À quelques jours de mer de la France, à sept heures par
avion, se dresse au milieu des solitudes marines une grande île dont le nom
seul évoque des horizons de glace, l'Islande. Séparée du Groenland par
200 kilomètres d'Océan, l'image que nous nous en faisons paraît trop souvent
répondre à une construction de l'imagination plutôt qu'à une réalité physique.
Car l'Islande, presque complètement ceinturée par le courant chaud du Gulf Stream,
présente un climat fort supportable puisque la température moyenne de sa
capitale en hiver est d'environ 0° alors qu'en été elle oscille autour de +11°,
ce qui fait de cette saison une période infiniment agréable. Malheureusement le
temps y est peu régulier, et des pluies nombreuses viennent attrister le
paysage.
C'est au IXe siècle que l'Islande fut
découverte et que, pour la première fois, un humain s'y installait. Cet homme
était un Viking norvégien, Ingolfur Arnarson, qui d'instinct éleva sa demeure
où, plus tard, devait s'élever la capitale de l'île, Reykjavik. Écossais ou
Irlandais, d'autres émigrants suivirent bientôt. Après avoir longtemps
appartenu à la couronne danoise, l'Islande est aujourd'hui un État indépendant.
Le paysage est essentiellement fait de contrastes, tour à
tour âpre et idyllique, partagé entre les fjords majestueux et les immensités
désolées volcaniques de l'intérieur.
Un des traits dominants est fait, sans doute, surtout de la
transparence exceptionnelle de l'atmosphère, dans un jeu de couleurs sans cesse
renouvelées, qui permet de découvrir des étendues sur plus de deux cents
kilomètres.
Si l'Islande est une terre principalement volcanique, ses
montagnes ne sauraient en rien être comparées à nos Alpes. Elles présentent, en
effet, des ondulations en pente douce. Quant aux plaines, elles témoignent
également des activités volcaniques passées, découvrant des vagues de lave
figées depuis des siècles. Pourtant le plus célèbre de ses volcans, le mont Hékla,
qui depuis cent deux ans dormait sous son linceul de neiges et de glace, s'est
réveillé le 29 mars 1947. Alors ce fut jusqu'à 20 kilomètres de hauteur
une immense colonne de vapeur, lourde de cendres et de fumée. Son ascension,
qui ne demande guère plus d'une journée, se fait en partie à pied et en partie
à dos de poneys. Nul Islandais n'éprouverait aujourd'hui à son endroit la
crainte dont témoignaient ses ancêtres, qui voyaient là le redoutable portail
des enfers.
Si les champs de lave y sont nombreux, l'Islande peut
s'enorgueillir de posséder le plus vaste du monde.
Une telle ampleur volcanique ne pouvait disparaître
entièrement. Partout dans l'île, tant au-dessus qu'au-dessous du niveau de la
mer, existent des sources thermales, des geysers, dont le plus important vomit
son eau bouillante à 60-70 mètres de hauteur. On conçoit qu'une telle source de
chaleur n'a pas été négligée, et le chauffage de la plupart des maisons de
Reykjavik et de quelques fermes lointaines est ainsi assuré par une nature
prodigue de ses dons.
L'Islande, a dit un géographe français, est placée « entre
les glaces du pôle et les flammes de l'abîme ». De nombreux glaciers
scintillent, en effet, à l'étrange clarté boréale qui ne connaît pas la nuit
durant la saison d'été, ou s'illuminent étrangement à la pâle et mystérieuse
clarté des aurores polaires durant les interminables ténèbres du solstice
d'hiver.
Rivières, souvent grisâtres à cause du calcaire qu'elles
roulent dans leurs eaux, cataractes imposantes (les plus belles d'Europe)
justifieraient encore une visite à cette terre lointaine. Le pêcheur y
trouverait matière à combler ses espoirs les plus démesurés, car le saumon et
les truites y abondent. Mais c'est à la mer que l'Islandais consacre le
meilleur de son temps. Et, bien que sa population de 130.000 habitants soit
l'une des moins nombreuses du monde, elle s'inscrit pourtant au quatrième rang,
pour la pêche, parmi les nations d'Europe. Aux rivages de l'île, la mer est
incroyablement poissonneuse, fourmillante de morues, de haddocks, de flétans,
etc. Une telle richesse est commandée par la présence de deux courants, l'un chaud,
le Gulf Stream, l'autre polaire, effleurant ses côtes nord et est. Les phoques
y sont aussi légions, et dans les anfractuosités rocheuses trouvent asile des
millions d'oiseaux marins, dont le plus important, l'eider, fournit le moelleux
duvet de son nid qui servira ultérieurement à la confection d'édredons ou de
sacs de couchage pour le camping.
À la rame, puis à la voile les premiers Islandais se
livrèrent à la pêche. Aujourd'hui le grondement des moteurs s'est substitué au
souffle du vent, la pêche est devenue œuvre scientifique et les pêcheries
relèvent des techniques les plus modernes.
Mais la pêche y demeure rude, car elle ne saurait cesser
quand tombe la grande nuit polaire. Et c'est alors mille feux qui croisent au
large, lucioles humaines dans la brume, la tempête ou le froid. Des industries
annexes en sont nées : fabrique d'huile de foie de morue, de margarine.
Quant à l'agriculture et l'élevage, s'ils ne viennent qu'en
seconde place, leur essor paraît cependant des plus satisfaisants.
La balance commerciale de l'Islande se ramène pour
l'exportation aux produits de la mer, poissons frais ou congelés, salés ou
sèches, et aux produits fermiers (viande, laine, duvet d'eider). Le chiffre de
ses importations est au contraire très élevé, par suite du grand nombre de
matières premières qui lui manquent.
La vie, ce qu'elle est ? Fort peu différente de ce
qu'elle est chez nous. Si la nature montagneuse du pays, si les grandes
rivières torrentueuses demeuraient jusque-là une entrave sérieuse aux
communications, celle-ci a été partiellement vaincue et plusieurs milliers de
kilomètres de routes propres au trafic automobile y sont désormais ouvertes.
Des autobus confortables desservent les abords des côtes occidentales et
septentrionales et l'arrière-pays. Mais l'intérieur demeure une solitude
sauvage où le voyageur sera obligé de faire appel aux poneys d'Islande, animaux
intelligents dont la sûreté du pied vous assure contre tous les risques de la
piste.
Terre rude, terre hospitalière, terre de contrastes, l'Islande
doit plaire à tous ceux qu'unit un amour commun de la Nature, à tous ceux qui,
loin des villes enfumées et des cités trépidantes, rêvent de parcourir des
dizaines de kilomètres sans autre compagnon que la solitude apaisante qui
s'attache à leurs pas ou le jeu changeant des nuages à la transparente clarté
du cercle polaire.
Pierre GAUROY.
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