Les rêves d'Icare, de Léonard de Vinci, de Mouillard, ne se
réaliseront probablement jamais dans le sens exact de leurs vues.
L'homme est incapable de fournir la force nécessaire à
mouvoir le mécanisme ailé ou simplement les ailes souvent fort astucieuses que
de nombreux précurseurs voulaient lui donner.
L'homme ne sera jamais un oiseau !
Il faut à l'homme pour voler une vingtaine de mètres carrés
de voilure sur un bon planeur. Il lui faut un minimum de 20 CV pour voler
correctement sur un avion léger à moteur. Et ces engins, dans leurs évolutions,
n'imitent que très imparfaitement le comportement de l'oiseau en vol.
Le règne de l'hélicoptère.
— Depuis cinq ans, dans les bureaux d'études de
l'industrie aéronautique du monde entier, l'on s'acharne à concrétiser
l'avènement d'une ère nouvelle de l'aviation ; celle de l'hélicoptère,
autrement dit celle de la voilure tournante. Nous avons présenté à nos
lecteurs, à plusieurs reprises, quelques réalisations françaises ou étrangères
dans ce domaine.
L'on a pu constater que le vol de l'hélicoptère imite assez
bien le vol de l'oiseau : décollage et atterrissage à la verticale,
immobilisation en vol.
L'avènement de la voilure tournante se heurte cependant à un
problème majeur : le prix de revient de l'heure de vol.
L'hélicoptère, à moteur à pistons, est un engin très
complexe nécessitant une mécanique particulièrement soignée, très délicate et
d'un entretien onéreux (1). Il en résulte un certain manque de rentabilité pour
des transports aériens ordinaires.
... Et celui de la réaction.
— Mais voici que l'avènement de la propulsion par
réaction semble devoir apporter à l'hélicoptère la solution la plus simple et
la plus complète pour amplifier son essor.
Nos lecteurs connaissent le fonctionnement du turboréacteur,
du turbo-propulseur, du stato-réacteur et enfin du pulso-réacteur (2).
Nous leur avions décrit le fameux hélicoptère à réaction
français de la S. N. C. A. S. O. (3). Conception
d'avenir, écrivions-nous alors ... En effet, les techniciens de
l'état-major américain viennent de dévoiler qu'ils ont commandé plusieurs
centaines de petits hélicoptères individuels ... pour leur armée.
L'hélicoptère individuel « Bucke Private ».
— Laissons de côté l'intérêt purement militaire que
peut présenter ce nouvel engin. Il est certain qu'il en offrira un beaucoup
plus considérable pour des applications civiles.
C'est un engin révolutionnaire propulsé par réaction et qui
est fort capable de permettre à l'homme de devenir enfin un homme-oiseau.
Le « Buck Private », tout d'abord, ne pèse que 90
kilogrammes à vide ... C'est certainement le plus léger des appareils
aériens pilotés de notre époque.
Son aspect n'a rien de classique ... Une espèce de
petit caisson galbé de 250 décimètres cubes forme réservoir de carburant, monté
sur trois fourches équipées de roulettes pneumatiques, formant train tricycle
d'atterrissage. Sur ce caisson métallique, un siège genre fauteuil de jardin
pour le pilote. Boulonnée au caisson, une colonne en forme de « col de
cygne » longe l'arrière du dossier pour aboutir au-dessus de la tête du
pilote. C'est à cette partie extrême qu'est fixé tout le système de rotation et
de commande du rotor de la voilure tournante. Il est d'une simplicité extrême
Deux pulso-réacteurs fixés à chacune des deux pâles en assurent la rotation et
donc la propulsion de l'appareil. Très sommairement, l'on peut comparer ce
mécanisme à celui des « tourniquets » des feux d'artifices
populaires, les fusées de poudre faisant fonction de pulso-réacteurs. Ces deux
pulso-réacteurs pèsent à eux deux ... une douzaine de kilogrammes. Ils
suppriment radicalement tous les organes de transmission et la mécanique
compliquée qui caractérise les hélicoptères classiques.
Je n'entreprendrai pas de décrire le fonctionnement de ces
pulso-réacteurs puisqu'il semble présenter beaucoup de similitudes avec celui
des pulso-réacteurs « Escopettes » de la S. N. E. C. M. A.
(4).
Observons toutefois que le rendement des pulso-réacteurs
montés sur hélicoptère sera bien supérieur à celui des pulso-réacteurs montés
sur planeur léger comme ce fut le cas pour les « Escopettes », le
pulso-réacteur de petite puissance se comportant admirablement et donnant son
maximum aux grandes vitesses périphériques atteintes par les pales de rotor.
La description de cet extraordinaire petit appareil se
terminera en soulignant qu'il est muni d'un empennage vertical relié au caisson
par un simple tube léger.
Un manche à balai commandant l'incidence des pales du rotor
et une manette à gaz suffisent à commander l'appareil, son pilotage semblerait
donc très facile.
Les performances officielles du « Buck Private »
n'ont pas été divulguées. Il semble que sa vitesse doit atteindre 100
kilomètres à l'heure. Ce qui ne serait pas si mal pour un homme-oiseau et son
plafond plus de 1 000 mètres. L'appareil actuel est équipé de la radio et il
emporte du carburant pour une heure et demie de vol (ce carburant peut être de
l'essence, du pétrole ou du gas-oil). Son entretien se bornera à changer les
clapets à ressort des pulso-réacteurs, toutes les cinquante heures, pour
quelques centaines de francs.
En quelques minutes, il peut être démonté avec l'aide de
quelques clés et d'un tournevis. Il ne tient alors pas plus de place qu'un de
nos modestes vélomoteurs.
Il est fort probable qu'au cours des mois prochains le
public français pourra avoir l'occasion de voir évoluer cet appareil
sensationnel. D'autre part, certains travaux français dans ce domaine sont sur
le point d'aboutir ...
Le règne de la motocyclette de l'air est-il enfin proche ?
Pourrons-nous, demain, être tous des hommes-oiseaux ?
Il n'est plus chimérique de l'affirmer.
Maurice DESSAGNE.
(1) Voir numéro de février 1949.
(2) Voir numéro d'août 1949.
(3) Voir numéro de juin 1950.
(4) Voir numéro de juin 1951.
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