Accueil  > Années 1952  > N°665 Juillet 1952  > Page 439 Tous droits réservés

L'hélicoptère individuel

Les rêves d'Icare, de Léonard de Vinci, de Mouillard, ne se réaliseront probablement jamais dans le sens exact de leurs vues.

L'homme est incapable de fournir la force nécessaire à mouvoir le mécanisme ailé ou simplement les ailes souvent fort astucieuses que de nombreux précurseurs voulaient lui donner.

L'homme ne sera jamais un oiseau !

Il faut à l'homme pour voler une vingtaine de mètres carrés de voilure sur un bon planeur. Il lui faut un minimum de 20 CV pour voler correctement sur un avion léger à moteur. Et ces engins, dans leurs évolutions, n'imitent que très imparfaitement le comportement de l'oiseau en vol.

Le règne de l'hélicoptère.

— Depuis cinq ans, dans les bureaux d'études de l'industrie aéronautique du monde entier, l'on s'acharne à concrétiser l'avènement d'une ère nouvelle de l'aviation ; celle de l'hélicoptère, autrement dit celle de la voilure tournante. Nous avons présenté à nos lecteurs, à plusieurs reprises, quelques réalisations françaises ou étrangères dans ce domaine.

L'on a pu constater que le vol de l'hélicoptère imite assez bien le vol de l'oiseau : décollage et atterrissage à la verticale, immobilisation en vol.

L'avènement de la voilure tournante se heurte cependant à un problème majeur : le prix de revient de l'heure de vol.

L'hélicoptère, à moteur à pistons, est un engin très complexe nécessitant une mécanique particulièrement soignée, très délicate et d'un entretien onéreux (1). Il en résulte un certain manque de rentabilité pour des transports aériens ordinaires.

... Et celui de la réaction.

— Mais voici que l'avènement de la propulsion par réaction semble devoir apporter à l'hélicoptère la solution la plus simple et la plus complète pour amplifier son essor.

Nos lecteurs connaissent le fonctionnement du turboréacteur, du turbo-propulseur, du stato-réacteur et enfin du pulso-réacteur (2).

Nous leur avions décrit le fameux hélicoptère à réaction français de la S. N. C. A. S. O. (3). Conception d'avenir, écrivions-nous alors ... En effet, les techniciens de l'état-major américain viennent de dévoiler qu'ils ont commandé plusieurs centaines de petits hélicoptères individuels ... pour leur armée.

L'hélicoptère individuel « Bucke Private ».

— Laissons de côté l'intérêt purement militaire que peut présenter ce nouvel engin. Il est certain qu'il en offrira un beaucoup plus considérable pour des applications civiles.

C'est un engin révolutionnaire propulsé par réaction et qui est fort capable de permettre à l'homme de devenir enfin un homme-oiseau.

Le « Buck Private », tout d'abord, ne pèse que 90 kilogrammes à vide ... C'est certainement le plus léger des appareils aériens pilotés de notre époque.

Son aspect n'a rien de classique ... Une espèce de petit caisson galbé de 250 décimètres cubes forme réservoir de carburant, monté sur trois fourches équipées de roulettes pneumatiques, formant train tricycle d'atterrissage. Sur ce caisson métallique, un siège genre fauteuil de jardin pour le pilote. Boulonnée au caisson, une colonne en forme de « col de cygne » longe l'arrière du dossier pour aboutir au-dessus de la tête du pilote. C'est à cette partie extrême qu'est fixé tout le système de rotation et de commande du rotor de la voilure tournante. Il est d'une simplicité extrême Deux pulso-réacteurs fixés à chacune des deux pâles en assurent la rotation et donc la propulsion de l'appareil. Très sommairement, l'on peut comparer ce mécanisme à celui des « tourniquets » des feux d'artifices populaires, les fusées de poudre faisant fonction de pulso-réacteurs. Ces deux pulso-réacteurs pèsent à eux deux ... une douzaine de kilogrammes. Ils suppriment radicalement tous les organes de transmission et la mécanique compliquée qui caractérise les hélicoptères classiques.

Je n'entreprendrai pas de décrire le fonctionnement de ces pulso-réacteurs puisqu'il semble présenter beaucoup de similitudes avec celui des pulso-réacteurs « Escopettes » de la S. N. E. C. M. A. (4).

Observons toutefois que le rendement des pulso-réacteurs montés sur hélicoptère sera bien supérieur à celui des pulso-réacteurs montés sur planeur léger comme ce fut le cas pour les « Escopettes », le pulso-réacteur de petite puissance se comportant admirablement et donnant son maximum aux grandes vitesses périphériques atteintes par les pales de rotor.

La description de cet extraordinaire petit appareil se terminera en soulignant qu'il est muni d'un empennage vertical relié au caisson par un simple tube léger.

Un manche à balai commandant l'incidence des pales du rotor et une manette à gaz suffisent à commander l'appareil, son pilotage semblerait donc très facile.

Les performances officielles du « Buck Private » n'ont pas été divulguées. Il semble que sa vitesse doit atteindre 100 kilomètres à l'heure. Ce qui ne serait pas si mal pour un homme-oiseau et son plafond plus de 1 000 mètres. L'appareil actuel est équipé de la radio et il emporte du carburant pour une heure et demie de vol (ce carburant peut être de l'essence, du pétrole ou du gas-oil). Son entretien se bornera à changer les clapets à ressort des pulso-réacteurs, toutes les cinquante heures, pour quelques centaines de francs.

En quelques minutes, il peut être démonté avec l'aide de quelques clés et d'un tournevis. Il ne tient alors pas plus de place qu'un de nos modestes vélomoteurs.

Il est fort probable qu'au cours des mois prochains le public français pourra avoir l'occasion de voir évoluer cet appareil sensationnel. D'autre part, certains travaux français dans ce domaine sont sur le point d'aboutir ...

Le règne de la motocyclette de l'air est-il enfin proche ?

Pourrons-nous, demain, être tous des hommes-oiseaux ? Il n'est plus chimérique de l'affirmer.

Maurice DESSAGNE.

(1) Voir numéro de février 1949.
(2) Voir numéro d'août 1949.
(3) Voir numéro de juin 1950.
(4) Voir numéro de juin 1951.

Le Chasseur Français N°665 Juillet 1952 Page 439