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La taxidermie

Science des embaumements.

La taxidermie est une science relativement récente, ne remontant guère au début du XXe siècle et ayant remplacé l'ancien « empaillage » pour les collections publiques ou privées d'histoire naturelle.

Antérieurement, on se contentait de bourrer de foin les dépouilles de quadrupèdes, de gros serpents et lézards ou de poissons spectaculairement épineux destinés à orner les vitrines de quelques apothicaires.

Aujourd'hui, il existe de véritables naturalistes préparateurs professionnels, mais aussi toute une armée d'amateurs pouvant très facilement, avec un peu d'habileté, conserver les peaux d'animaux ou plantes en leur gardant un aspect vivant. L'outillage nécessaire est des plus simple et réside en des scalpels, pinces, scies, ciseaux, fils de fer et, pour des travaux minutieux, en deux ou trois outils spéciaux, mais restant peu coûteux.

Le bourrage des peaux des animaux utilise fort simplement du coton, de la laine, de la filasse de chanvre ou de lin, la mousse, le foin de mer et ordinaire, la paille, le sparte et le liège, selon qu'il s'agit d'oiseaux petits ou gros, de poissons, de chiens, loups, chats, ours, lapins, chevaux ou animaux plus importants.

Les yeux constituent l'élément le plus difficilement reproductible sur l'animal mort, aussi existe-t-il des fournisseurs spécialistes ayant tout l'assortiment voulu correspondant aux diverses grosseurs, formes, dimensions, couleurs et nuances connues. Cette industrie a de grandes ressemblances avec la technique des émailleurs et, à ce titre, est l'apanage de véritables artistes en yeux animaux artificiels.

Dans une collection, le plus difficile n'est peut-être pas de préparer un animal naturalisé, mais de le conserver en parfait état, en évitant le développement des insectes et des mites susceptibles de l'endommager et encore de provoquer une dessiccation rapide du derme pour empêcher la chute des poils ou des plumes.

On utilise pour cela des « préservatifs » dont les plus faciles à confectionner soi-même sont le savon de Béchueur, la pâte de Létho ou les poudres à base d'arsenic, d'alun, camphre, ammoniac, cobalt ; on utilise encore des bains et liqueurs de Smith, de serpolet, etc. Ces préparations sont simples et il suffit d'en suivre la formule de confection avec des produits de droguistes.

On naturalise surtout des oiseaux dans le Nord de la France et des petits mammifères, serpents, crustacés et poissons dans le Midi. La région parisienne fort paradoxalement réunit surtout le plus grand nombre d'amateurs d'insectes et d'herbiers botaniques.

Pour les oiseaux, il faut vérifier les possibilités de montage : absence de déchirures de la peau, plumes tenant au derme, et tête, queue, bec et ailes sans altération. Ensuite on ouvre et détache délicatement la peau, puis les ailes, ensuite la tête.

On procède alors à de véritables embaumements de ces éléments par application des produits préservatifs et conservateurs. Après séchage, il reste à procéder au remontage et à la reconstitution de l'animal. Il est à remarquer que l'on peut « monter en chair ou en peau », ce qui est une question de choix de simple technique.

Où le véritable sens artistique de l'amateur commence à se faire jour, c'est quand il s'agit de fixer l'animal sur son support définitif en ne lui donnant ni un aspect figé ni une position ridiculement conventionnelle. Certains amateurs réalisent alors de véritables merveilles et, dans un espace restreint, parviennent à reconstituer un des aspects de la nature. Le danger en matière d'oiseaux est de les figurer dans une collection comme en plein vol, car le spectateur occasionnel se demande alors quand ces pièces vont logiquement battre des ailes ... C'est autour d'un nid, sur une branche que les présentations sont toujours les meilleures.

Pour les animaux terrestres, le premier soin à prendre est d'enlever les taches de sang qui maculeraient définitivement la robe. Puis on procède à l'écorchage et à la mise en macération de la peau si la bête est petite. Les poils doivent être dégraissés, puis il faut assouplir les membres et procéder au vidage. Ensuite on dépouille.

