Le grand public attribue au très célèbre Alphonse Bertillon
la découverte et l'utilisation à des fins policières des empreintes digitales.
La vérité est tout autre. Bertillon avait conçu les règles
de l'anthropométrie générale, et il redoutait justement que l'école adverse
n'imposât uniquement et exclusivement l'utilisation des empreintes digitales.
La connaissance des empreintes digitales est extrêmement
ancienne. Dès la préhistoire on en retrouve la preuve dans l'usage pour
l'ornementation des parois de cavernes, en particulier aux grottes d'Altamira
en Espagne, aux tumulus de Gavrinis dans le Morbihan et en bien d'autres
endroits. Les aspects des crêtes papillaires y sont extrêmement nets.
En Chine, dès le VIIe siècle, l'empreinte
digitale sert à la signature de documents officiels, et cette pratique y a été
conservée encore dans les temps actuels. Le fait le plus marquant résulte de ce
que nombre d'œuvres d'art, de laques en particulier, sont signées non
graphiquement, mais par l'empreinte digitale du pouce.
Loin d'appartenir à Bertillon, la découverte de l'importance
des empreintes digitales revient à Malpighi, et elle remonte à 1686. Toutefois,
ce n'est qu'en 1819 que le Tchèque Purkinje en établit une classification
rationnelle. Depuis, maints travaux ont été effectués, et l'importance des
empreintes digitales est surtout connue pour la recherche et l'identification
des malfaiteurs. C'est ce que l'on nomme la « dactyloscopie ». Il ne
faut pas la confondre avec la « digitoscopie » qui dépasse le cadre des
seules empreintes papillaires et comporte l'examen de tout le doigt, pris soit
seul, soit dans l'ensemble des cinq terminant la main.
Un des caractères essentiels de ces empreintes digitales est
d'être stable et permanent. Elles apparaissent durant la vie fœtale et ne
subiront aucun changement jusqu'à la mort. Ni l'usure, ni l'âge ne les
altèrent, et, en cas de blessure, elles se reconstituent identiquement.
On a créé tout un tas de classifications plus ou moins
compliquées et, de ce fait, souvent difficiles à interpréter de ces empreintes
de crêtes papillaires digitales. La meilleure classification, et aussi la plus
simple et claire, est due au savant Dr Locard, directeur du
Laboratoire d'identité judiciaire de Lyon.
Il distingue six types, dont un exceptionnel et les cinq
autres courants.
Toutes les empreintes comprennent comme ossature de leurs
structures ou un triangle, ou une boucle, ou les deux combinés.
Le triangle ou « étoile » est très rare
chez les hommes normaux. Inversement, il forme l'essentiel des empreintes
digitales des singes et plus spécialement des macaques. Le rapprochement avec
les archives internationales de criminologie démontre qu'on le trouve chez les
grands criminels-nés, chez les dégénérés, chez les aliénés précoces et les prostituées
ataviques de bas étage ; il situe souvent des hérédités épileptiques,
alcooliques ou syphilitiques aboutissant presque toujours à une mort précoce.
Il est spécifique de l'individu arriéré et incapable de s'adapter à la vie
sociale.
Avec les autres types, plus normaux et même fréquents, on
peut, dans une certaine mesure, établir la psychologie du personnage.
Les types courants sont au nombre de cinq et se
différencient par la position respective du triangle ou de la boucle :
- En arc : pas de triangle ni de boucle au sens
strict. La boucle a avorté et se traduit par un renflement dans les lignes des
crêtes papillaires.
- Triangle à droite et boucle à gauche : on la
désigne par « boucle à gauche ».
- Boucle à droite, qui est la disposition inverse de
la précédente.
- Volute ou verticille, en forme de spirale,
encadrée de deux triangles. L'enroulement est vers la droite ou la gauche.
- Volute double ou en « N ».
Il est à noter que les orientations sont définies non par
l'observation directe de la main, mais par le tracé sur un papier des crêtes
papillaires. Ce papier donne ainsi une épreuve inversée de la réalité.
Dans la pratique, on parle de la « formule papillaire
d'un homme, et celle-ci se traduit par cinq chiffres. Ils proviennent pour
chaque doigt de l'utilisation du numéro d'ordre correspondant à la
classification ci-dessus. On obtient ainsi deux nombres dont le premier
concerne la main droite et le second la gauche.
On obtient ainsi 510 combinaisons possibles. Toutefois, les
formules 22222 et 33333 sont les plus fréquentes et totalisent 35 p. 100
des ensembles.
Il en résulte que les types d'empreintes digitales uniformes
à tous les doigts sont rares, et que, pour en tirer des tests indicatifs de
tempéraments, il faut une certaine pratique et une juste appréciation des
dosages.
Le type en arc est passablement mauvais. Un homme qui
répondrait à la double formule 11111/11111 serait certainement fort dégénéré,
avec une certaine aptitude à la morbidité. On le trouve plus ou moins pur chez
les escrocs notoires et les grands faussaires.
Les structures en volutes, droite et gauche, sont les
plus courantes et se rapportent aux individus normaux.
Les verticilles indiquent des tempéraments
idéologiques, mystiques, artistiques, poétiques. On estime, en général, que,
dans le cas de verticilles plus ou moins fermés, le porteur est prédisposé à la
rêverie intérieure, et, inversement, dans le cas de spirales franchement
ouvertes, il est plus expansif.
La volute double ou en « N » est très rare.
Elle est l'indice des esprits encyclopédiques, puissants et forts, aptes à tout
comprendre, tout assimiler, jongler avec des idées et des faits, et possédant
un cerveau doué d'une mémoire infaillible. La formule 55555/55555 n'est pas
trouvée plus d'une fois sur dix millions d'hommes.
Mais les empreintes digitales seules ne sauraient être
examinées in abstracto. Elles appartiennent aux doigts et il y a une
étroite dépendance avec la forme générale de ceux-ci et même — bien qu'à
un degré moindre — avec toutes les caractéristiques morphologiques de la
main qui, elles, constituent la « chiroscopie ».
La forme des doigts est ainsi une source d'indications très
précises.
Les extrémités coniques se trouvent surtout chez les
femmes, ce qui correspond à des tempéraments sensibles et intuitifs. Ce sont
également les doigts de l'attirance, de la confiance, de la sympathie, avec une
tendance très marquée à la poésie et à la rêverie.
extrémités rondes sont courantes chez les hommes.
Ce sont celles des gens amoureux d'équilibre et d'esthétique, mais beaucoup
plus comme ambiance générale que comme but d'activité normale. De tels doigts
prédisposent à la volupté érotique, mais, sur une main grande, cette tendance
charnelle se transpose dans le domaine cérébral et devient l'indice de l'amour
des fastes mondains.
Les doigts aux extrémités carrées infèrent d'une
grande activité, bien que surtout manuelle, avec beaucoup d'ordre, de
dévouement, de courage physique et moral. Cette main est toujours loyale ;
mais, si elle est longue, elle dénote aussi une tendance à la domination,
jusqu'au despotisme. À l'inverse des dessins des crêtes papillaires des
empreintes digitales qui sont rarement uniformes pour les dix doigts, les
formes générales de ceux-ci sont rarement variées.
Prof. A. DE GORSSE,
De l'École d'anthropobiologie.
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