La greffe en écusson ou écussonnage est, parmi
les méthodes de greffage utilisées pour multiplier nos arbres fruitiers, l'une
des plus sûres et des plus rapides.
Ici, le greffon est, non plus un rameau comme pour la
plupart des greffages de printemps, mais simplement un œil ou bourgeon porté
par un lambeau d'écorce ayant plus ou moins la forme d'un écusson.
Pour les arbres fruitiers, on greffe en écusson le plus
généralement vers la fin de l'été, alors que le jeune sujet à greffer est
encore en sève, de telle façon que son écorce se détache facilement du bois.
C'est l’écussonnage à œil dormant.
Choix et préparation des greffons.
— Le rameau sur lequel sont prélevés les écussons est
un rameau de l'année en cours d'allongement. Il est détaché fort peu de temps
avant d'être utilisé et on n'en conserve que la portion médiane, qui n'est plus
herbacée et n'est cependant pas encore du bois. C'est sur cette portion que se
trouvent en général les yeux les mieux constitués (fig. 1).
Pour éviter un dessèchement rapide du rameau, qui le
rendrait inutilisable quelques heures seulement après son prélèvement, on
supprime aussitôt les feuilles, ne laissant subsister qu'une petite partie du pétiole
de chacune d'elles (fig. 2). Lorsque, à la base de la feuille, existent
des stipules, on les enlève également.
Ainsi préparé, le rameau est placé à l'ombre et au frais. On
devra l'utiliser dès que possible. Cependant, en enveloppant des
rameaux-greffons dans un linge mouillé ou en les plaçant au milieu d'une
poignée d'herbe, ou encore dans la mousse humide, on peut les conserver
vingt-quatre heures, et même un peu plus s'il s'agit de rameaux de poirier ou
de pommier.
Préparation des sujets à écussonner.
— Comme nous le disions plus haut, le sujet doit être
en sève. Quand cette condition est remplie, on s'en rend aisément compte en
examinant l'extrémité des pousses, qui doivent continuer à s'allonger. Si, au
contraire, la végétation est interrompue, on risque de ne pouvoir lever
l'écorce. Il est alors possible d'obtenir un regain de végétation en donnant
soit un bon binage si le sol recèle encore un peu de fraîcheur, soit un ou deux
arrosages après avoir couvert le sol d'un paillis au pied de chaque sujet. On
peut ainsi opérer quelques jours plus tard.
L'emplacement où sera, sur le sujet, placé l'écusson doit
être, au préalable, débarrassé des ramifications qui peuvent s'y trouver. Cette
suppression doit intervenir au moins un mois avant l'écussonnage, afin de ne
pas apporter de perturbation dans la circulation de la sève au moment où on
l'effectue.
Parfois, et surtout pour les sujets à basse tige très
ramifiés, on relève les branches et on les maintient rassemblées au moyen d'une
attache que l'on enlève lorsque le greffage est effectué.
Exécution de l'écussonnage.
— L'outil le plus pratique est le greffoir spécial dit
« écussonnoir », comportant une lame et une spatule en ivoire, cette
dernière servant à soulever l'écorce.
a. Levée de l'écusson.
— Sur le rameau porte-écusson, on marque les bords
supérieur et inférieur de l'écusson par deux traits de greffoir tranchant l'écorce,
l'un à un centimètre au-dessus, l'autre à un centimètre et demi au-dessous de
l'œil. Puis, partant du haut, on glisse la lame du greffoir sous l'écorce, en
la faisant pénétrer jusqu'à l'aubier, jusqu'au trait inférieur. L'écusson se
trouve ainsi détaché. Au revers, il reste un peu de bois sous l'œil ; ce
faisceau libéro-ligneux, que les praticiens appellent le germe de l'œil,
doit être soigneusement conservé. Sans lui, pas de végétation possible. Toutefois,
si la partie boisée est trop importante, il est préférable de l'enlever, en la
prenant par le sommet et la détachant vivement sans enlever le germe (fig. 3).
Les greffeurs débutants craignent souvent de laisser trop de
bois et ne prennent, en levant l'écusson, qu'une partie de l'épaisseur de
l'écorce. Un tel écusson, même bien posé ensuite, ne peut se souder, puisque la
soudure ne peut se faire que par l'aubier des parties mises en contact et que,
dans l'écusson, l'aubier manque alors précisément.
b. Mise en place de l'écusson.
— L'écusson étant levé, on pratique sur le sujet, à
l'emplacement choisi, une incision transversale, puis une autre longitudinale,
ces deux incisions tranchant l'écorce et pénétrant jusqu'à l'aubier (fig. 4).
Avec la spatule du greffoir, on soulève l'écorce au point de jonction des deux
incisions et on y introduit aussitôt l'écusson, que l'on fait glisser jusqu'à
la partie inférieure de l'incision longitudinale.
c. Ligature de l'écusson.
— Il est nécessaire de maintenir les parties en
contact, pour favoriser la soudure et en même temps pour préserver la greffe de
l'action des intempéries. C'est pourquoi on applique une ligature dès que
l'écusson est en place. La laine, le raphia, la feuille de spargaine sont les
ligatures les plus couramment utilisées. Pour ligaturer, on commence par le
haut et on descend jusqu'à la partie inférieure du trait en faisant des tours
de spire assez rapprochés pour ne pas laisser d'intervalle entre eux et en
serrant un peu plus fort, mais sans exagérer cependant, au-dessus et au-dessous
de l'œil-écusson. On termine en faisant une ou deux demi-clés pour arrêter la
ligature (fig. 5).
Époque la plus favorable.
— Elle varie quelque peu selon les sujets à écussonner,
ceux-ci restant en sève plus ou moins longtemps en été. En principe,
l'opération doit se faire huit à dix jours avant l'arrêt de la sève. C'est
ainsi que, dès le 25 juillet, on doit écussonner le merisier, porte-greffe
du cerisier, et le prunier Saint-Julien, porte-greffe du prunier, du pêcher et
de l'abricotier. Dans les tout premiers jours d'août, on écussonnera le poirier
franc. Vers la mi-août, le cognassier, porte-greffe du poirier. Du 20 au 25 août,
les pommiers franc, doucin et paradis, porte-greffes des pommiers. Et enfin,
dans les derniers jours d'août ou les premiers jours de septembre, l'amandier,
porte-greffe du pêcher.
Soins après l’écussonnage.
— Aussitôt après l'opération, il convient de donner une
légère façon superficielle au sol piétiné par le greffeur.
Quelques semaines plus tard, on passe en revue les greffes
pour desserrer les ligatures qui pourraient étrangler le sujet. Cette
précaution est surtout indispensable pour les poiriers et pommiers francs, qui
grossissent beaucoup à l'arrière-saison.
Après l'écussonnage à œil dormant, on ne fait aucune taille
sur le sujet avant l'hiver. C'est seulement vers février, mais en tout cas
avant le départ de la végétation, que celui-ci sera coupé à 10 centimètres
environ au-dessus de la greffe. L'onglet ainsi conservé servira, dans le cours
de la belle saison, à attacher la jeune pousse d'écusson. Il sera retranché
vers la fin de l'été : c'est ce que l'on appelle le désonglettage.
E. DELPLACE.
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