La pensée est l'une des plantes qui présentent la plus
grande variété dans les coloris de leurs fleurs, coloris dont le nombre tend
sans cesse à s'accroître et à se modifier.1L>
La disposition des couleurs dans les pensées donne souvent à
ces fleurs l'aspect d'un masque. Pour les plantes de choix, la règle générale
de cette disposition est la suivante : une couleur claire au centre,
occupant approximativement le tiers de la largeur de la fleur, avec des taches,
des yeux ou des macules sur les pétales latéraux et sur l'inférieur, tandis que
le reste de la fleur et les pétales supérieurs sont de couleur tranchée et
foncée.
Parmi les nombreuses races cultivées, quelques-unes sont
unicolores ou presque dans les teintes blanche, jaune, rose, chamois, bleu
clair, bleu foncé, marron, pourpre, noir velouté ; d'autres, et c'est le plus
grand nombre, ont des fleurs masquées sur fond blanc ou jaune ; d'autres
encore sont cuivrées, mordorées, bronzées, veinées, striées, panachées ou
nuancées de diverses façons et présentent les combinaisons de couleurs les plus
inattendues. Enfin, certaines sont oculées ou maculées sur trois ou sur les
cinq pétales, c'est-à-dire présentent une large tache ou un œil de couleur
foncée, se détachant avec une parfaite netteté sur un fond clair. Ces
dernières, dites pensées à très grandes macules, sont actuellement les
plus recherchées.
Extrêmement répandues dans les jardins, les pensées peuvent
servir à former des bordures et des corbeilles superbes, surtout lorsque l'on a
su habilement mélanger et combiner les couleurs. On en orne les plates-bandes,
et on peut également en faire la culture en pots et sur les fenêtres, etc. Les
variétés unicolores blanche, violette, bleu clair, bleu foncé et noire sont
recherchées pour orner les tombes à l'automne et surtout au printemps. Elles
sont encore cultivées aux environs de la capitale et des grandes villes pour la
vente en fleurs coupées destinées à la confection des bouquets. La floraison,
qui débute en avril, peut, après avoir subi une éclipse pendant les chaleurs,
se prolonger jusqu'en septembre. Il arrive toutefois souvent qu'en juin-juillet
les pensées sont attaquées par un champignon microscopique, sorte d'oïdium, qui
les fait paraître comme couvertes d'une moisissure ou poussière d'un blanc
grisâtre et d'aspect désagréable.
En règle générale, les fleurs les plus remarquables comme
ampleur, beauté du dessin et vivacité des coloris sont celles qui
s'épanouissent les premières. Plus les touffes prennent de force, plus les
fleurs sont nombreuses, et moins elles sont grandes et bien colorées. C'est
pour cette raison que l'on recommande de ne recueillir de graines que sur les
premières fleurs et de semer de bonne heure à la fin de l'été, de façon à
obtenir la floraison dès le début du printemps, et pour que celle-ci puisse
s'effectuer en partie avant l'arrivée des grandes chaleurs.
Culture.
— Ordinairement cultivée comme bisannuelle, la pensée
est rustique ; elle pousse en tous terrains et à toutes les expositions et
ne semble craindre que l'ombrage et l'excès d'humidité. Elle réussit,
toutefois, d'autant mieux qu'elle est cultivée en sol fertile et bien travaillé
et à une exposition bien aérée et bien éclairée. On recommande de donner, de
temps à autre, un arrosage avec de l'eau dans laquelle on aura fait macérer,
pendant quelques jours, du fumier ou de la bouse de vache. Il est également
utile, pour avoir des fleurs plus grandes et plus étoffées, de ne laisser que
quelques tiges sur chaque plante et de pincer l'extrémité des ramifications
pour limiter également le nombre de fleurs sur chaque tige.
Bien-que la pensée puisse se multiplier par boutures ou par
division des touffes, le procédé de multiplication le plus usité et celui qui
donne les meilleurs résultats est le semis. On sème ordinairement de juillet à
septembre, en pépinière, à bonne exposition, en terre saine et légère. Dès que
les jeunes plantes ont quelques feuilles, on les repique en pépinière, dans une
planche bien exposée, en les espaçant suffisamment pour que l'on puisse plus
tard les déplanter en mottes. La transplantation dans les endroits où elles
devront fleurir se fait préférablement à l'automne, en octobre-novembre.
Cependant, en sol humide, on retarde parfois cette transplantation jusqu'au
printemps. Les plantes sont espacées de 20 à 25 centimètres dans les corbeilles
et plates-bandes où on n'en escompte que la floraison de printemps, tandis
qu'on les distance de 30 à 40 centimètres dans les plantations où l'on désire
les voir durer jusqu'en été.
Il arrive assez souvent que les plantes provenant des semis
de juillet, c'est-à-dire des premiers, commencent à fleurir dès l'automne. Il
est bon, si l'on ne tient pas de façon particulière à cette floraison
anticipée, de pincer les tiges florales de façon à favoriser la ramification
des plantes qui, ainsi, formeront de plus belles touffes au printemps.
Si, au contraire, on veut avoir des pensées bien fleuries en
octobre, il est nécessaire de faire le semis en fin juin ou début de juillet,
en pépinière à mi-ombre, et de repiquer les plantes, dès qu'on le peut, dans un
endroit aéré et ensoleillé.
Les gros pieds de pensée produisent à leur base de nombreux
rejets qui portent de petites racines. En séparant ces rejets et en les
replantant, comme s'il s'agissait de jeunes plantes provenant de semis, on
obtient ordinairement une bonne reprise ; c'est par ce procédé, ainsi que
par le bouturage, que l'on reproduit fidèlement les variétés remarquables
obtenues par graines. Toutefois, la conservation de ces plantes nécessite, sous
le climat de Paris, quelques soins spéciaux et parfois un abri en hiver.
Le bouturage est aussi parfois pratiqué dans le même but. On
l'effectue à la fin de l'été ou au commencement de l'automne, ainsi qu'au
printemps. Les boutures faites au printemps donnent généralement, à l'automne,
une assez belle floraison.
Pour les variétés méritantes que l'on désire garder d'une
année à l'autre, la culture pourra se faire en pots, dans une terre formée par
tiers de bonne terre de jardin, de terreau de feuilles et de bouse de vache, à
laquelle on ajoute un peu de poussier de charbon de bois. Les pots sont placés
pendant l'hiver sous châssis, en plein soleil, près du vitrage. On donne
beaucoup d'air, et on arrose modérément. Si les rameaux s'allongent trop malgré
tout, on en pince l'extrémité.
Ce procédé de multiplication n'est d'ailleurs employé que
dans de rares exceptions et sous des climats tempérés.
E. DELPLACE.
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