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Causerie vétérinaire

Tiques et piroplasmose

Tous les chasseurs connaissent ce parasite de la peau du chien qu'on désigne vulgairement sous les noms de tique, tiquet, ricin, pou de bois, etc. C'est un ixodidé qu'on rencontre le plus souvent sur les chiens de chasse qui fréquentent les lieux boisés, les broussailles, les hautes herbes, où les tiques se trouvent de préférence. Elles se tiendraient suspendues aux plantes par leurs pattes postérieures, prêtes à se laisser tomber sur les animaux qui passent à leur portée.

Fixées par leur rostre sur les animaux divers (chiens, chats, lapins, lièvres, etc.), les femelles de ces parasites se nourrissent à peu près exclusivement de sang. Pour puiser cette nourriture, la tique se cramponne solidement par ses pattes à son hôte. Elle appuie son rostre sur la peau et y fait pénétrer les crochets terminaux de ses mandibules ; le dard les suit, et les dents rétrogrades de sa face inférieure assurent la solidité de l'appareil dans la plaie. L'adhérence du rostre dans le derme est si étroite que, par une traction violente, on risque de n'obtenir que le corps de la tique et de laisser les pièces buccales dans la plaie.

En se gorgeant de sang, les femelles fécondées acquièrent une taille considérable, qui leur donne les dimensions et l'aspect d'une graine de ricin, d'une olive ou même d'une muscade. Une fois repue, la femelle se laisse tomber à terre et, cachée sous un abri quelconque, pond un nombre immense d'œufs agglomérés en un tas, avec lequel elle reste quelque temps en contact.

D'ordinaire, les tiques n'apportent pas de dommage à la santé, et les chiens les tolèrent avec indifférence. Il est toutefois des cas où des tiques peuvent être les agents de transmission d'une maladie grave du chien, la jaunisse infectieuse ou piroplasmose, causée par un protozoaire parasite du sang, Piroplasma canis.

Les tiques ne sont donc pas des parasites négligeables. Il importe de débarrasser immédiatement les chiens de celles qu'ils ont rapportées de la chasse ; car les femelles fécondées, tombant sur le sol du chenil, engendreraient une population de parasites dont on pourrait avoir de la peine à se débarrasser. À cet effet, plusieurs procédés peuvent être employés. On peut arracher les tiques par une traction progressive, ce qui n'inflige au chien qu'une douleur insignifiante. Quand une traction brusque a déterminé la rupture du parasite, le rostre resté dans la plaie s'élimine en quelques jours par un travail de suppuration. Il vaut donc mieux provoquer la chute de la tique en la touchant avec une goutte de benzine, de pétrole ou d'essence de térébenthine.

Un chenil infesté par les tiques sera purifié par des lavages à l'eau bouillante, qu'on projettera dans tous les coins, surtout vers le plafond, où ces parasites se réfugient de préférence. Des solutions énergiques de crésyl ou d'eau de Javel conviennent encore mieux. Il est nécessaire de brûler la litière et de la renouveler souvent.

Un de nos correspondants, habitant un département très broussailleux du Midi, nous demandait récemment s'il n'existait pas quelques moyens pour préserver les chiens contre les piqûres de tiques et de taons. Voici les seuls renseignements que j'ai pu me procurer à se sujet. Un moyen préconisé en Italie consiste à frictionner les chiens avec une décoction de :

Feuilles de tabac 100 grammes.
Eau 1 litre.

ou bien avec la solution suivante, à odeur désagréable :

Assa fœtida 60 grammes.
Vinaigre 100 —
Eau 200 —

Le professeur del Guercio trouve très efficace l'usage d'une solution de 5 grammes de pétrole dans 100 grammes d'huile. Il essaya ce préservatif sur des animaux qu'il fit passer au milieu des bois habités par des taons, tiques et autres mouches, et observa que très peu d'entre eux furent piqués et que ceux-ci ne se ressentirent pas des piqûres. En France, on accorde la préférence à une décoction concentrée de feuilles de noyer ou le Verminox.

Piroplasmose du Chien.

— La piroplasmose canine est une maladie infectieuse assez commune vers la fin de l'été et pendant l'automne, elle est transmise au chien par les tiques. Elle est provoquée par un protozoaire — le Piroplasma canis — qui pullule dans le sang, détruit les globules rouges et détermine généralement une anémie rapide accompagnée d'hémoglobinurie.

On sait que le sang est constitué par un liquide qu'on appelle plasma, tenant en suspension un très grand nombre (6 à 7 millions par millimètre cube) de petits disques rouges nommés hématies ou globules rouges. Or la piroplasmose du chien est provoquée par de petits organismes microscopiques qui vivent dans les hématies et s'en nourrissent en les détruisant. Ils ont grossièrement la forme d'une poire ou d'un point d'exclamation et, lorsqu'ils ont digéré la substance de l'hématie, ils se précipitent sur une autre dans laquelle ils pénètrent, et ainsi de suite. Leur multiplication étant extrêmement rapide, on se rend facilement compte des dégâts qu'ils provoquent et des troubles graves qu'ils engendrent.

La maladie évolue sous deux formes bien distinctes : la forme aiguë et la forme chronique.

La forme aiguë débute par une fièvre intense ; l'animal est triste, refuse tout aliment, a une démarche pénible, titubante. La respiration est accélérée, haletante et souvent plaintive. L'évolution est rapide ; la plupart des malades succombent deux à trois jours après l'apparition des premiers symptômes.

La forme chronique se remarque chez les chiens adultes ou âgés, qui sont infiniment plus résistants que les jeunes. Ils sont très tristes, ont la peau sèche et le poil piqué ; ils restent immobiles, réagissent à peine aux excitations. La marche de la maladie est toujours lente et la guérison est la terminaison la plus fréquente. Après quelques semaines, le malade retrouve sa gaieté, l'appétit renaît, les signes d'anémie disparaissent. Mais ce n'est parfois qu'une guérison apparente, car il subsiste des parasites dans le sang et ce sont ces malades à forme chronique qui constituent le réservoir dans lequel les tiques puisent le virus qu'elles vont inoculer.

Le diagnostic de la piroplasmose est assez facile à établir : l'existence de tiques sur un chien anémique, à muqueuses jaunâtres ou ictériques, rejetant une urine colorée de façon plus ou moins intense et variant du rose au noir, fait soupçonner la maladie ; l'apparition brusque de ces troubles chez des chiens qui viennent de chasser dans les forêts et les broussailles permet de diagnostiquer, presque à coup sûr, la piroplasmose.

Traitement.

— La forme aiguë, très grave, était autrefois considérée comme fatale dans la grande majorité des cas. Aujourd'hui, nous sommes mieux armés ; mais il est important de savoir que les chances de guérison sont d'autant plus grandes que l'intervention est plus rapide ; il est donc indispensable d'intervenir aussi vite que possible. De tous les médicaments préconisés, il n'en est qu'un à retenir, le trypanblau ou trypanbleu, en solution à 1 p. 100 ou 2 p. 100, préparée extemporanément et injectée tiède dans la veine du jarret. On utilise des doses de 10 à 50 centigrammes de trypanbleu en une seule fois, suivant le poids du malade. L'effet est rapide et vingt-quatre heures après l'injection la température est redevenue normale.

Le trypanbleu donne les mêmes bons résultats dans la forme chronique. On complétera cette intervention en distribuant pendant la convalescence une alimentation riche, à base de viande de cheval crue surtout. On pourra aussi faire des injections sous-cutanées de cacodylate de soude, 0cgr,5 à 5 centigrammes par jour, en solution à 10 p. 100.

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°664 Juin 1952 Page 340