevable, du
point de vue des chasseurs de cailles, c'est que l'ouverture de la chasse de ce
gibier soit retardée par rapport à la date d'ouverture générale et qu'elle ne
soit pas toujours avancée, c'est-à-dire fixée à la date ministérielle, lorsque
cette dernière est retardée localement pour certains gibiers sédentaires.
L'ouverture au 15 août, sous réserve des mesures préconisées dans
l'article visé, devrait être obtenue, dans les régions intéressées, par action
concertée des chasseurs auprès des pouvoirs publics.
GARRIGOU.
La biche traquée.
— Un groupe de chasseurs dijonnais était en campagne,
un dimanche de janvier dernier, quand une jeune biche sortit brusquement des
fourrés et fonça droit sur eux ; des abois de meute se rapprochaient, et
la biche portait la trace de morsures ... ; l'animal traqué s'arrêta
net devant les chasseurs et attendit.
Que firent les chasseurs ? Ils éloignèrent leurs
propres chiens et déposèrent leurs armes. Un trou d'eau était proche ; on
y porta la biche, on l'y plongea, on la bouchonna, puis on lui fit un lit de
mousse, et l'on attendit que la fièvre qui la consumait se fût un peu apaisée
et surtout que la meute et la chasse eussent battu en retraite. Alors seulement
on rendit la liberté à l'animal.
Le fait paraît digne d'une légende ; cependant, il nous
est confirmé par l'un de nos abonnés, M. J. M ..., que sa profession
force à garder l'anonymat.
Anomalies.
— 1° Il m'a été donné, à deux reprises assez
rapprochées, dans la même région de Damblainville (Calvados), d'abattre des
coqs perdrix gris, de taille et de teinte normales, présentant des pattes
entièrement démunies de doigts ; le second avait cependant des embryons de
1 centimètre environ. Aucune cicatrice apparente dans les deux cas.
— 2° Au cours d'une sortie-instruction en janvier 1949,
près de l'ancienne batterie allemande de Merville-Franceville (Calvados), nous
avons levé une caille normale au vol très régulier, qui était blottie au
soleil, à l'abri du vent, dans une maigre touffe d'herbe ; le 18 novembre
1951, à Bons-Tassilly, j'ai tué un de ces oiseaux volant normalement, gras à
souhait et ne présentant aucune trace de blessure.
Jean MARY, abonné.
Un gibier qui disparaît.
— À vrai dire, ce n'était guère un gibier, car, à mon
avis, l'œdicnème ne possédait pas une valeur culinaire susceptible de le faire
qualifier de ce nom.
Je me rappelle qu'il y a une quinzaine d'années encore, dès
les premiers coups de fusil de l'ouverture en plaine, on voyait s'envoler au
loin ces oiseaux, qui, poussant leur cri aigu, disparaissaient, du moins pour
la journée.
Étant jeune, il m'est arrivé, rarement il est vrai, d'en
surprendre et de constater qu'ils couraient une dizaine de mètres pour
faciliter leur envol.
Ils semblaient affectionner les plaines d'une certaine
étendue et les terres légères, et, pendant la belle saison, au moment de la
moisson, on pouvait les entendre à peu près toute la nuit, d'où l'appellation
méritée : œdicnème criard.
Il en était tué très peu, vu leur médiocre valeur et aussi
leur sauvagerie, et, malgré près de soixante années de chasse, je n'ai pas fait
une seule victime parmi ces échassiers, qu'à tort beaucoup appelaient courlis ;
cependant l'œdicnème a disparu, du moins des plaines du Calvados que je
fréquente.
En est-il de même ailleurs ? J'aimerais l'apprendre par
la voie du Chasseur Français.
A. D ..., abonné du Calvados.
Le repeuplement naturel.
— Je crois devoir vous signaler les résultats obtenus
par notre société de chasse : en une seule journée, le jour de
l'ouverture, il fut tué, sur une superficie d'une centaine d'hectares, environ
45 lièvres. Cette partie de notre chasse était en réserve depuis six ans.
R. ROBERT, abonné, Sancoins (Cher).
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