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Au verger

Soins aux plantations tardives

La saison d'hiver que nous venons de traverser, si elle n'a pas été d'une extrême rigueur, n'a cependant pas permis de faire partout les plantations d'arbres fruitiers à l'époque la plus favorable.

Les pépinières fruitières étaient cependant en mesure de faire face à toutes les demandes. Mais les pluies continuelles de l'automne et d'une grande partie de la période hivernale ont, en maint endroit, rendu difficiles ou même impossibles les travaux de préparation du sol qui, comme l'on sait, constituent l'un des facteurs les plus importants du succès d'une plantation.

La neige et le gel en février se sont encore opposés à l'exécution d'un travail devenu des plus urgents, tant et si bien que, dans bien des cas, on a seulement planté les arbres en mars.

Les jardiniers consciencieux n'ont pas manqué, il est vrai, de praliner les racines en les trempant, avant plantation, dans une bouillie formée d'argile, de bouse de vache et d'eau. Ils n'ont pas omis non plus de munir chaque sujet à haute tige d'un bon tuteur destiné à l'immobiliser complètement pendant la période de reprise.

Toutes ces précautions étaient, certes, très utiles. Mais elles ne sont pas toujours suffisantes pour assurer la réussite. Au cours du printemps et de l'été, d'autres soins sont, dans la majorité des cas, indispensables.

Parmi les soins à donner aux plantations nouvelles, l'arrosage se place au premier plan. Il n'a pas seulement pour objet, comme on serait tenté de le croire, de fournir aux racines une certaine humidité dont, d'ailleurs, elles ne peuvent guère profiter, mais aussi, et surtout, de faire descendre la terre au contact des racines et de calfeutrer les vides existant entre celles-ci. Ainsi, l'arbre nouvellement planté se trouve fixé au sol de façon rapide et parfaite ; de nouvelles radicelles se forment sans tarder sur toute la longueur des racines et la vie ne tarde guère à se manifester.

Les bons praticiens, lorsqu'ils se trouvent dans l'obligation de planter des arbres en mars, n'hésitent pas à les arroser dès l'opération effectuée. Ce faisant, ils aident puissamment à la reprise. Voici d'ailleurs comment ils s'y prennent, même lorsque la terre ne manque pas encore de fraîcheur :

Ils pratiquent, autour du pied de l'arbre et à une distance plus ou moins grande de celui-ci (30 à 50 cm.), un bassin large et peu profond dans lequel ils versent, peu à peu, une quantité d'eau proportionnée à la force du sujet et à la nature du sol, soit en moyenne un demi-arrosoir s'il s'agit d'un scion d'un an, ou bien un arrosoir ou deux pour un arbre à haute tige de force ordinaire. Puis, lorsque l'eau s'est infiltrée dans le sol, ils ramènent un peu de terre saine pour combler la cuvette et empêcher la formation d'une croûte dure en surface, laquelle croûte serait nuisible à la reprise en s'opposant à la pénétration de l'air.

L'arrosage ainsi fait peut suffire au moins jusqu'en fin mars en année ordinaire, mais, si le temps est sec, il faut, dès que les bourgeons s'entr'ouvrent, donner à nouveau de l'eau si l'arbre n'a pu prendre encore complètement possession du sol ou bien s'il avait subi un transport prolongé entre l'arrachage et la replantation.

Il ne faut pas perdre de vue que, pour obtenir une bonne reprise, des soins sont encore nécessaires au cours de la première année de plantation. En particulier, de nouveaux arrosages pourront être nécessaires. On en réglera la fréquence d'après le temps qu'il fait et le degré de siccité de la terre.

Mais, s'il est nécessaire d'arroser raisonnablement les arbres nouvellement plantés, il faut bien se garder d'exagérer. Les sujets transplantés ont en effet perdu, lors de l'arrachage, une grande partie de leurs racines. Les extrémités surtout ont disparu, et ces extrémités sont les parties qui portent les organes capables de puiser dans le sol l'eau et les solutions de sels minéraux qui constituent la sève brute. Ces organes, appelés poils absorbants, se reforment bien sur les racines de l'arbre nouvellement planté, mais fort lentement et, en attendant qu'ils soient en nombre suffisant, l'absorption par ces racines reste peu importante. En arrosant trop fréquemment, on aboutirait donc non à favoriser la reprise de l'arbre, mais plutôt à l'entraver en faisant pourrir les racines.

Dans le courant de l'été, il vaut mieux donner des arrosages copieux et peu fréquents plutôt que de légers arrosages plus souvent répétés. Il est toujours préférable aussi de choisir pour arroser une journée de temps sombre ou, en cas d'impossibilité, de donner l'eau le soir après le coucher du soleil.

Lorsqu'il s'agit d'arbres plantés en sol récemment et profondément défoncé et placés le long d'un treillage de contre-espalier ou d'espalier, il faut bien se garder de les attacher au treillage aussitôt après la plantation, car, lors du tassement progressif du sol, ils pourraient rester suspendus, alors que des cavités préjudiciables à la bonne reprise se formeraient au-dessous des racines.

Dans le but de réduire le nombre des arrosages, il est très utile de pailler le pied des arbres. Dans ce but, on fait, en mai, au pied de chacun d'eux, une sorte de bassin circulaire, dont l'arbre occupe le centre, et on garnit le fond de ce bassin de 4 à 5 centimètres d'épaisseur de fumier à demi décomposé ou, à défaut, de foin avarié ou de toute autre substance formant écran et empêchant la surface de se battre et de durcir ensuite en séchant. Grâce à ce paillis, un arrosage mensuel en cas de grande sécheresse suffira amplement au maintien d'un degré d'humidité suffisant.

Pour les arbres à haute tige plantés tardivement au printemps, une excellente précaution consiste aussi soit à en blanchir le tronc à l'aide d'un lait de chaux très épais, soit, mieux encore, à l'entourer, depuis la base jusqu'aux branches inférieures, d'une torsade de paille ou de foin, arrêtée en haut et en bas par une ligature d'osier. On évitera, par cette simple précaution, les coups de soleil sur le tronc qui, dans bien des cas, causent de graves brûlures aux écorces et font souvent sentir leur influence néfaste pendant plusieurs années.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°663 Mai 1952 Page 290