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La chasse sous terre

Son ersatz, les épreuves au terrier artificiel.

M. de Kermadec, dont on lit toujours les chroniques avec le plus vif intérêt parce qu'elles représentent le bon sens français le plus pur et, aussi, parce qu'elles émanent d'un vrai chasseur auquel rien de ce qui touche au noble sport — chasse, chiens, armes, — n'est étranger, a écrit les lignes suivantes, qui méritent de retenir l'attention, dans son article intitulé : « Terriers anglais de Chasse sous terre », paru dans le n°660 de février 1952 :

« La chasse sous terre au moyen de chiens terriers était encore prospère il y a peu d'années. Si on en juge d'après le nombre de chiens terriers de travail figurant aux expositions, ce sport paraît avoir moins d'adeptes. Les autres moyens de destruction, tels que pièges, poison et gaz toxiques, sont de plus en plus employés. Mais pourquoi se désintéresse-t-on d'un sport véritable, comportant beaucoup de savoir-faire et, par cela, plein d'intérêt ? »

Suit une description et une critique des diverses variétés de terriers.

Ce n'est certes pas moi qui critiquerai le principe des épreuves au terrier artificiel ; je ne sais quel en fut l'instigateur, du moins en France ? À ma connaissance, la première de ce genre eut lieu vers 1900, à Montdidier, où fut inaugurée l'Exposition canine d'un seul jour qui, depuis, s'est généralisée. Elle a pour but de mettre en valeur les qualités de chasse sur renards et blaireaux des diverses variétés de chiens terriers. En réalité, depuis leur création, l'on n'y voit figurer que des fox, qui sont les plus nombreux et, à côté, quelques teckels, alors que les espèces de terriers, comme les énumère M. de Kermadec, sont impressionnantes par leurs formes et leurs variétés. Tel possesseur de chiens terriers serait bien étonné si on lui expliquait que son ou ses animaux peuvent, et devraient, être autre chose que l'ornement d'un salon et que, ne pas les employer à ce à quoi ils sont destinés, c'est rendre à leur race un bien mauvais service en en faisant disparaître les qualités.

Il n'est pas besoin d'insister !

Souvent, j'ai entendu l'objection suivante : « J'ai payé mon chien un gros prix, ce n'est pas pour le faire démolir à la chasse sous terre ... » Déjà, il est possible de constater la méconnaissance des principes de cette chasse. L'on s'imagine que plus un chien est mordant, meilleur il est ! Un chien par trop mordant ne fait guère preuve d'intelligence et, au surplus, il n'est pas destiné à faire une bien longue carrière. C'est absolument comme si, dans un vautrait, l'on n'estimait que les chiens se jetant à corps perdu sur le sanglier au ferme avec, en plus, cette différence que, sur terre, le chien a plus d'espace, alors que dans un boyau étroit comme le sont la plupart des conduits le chien doit se tenir à plat, les pattes repliées sous lui. Le vrai bon chien doit d'abord trouver son animal, puis, en se gardant de toute blessure, arriver à le mettre à l'accul et à l'empêcher d'en bouger avant la prise finale. Bref, si l'on peut s'exprimer ainsi, avoir une sorte d'ascendant moral. Le chien attaquant sans arrêt est souvent blessé, vite fatigué ; il est obligé de sortir, ce qui permet au renard de changer de place et contraint à de nouvelles tranchées ; quand il s'agit de blaireaux, pendant le temps où l'on est obligé de remplacer le chien, ils s'empressent de se contreterrer et c'est vite fait. Un chien qui retrouve un blaireau contre terré est un as, et l'expression reste encore en dessous de la vérité, car combien y en a-t-il ?

Je reconnais un grand mérite au terrier artificiel, c'est d'avoir obligé les chiens à revenir à une taille plus raisonnable, c'est-à-dire à celle qui autorise le chien à pouvoir pénétrer dans les boyaux normaux des terriers de renards et de blaireaux ; avant ces épreuves, d'année en année, la taille des fox grandissait et il n'y avait aucune raison pour la voir s'arrêter. Qui est en mesure de pouvoir affirmer qu'un airedale, par exemple, est encore capable de terrer ?

