À l'heure actuelle, le public se passionne de plus en plus
pour le bateau en matière plastique.
Aux U. S. A., certaines firmes rivalisent de
virtuosité et, chaque jour, les dimensions du bateau ne cessent de croître ;
elles sont arrivées à créer, par moulage d'un seul bloc, des coques allant
jusqu'à 100 pieds de long.
Jusqu'ici, chez nous, seule la littérature nous est parvenue
sur l'utilisation de plus en plus grande des bateaux en matière plastique, et
ce en vertu de leurs qualités et de caractéristiques propres, qui les rendent
aptes à un très long service, sans nécessiter pratiquement aucun frais
d'entretien. En effet, ces bateaux, de par leur contexture (résines polyester
et tissus de verre diversement orientés), ont une structure qui leur confère
une résistance à toute épreuve : module de flexion très élevé, résistance
au choc, à l'abrasion, ainsi qu'aux agents de vieillissement. D'autre part, ils
sont beaucoup plus légers que les bateaux construits en matériaux
ordinaires ; ils ont une bonne stabilité et enfin, grâce à cette légèreté,
leur vitesse se trouve augmentée de 15 à 20 p. 100. Leur tenue en eau de
mer, leur résistance aux tarets et aux séripèdes les prédestinent aussi à la
navigation fluviale dans les pays tropicaux, ainsi qu'en mers chaudes. De plus,
leur poli spéculaire rend les coques réfractaires aux salissures et algues
marines.
Jusqu'à maintenant, en France, nous n'avons vu encore qu'une
floraison de littérature s'étendant sur la construction de telles petites
unités (youyous, dinghys, canetons) ; mais aucune coque n'a encore vu le
jour, et ce en raison de difficultés techniques posées par un problème aux
données plus complexes que la lecture ne le laissait supposer !
Une société anglaise a déjà mis en construction des
prototypes de ces petites unités répondant, par leurs caractéristiques, à
celles construites par les Américains.
Chez nous, une firme vient de mettre en chantier une
première série de « youyous » de 3m,50, de vedettes
rapides de 6m,60, aptes à tout faire, destinées tant à la pêche en
mer qu'à la promenade ou à la chasse. Ces embarcations peuvent aussi, en raison
de leur légèreté, prendre place sur le toit d'une voiture.
La méthode de construction généralement employée est celle
du moulage à basse pression ou d'imprégnation par le vide : les fibres de
verre disposés entre les moules sont imprégnés de résine par succion. Presque
tout le secret du succès réside dans la fabrication des moules mâle et femelle.
Le mâle est fait plus petit que la femelle, laissant entre eux l'épaisseur de
la coque finie. Le moule mâle, représentant la forme exacte de l'intérieur de
la coque, est rigide et solide, mais le moule femelle est légèrement flexible
pour permettre aux moules de reposer parfaitement l'un sur l'autre sous l'effet
de la pression. Des rainures pour les membrures et toutes les fentes pour les
courbes et les renforts sont découpées dans le moule mâle. Il est aussi muni
dans sa partie inférieure d'une rigole étanche chargée de recevoir la résine
liquide. Il y a plusieurs tuyaux d'aspiration au sommet du moule femelle.
Chaque tuyau, muni d'un regard, est réuni à un purgeur commun, et un seul tuyau
va du purgeur à la pompe à vide. Les matériaux essentiels utilisés sont le
verre et la résine, à la manière d'un sandwich dont le verre tissé forme le
pain. Quand tout est prêt, le moule femelle est abaissé doucement et fixé sur
le mâle. Le mélange de résine est versé dans la rigole. On met la pompe en
marche, et le moulage commence. Le vide est maintenu jusqu'à ce que le mélange
de résine se solidifie. On laisse la coque sécher pendant deux heures environ,
puis on retire le moule femelle pour laisser la coque finie sur le moule mâle.
On enlève celui-ci, et le séchage continue jusqu'à ce que le verre ait acquis
toute sa résistance au bout de soixante-douze heures environ. La coque est
terminée. Nul besoin de poncer ou de peindre. À l'état naturel, elle est d'un
blanc liquide pâle, translucide. On peut ajouter une couleur au mélange de
résine avant moulage, et la coque devient opaque. La coque est ainsi faite d'un
matériau qu'on peut percer, entailler, scier, et qui est pratiquement
indéformable.
Ce matériau et ce moyen de construction permettent de sortir
de petites coques légères, bon marché et durables. En ce qui concerne le prix,
il est difficile, à l'heure actuelle, de pouvoir fixer un chiffre. Il nous faut
donc attendre la sortie en série d'unités destinées à tous les usages pour
savoir si cette nouvelle formule va permettre de toucher le grand public et de
rendre populaire un sport apprécié de tous et, d'après les renseignements que
nous avons, nous sommes en droit d'espérer, dans un temps relativement court,
voir évoluer chez nous aussi le bateau en matière plastique.
A. PIERRE.
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