En ce temps où les expositions battent leur plein, éleveurs
de profession et amateurs sont fort occupés à présenter leurs élèves au mieux
de leur forme. L'exposant d'occasion connaissant plus ou moins la valeur de son
chien, s'inquiète du sort qui lui est réservé et volontiers l'estime sans
reproches. S'il a conquis un C. A. C., il considère, que cette
distinction lui est désormais due.
Qui n'est pas dans le bain ignore qu'un chien noté excellent
peut se trouver un jour plus ou moins en forme, ou se mal présenter parce qu'il
se désintéresse de sa présentation. Ceci peut fausser complètement le
classement. Dans la brochure d'Astley : Le Parfait Fox-Terrier, on
en trouve un bon exemple. Le même sujet est pris à quelques minutes
d'intervalle, premièrement somnolent et le dessus affaissé, le fouet pendant et
l'oreille de même. Tel quel, il ne peut avoir qu'une mauvaise note. Dans la
seconde image on le voit éveillé, le dessus s'est affermi, l'oreille et le
fouet se redressent. Troisième image, le chien complètement éveillé se présente
tel qu'il doit être réellement et dans la note qu'il mérite. J'ai observé les
mêmes faits en observant une lice Airedale titulaire d'un C. A. C. le
matin et qu'il fut impossible d'animer pour le concours du plus beau chien
quelques heures plus tard.
Il ne suffit pas qu'un chien soit en condition pour être
jugé suivant sa valeur. S'il se présente mal, il est handicapé et la note s'en
ressentira. Il faut prendre son parti de ces déconvenues, car le juge n'a pas à
faire d'hypothèses, mais à noter un chien tel qu'il se montre à l'heure H et au
jour J. D'ailleurs un juge qui aura deviné la valeur de l'objet fera
certainement le nécessaire pour en favoriser la bonne présentation.
La méthode de jugement officielle en France est basée sur la
connaissance des caractères particuliers des races tels qu'ils sont décrits
dans les standards et ceux de l'armature osseuse. D'où à sanctionner les fautes
contre les caractéristiques du type et d'autre part celles contre la structure.
Inévitablement, deux écoles sont aux prises et c'est très
bien ainsi, car en se neutralisant elles réalisent un équilibre. Tel juge
prêtera une très grande attention aux péchés contre la structure et sera
volontiers indulgent pour le concurrent dont les caractères de race seront un
peu estompés. Pour lui, un certain type suffit. Un autre estime que ce qui
importe le plus est le type très accusé. Il ne se laissera pas impressionner
par un beau coq, dont certaines particularités physiques peuvent s'expliquer
par un courant de sang étranger. Les deux systèmes se défendent, tout au moins
en ce qui concerne les races d'utilité qui, outre leur physique propre, doivent
bénéficier d'une hérédité psychologique provenant pour une part d'alliances
extérieures. Toutes les grandes races de réputation et de diffusion mondiales
sont de culture ; le pointer par exemple. Pour le maintenir tel qu'il est,
on doit se féliciter de l'existence de courants d'opinion veillant l'un à la
sauvegarde des caractères typiques et l'autre à conserver la structure à
étendue de contraction. Sans doute, existe le sujet parfait de nature à
satisfaire aux idées des deux écoles. Pour lui, il n'y a pas à se creuser la
cervelle, sa qualité saute aux yeux et s'il consent à se faire valoir dans le
ring il n'y a aucune difficulté à le classer suivant sa valeur.
Quel que soit le procédé employé, le chien parfait peut être
jugé au moyen de n'importe quel procédé. Mais ceci est le cas rare. Restent les
chiens de haut mérite, qui, présentés comme il le faut, valent la note « excellent ».
Dans leurs rangs, certains peuvent tomber à « très bon » pour divers
motifs. Un juge soucieux de la régularité de la structure et des points de
force boudera un peu devant le chien bien typé en tête et corps, mais sera mal
impressionné par des membres qui pourraient être plus forts, voire un peu
fautifs, par exemple dans le parallélisme des postérieurs, mal très fréquent
chez les meilleurs. Un exposant à la page comprendra la variation du
qualificatif. Bien entendu, qui engage un épagneul ou un griffon en mue ne
pourra s'en prendre qu'à lui-même d'une déconvenue dont il est responsable.