Le montage s'effectue facilement, mais demande un tour de main esthétique fort analogue à celui du sculpteur, afin de restituer des formes et mouvements naturels.

Les serpents et lézards demandent des soins plus spéciaux, mais sans difficulté, car il faut faire attention à bien conserver les écailles de la peau avec leurs couleurs très facilement altérables. La naturalisation des poissons est beaucoup plus difficile à la fois en raison de la peau écailleuse et des teintes métalliques reflétant en général de fort belles couleurs. Il faut donc enlever, mais avec beaucoup de soins et précautions, la matière gluante d'englobement et procéder ensuite avec soin et méthode. Devant certaines difficultés de montage nombre d'amateurs préfèrent garder leurs pièces dans un bocal rempli de liqueur préservatrice.

La naturalisation des crustacés est peut-être encore plus intéressante que celle des oiseaux et insectes, car on trouve en eux des motifs ornementaux rarement atteints ailleurs.

La conservation des insectes est aussi simple que connue, sauf en ce qui concerne certains papillons aux écailles alaires particulièrement fragiles au toucher ou perdant rapidement leurs riches ombres et dessins aux couleurs irisées.

La conservation des plantes et végétaux selon la taxidermie est fort différente du mode de confection des herbiers. Pour ceux-ci, on procède à des dessiccations par pressuration entre buvards. On momifie donc par enlèvement de l'eau de constitution, mais la plante n'a plus alors qu'une valeur documentaire et présente un aspect mort incompatible avec une restitution d'histoire naturelle. À cette conservation à l'état sec, on oppose la restitution par reconfection des dimensions et surtout rétablissement des couleurs.

Une branche très spéciale de la taxidermie concerne la conservation des cadavres et surtout des pièces anatomiques humaines pour des fins d'études biologiques. C'est incontestablement la partie la plus ardue, car on ne saurait laisser s'altérer des cellules de muscles, nerfs, etc. Dans les grands laboratoires disposant de moyens puissants, on préfère pour cette destination procéder à des congélations à cœur et mise ensuite en chambres froides.

Quand on effectue une naturalisation d'animal, on doit s'abstenir de remonter dans son intérieur son squelette. C'est en effet d'abord une opération compliquée et difficile ; ensuite, en procédant au remontage séparé, on acquiert une seconde pièce documentaire dont l'intérêt est encore plus grand scientifiquement.

Les préparations ostéologiques sont totalement différentes des préparations dermiques. Les os recueillis avec grand soin doivent être mis à macérer, puis à bouillir et enfin blanchis.

La difficulté artistique commence seulement avec le remontage, qui demande un minimum de connaissances anatomiques, car il faut remettre chaque os en sa place naturelle et ne pas commettre d'impair comme pour ce crocodile d'un des plus beaux muséums d'Europe qui tourne la tête latéralement, ce qui lui est impossible en vie, ou ces serpents qui, à Lyon et Lille, ondulent verticalement contre toute vraisemblance anatomique.

Enfin des amateurs naturalistes ont dernièrement mis au point un procédé de conservation des animaux et plantes beaucoup moins manuel et infiniment plus scientifique.

Il consiste en la « galvanisation des cadavres », et, par ce dernier mot, il faut entendre le terme au sens large, c'est-à-dire concernant tout ce qui est mort après avoir été vivant.

Le principe basal de toute conservation naturaliste est d'empêcher des fermentations tissulaires provoquées par le contact de l'eau de constitution avec l'air.

On a donc songé à transporter des particules de métaux par le mode galvanique afin de constituer autour des chairs animales ou des tissus végétaux des enrobements totalement étanches. Le procédé est du reste très ancien puisque déjà les Égyptiens confectionnaient des masques en fines feuilles d'or venant s'appliquer étroitement sur les visages de leurs momies.

Il existe d'ailleurs dans un îlot de la lagune de Venise un couvent arménien de Mékitatistes qui conserve depuis plus d'un siècle de la sorte ... le corps galvanisé à l'or du maréchal d'Empire Marmont, duc de Raguse, selon la volonté du défunt exprimée en 1842 au supérieur de la communauté.

S. LAJOUSE.

Le Chasseur Français N°665 Juillet 1952 Page 440