Autre bon point à l'actif des épreuves au terrier artificiel, si je m'en rapporte aux comptes rendus, c'est de nous avoir révélé des teckels de premier ordre, dignes de figurer au premier rang d'un petit équipage de déterrage. L'on sait, en effet, que l'un des reproches faits anciennement aux teckels c'était leur excès de prudence, un peu trop de lymphatisme si l'on veut. Comment a-t-on combattu ce défaut ? Je l'ignore ; on avait le choix entre une sévère sélection ou une infusion de sang étranger ; quel est le parti qui a été choisi comme le plus avantageux ? Moi-même, j'avais fait l'acquisition dans l'Est de teckels, jadis, mais ne les ai jamais trouvés bien extraordinaires ; le regretté Huge avait sélectionné des poils durs en ce sens et avait obtenu certains résultats on aurait fait beaucoup mieux désormais ; acceptons-en l'augure. Toujours, suivant l'opinion autorisée de M. de Kermadec, j'estime très heureuse la formule physique du « sealyham » ; mais il est encore assez peu répandu et, de là à pouvoir juger de la généralité des qualités morales, il y a une certaine marge. Ce chien serait donc une sorte de compromis pour la chasse entre le fox et le teckel ?

Puisque nous sommes sur le chapitre des compliments, disons encore que ce genre d'épreuves peut servir à déterminer les qualités d'un élève, de manière à éliminer dès le début les sujets inaptes. Le Dr Granderath, dans son ouvrage Le dressage du chien, fait débuter ses élèves sur des animaux encagés : chats, furets, etc. Les essayer au terrier artificiel semble plus normal. Disons, enfin, qu'il faut une bonne dose de courage à un chien pour se glisser dans un terrier et aller attaquer, seul, un ennemi qu'il sait beaucoup plus puissant que lui et possédant cet avantage d'être dans son domaine, dont il connaît tous les tours et détours.

Mais je crois qu'il serait peut-être assez intéressant de modifier le processus des épreuves au terrier artificiel. Évidemment, le passage du chien à vide donne une indication sur la nervosité du chien et son équilibre ; mais, tels les chiens qui arrêtent les terriers où se trouvent des lapins, sans se préoccuper de ceux qui sont vides, des furets routinés n'entrant pas dans des terriers inhabités, ne serait-il pas intéressant de laisser faire le chien et de voir s'il entrerait ou non, après inspection des bouches ? Il y aurait là une preuve de nez.

D'autre part, l'épreuve à la grille est de nature à dérouter les meilleurs chiens de déterrage en les mettant en présence d'une situation inhabituelle dans la réalité. Mais ceux qui ont suffisamment déterré savent parfaitement que si l'on utilise des hommes sérieux, aimant leur métier, ils ne lâcheront jamais, quelle que puisse être la longueur du travail, mais sous la condition expresse qu'ils soient sûrs de leurs chiens. Si, une seule fois, il leur arrivait de finir sur un lapin, par la faute du chien, vous verriez leur ardeur singulièrement disparaître, en admettant même qu'ils acceptent jamais, dans l'avenir, de vouloir vous servir d'aides ; c'est là un des gros écueils que l'on est exposé à rencontrer. Il faudrait donc, au lieu de la fameuse grille, mettre dans un endroit quelconque du terrier un lapin, lui aussi protégé ; ce serait là un critérium de la sûreté des concurrents.

Ces terriers sont généralement à plat, c'est-à-dire offrant un minimum de difficultés ; plus accidentés intérieurement, offrant plusieurs circuits variés ; on verrait la rapidité de découverte du chien, qui devrait choisir. Et, fréquemment aussi, les dimensions intérieures sont trop grandes, comme hauteur et largeur ; un renard passe là où un chien a beaucoup de mal à se faufiler.

Donner la palme au chien qui « sort » le renard, voire le blaireau, ne donne pas un aperçu des vraies qualités de chasse ; je reconnais, avec la plus grande modestie, du reste, n'avoir jamais vu un chien sortir du terrier, ni un renard, ni, à plus forte raison, un blaireau, pendant le nombre de lustres où j'ai été amené à pratiquer cette chasse !

Je reviendrai sur cette question des renards et des blaireaux ultérieurement, car je crois que la réputation de ruse du renard lui a été value en partie par Gœthe, dans son ouvrage, où il le qualifie de « Reineke ».

M. Villenave estime que la pelleterie récolte annuellement en France environ 40.000 renards de plaines et 20.000 renards de montagne. Ce dernier est infiniment plus fort que l'autre et doit être un adversaire avec lequel les chiens doivent avoir à compter. En verra-t-on un jour en épreuves ?

Jacques DAMBRUN.

Le Chasseur Français N°667 Septembre 1952 Page 530