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Le canoé

Les côtes de France

Août étant la période de pointe pour les vacances que beaucoup de Français aiment passer au bord de la mer, n'est-il pas agréable de posséder une embarcation légère que l'on met à l'eau en bordure même de la plage et que l'on utilise pour le bain ou de courtes promenades aux environs du lieu de séjour ?

Beaucoup limiteront là leurs ambitions nautiques et le canoé fera partie, pour eux, des accessoires de vacances au même titre que la raquette de tennis ou les engins de pêche. À ceux-là, quel que soit le lieu où ils séjourneront, nous recommanderons la prudence, sachant qu'ils n'ont certainement aucune idée des dangers qui les guettent, que leur bateau n'est pas équipé pour naviguer en mer et qu'ils n'ont probablement pas pris la peine d'apprendre à le bien manœuvrer. Amusez-vous bien, mes amis, rôtissez au soleil, laissez-vous bercer par la vague qui vient mourir sur le sable, jouez avec elle, mais restez toujours, suivant vos capacités, à portée de brasse ou de crawl de la plage hospitalière.

D'autres verront dans le canoé le but de leurs vacances. Ils auront fait l'acquisition d'un bateau particulièrement apte à naviguer en mer, l'auront gréé d'une voilure convenable et, sachant le manœuvrer, tant à la voile qu'à la pagaie, espèrent faire autre chose que la débonnaire trempette dans la zone surveillée d'une plage familiale.

Parmi cette catégorie de purs canoéistes, ceux qui, en toute liberté, peuvent disposer d'eux-mêmes, tireront de la croisière côtière le maximum de satisfaction. En dehors des problèmes déjà exposés concernant l'équipement et la préparation, il reste une question majeure, souvent délicate à résoudre : le choix du parcours. Les côtes françaises sont importantes et variées, mais de nombreuses portions sont impropres à la navigation en canoé, par manque d'intérêt touristique ou présentant trop de danger pour une aussi petite embarcation.

Pour les moins favorisés, astreints aux vacances sédentaires souvent par obligations familiales, le choix est aussi délicat.

En effet, certains points sont dangereux, en dehors d'une zone très limitée où les baigneurs sont à l'abri. Ailleurs, et c'est le cas des longues plages découvertes que les enfants affectionnent, l'intérêt de la navigation est nul : pas le moindre rocher ou îlot, peu de repères ; que vous longiez la cote à gauche ou à droite, le paysage est aussi monotone.

Par contre, une portion de côte découpée, surtout s'il s'agit d'un golfe de faible largeur, la présence d'îles ou d'îlots offriront des buts de promenades qui permettront une navigation intéressante. La proximité d'un port fréquenté par de petits voiliers susceptibles d'évoluer avec vous constitue un attrait supplémentaire et un élément de sécurité. Un coup d'œil rapide sur la carte de France va nous permettre, en procédant surtout par élimination, d'aider les canoéistes désireux de naviguer en mer.

Les côtes de la Manche, du Pas-de-Calais à la baie du Mont-Saint-Michel, présentent une succession de longues plages découvertes ; les abris naturels, les régions pittoresques sont rares et y entreprendre une croisière en canoé n'offrirait aucun intérêt, mais beaucoup de danger. Nous signalerons seulement l'embouchure de l'Orne, où les amateurs de yachting léger sont nombreux, et les îles Chausey, qui peuvent être un excellent lieu de séjour pour des canoéistes très expérimentés et très prudents.

La côte nord de Bretagne se présente sous un aspect très différent ; elle est rocheuse et offre, avec des baies profondes, une quantité de criques, de petites plages abritées, d'îles et d'îlots proches du rivage. Depuis l'embouchure de la Rance jusqu'à Roscoff, mais de préférence en sens inverse en raison des vents dominants, il est possible de parcourir, en croisière, une portion plus ou moins importante de cette côte pittoresque. Les sédentaires n'auront que l'embarras du choix ; partout ils trouveront des plages abritées, des buts de promenade et généralement une grande animation nautique entretenue par de nombreux clubs de yachting. À leur intention, nous citerons en particulier : l'estuaire de la Rance, les baies de Saint-Brieuc et de Morlaix et, tout particulièrement, l'île de Bréhat.

Il ne saurait être question d'entreprendre une croisière le long des côtes du Finistère, où seules les rades de Brest et de Douarnenez offrent des points de séjour agréables. On ne pourra envisager la navigation côtière qu'à partir de l'embouchure de l'Odet. La côte sud de Bretagne offre le même attrait que la partie nord avec l'avantage d'un climat meilleur. Les lieux de séjour convenant le mieux au canoéiste sont : l'embouchure de l'Odet et la baie de Concarneau, la baie de Quiberon, le golfe du Morbihan, où, d'une île à l'autre, les buts de promenade sont variés à l'infini ; la baie de La Baule. Belle-Île est effectivement une très belle île, mais les conditions de navigation y sont très dures.

Entre la Loire et la Gironde, la croisière n'est pas à conseiller en dehors des rivages abrités des îles de Noirmoutier, Ré, Oléron et des baies qu'elles protègent. Ensuite, jusqu'à l'Espagne, il est absolument impossible de naviguer en canoé en dehors du bassin d'Arcachon qui est un lieu de séjour privilégié.

Très différente est la Méditerranée. En contrepartie de l'absence de marée et du climat qui lui offrent des avantages certains, le canoéiste aura à redouter les brusques changements de temps. De Marseille à l'Italie, la croisière est possible, bien que les parties de côte dépourvues de points d'abordage soient fréquentes. Profondément découpé, le littoral offre une variété de lieux de séjour intéressants. À l'ouest de Marseille toute la côte est à éliminer, hormis la faible portion voisine de la frontière d'Espagne jusqu'à Collioure.

Mais, pour un canoéiste, c'est en Corse que la mer est la plus belle ; nulle part il ne trouvera des sites plus grandioses qu'entre le cap Corse et Bonifacio, une nature aussi sauvage et surtout ... le charme de l'aventure.

G. NOËL.

Le Chasseur Français N°666 Août 1952 Page 479