L'exposant de métier ne présente jamais un chien hors de condition ou un mal
toiletté. Il en est autrement des nouveaux venus, surtout de ceux dont
l'intention n'est pas de persévérer et ceux-là ignorent tels détails.
La recherche du mode de classement automatique est le fait
d'un ami des chiens à qui le hasard a valu de posséder un toutou de mérite,
bien fait et bien planté, mais discutable quant à la tête par exemple. C'est le
prototype de l'animal sujet à aller de l'excellent au très bon. Son
propriétaire n'étant pas enfant de la balle n'y comprend rien, n'ayant jamais
pénétré les arcanes de la cynotechnie. On comprend son désarroi, que
n'éprouverait pas l'éleveur de métier. Aussi est-ce de l'exposant déçu que
partent les inventions de classements sans défaillance.
Le procédé le plus achalandé est toujours celui de
l'échelle des points.
L'essai en a été longuement tenté par une association de
cynophiles dont il a déçu les espérances. Mais il a comblé les vœux des
amateurs de premiers prix, étant générateur d'ex-aequo. Quant au classement, il
était malaisé. D'après certains, le procédé permettait de dégager la valeur
absolue de chaque sujet de façon définitive comme si la condition et la
présentation n'étaient pas variables pour tout individu d'un jour à l'autre. Il
est ridicule de penser que le chien qui a obtenu un 90 p. 100 devra
toujours être ainsi coté. Cette note chiffrée peut varier en moins, de même que
les qualificatifs, dont le mérite est d'être singulièrement plus clairs. Le
public comprend mieux la portée de la note « excellent » que celle du
chiffre équivalent. Donc plus de clarté et plus d'initiative laissée au juge
pour déterminer les excellents, très bons, bons, etc. Pour des chiens se tenant
de très près, il y a toujours à glaner quelques menues peccadilles qui
permettent de classer, mais dont on ne saurait faire état, en jugeant d'après
le système des points, sans tricher. Fonctionnant dans le cadre de l'échelle
des points, il est évident que, tous les concurrents ayant obtenu le même
nombre, la méthode strictement appliquée aboutit, comme l'expérience l'a
appris, au grand nombre de prix ex-aequo.
Ce n'est donc pas le moyen d'obtenir les classements
infaillibles rêvés par des esprits un peu sommaires, qui ignorent des animaux
vivants les variations de condition. Enfin, il faut bien dire chimérique
l'espoir de découvrir un jour une méthode mécanique fixant une fois pour toutes
la valeur de tel ou tel être vivant.
Les jugements tels qu'ils sont en vigueur dans nos
expositions, avec des arbitres consciencieux, connaissant les standards et la cynotechnie,
ont fait leurs preuves. L'unité de doctrine est un fait, les sujets
indiscutables étant appréciés à leur mérite par les divers juges. Lorsqu'un
accroc survient dans la carrière d'un lauréat, cela peut provenir d'une
fâcheuse présentation dont le responsable est le propriétaire. D'autre part, si
tel brille plus par la perfection du type que par la structure, ou inversement,
il peut avoir une surprise. Qui n'est pas parfait doit s'attendre à en subir
les conséquences. Quand on entend dire : « Le chien de M. X ...
est un prototype de la race, mais gagnerait à avoir plus de substance »,
ou : « Le chien de M. Z ...est d'une structure admirable,
mais les caractères raciques en pourraient être plus accusés », il faut
comprendre qu'ils seront appréciés différemment selon la doctrine professée par
le juge. Le chien parfait mis à part, tous les autres plus ou moins voisins de
l'excellence oscillent entre la perfection du type et celle de la structure.
Pour maintenir l'équilibre, il faut bien qu'il y ait deux écoles, la matière
vivante n'est jamais au point fixe.
R. DE KERMADEC.
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