Les présentations ou démonstrations d'avions légers à
réaction, au cours des diverses manifestations aéronautiques qui se déroulèrent
en France cet été, furent particulièrement goûtées des spectateurs. Et les
pilotes français aux commandes de ces petits bolides se taillèrent le grand
succès, tant à l'étranger qu'en France.
L'intérêt spectaculaire des figures acrobatiques réalisées
par les appareils à réaction « Cyclope », « Sylphe », « Gémeaux »
ou « Midjet » de course est certain. Mais les techniciens du monde
entier découvrent les immenses possibilités offertes par les petites machines à
réaction.
Brillante victoire française, morale et matérielle. Elle est
le fruit d'une collaboration très étroite et très confiante entre les
ingénieurs Szydiowski de la firme « Turboméca » et Mauboussin et
Castel de la firme « Fouga ».
L'expérience des établissements Fouga en matière d'appareils
légers à réaction remonte au 14 juillet 1949, date à laquelle vola le « Sylphe
1 », premier appareil léger à réaction au monde, doté d'un réacteur Turboméca
« Piméné 1 » de 100 kilogrammes de poussée seulement.
Depuis cette date, les membres de la famille des Fouga :
« Sylphe », « Cyclope », « Gémeaux » et « Midjet »,
ont réalisé des centaines d'heures de vol et ont été des bancs d'essai
remarquables pour les réacteurs Turboméca « Piméné », « Palas »,
« Marboré » et « Aspin ». Aujourd'hui, grâce à cette lignée
d'appareils, la France possédera plus grande expérience qui soit en matière
d'appareils à réaction de petite puissance.
Les établissements Fouga ont été suivis par d'autres
constructeurs puisque la S. I. P. A. poursuit les essais du
biplace SIPA-200 à réacteur Turboméca « Palas ». Morane prépare le
biplace d'entraînement à la chasse MS-755 doté de deux Turboméca « Marboré »,
et, en Italie, le Caproni F-5, propulsé par un Turboméca « Palas », a
réalisé son premier vol le 20 mai 1952. Ajoutons qu'une des plus
puissantes firmes américaines de moteurs à pistons a acquis les droits de
licence pour la fabrication de certains réacteurs de Turboméca.
Mais Fouga conserve son avance et présente aujourd'hui le
premier biplace d'entraînement militaire à réaction « économique ».
Cet appareil est, certes, un avion militaire, mais déjà l'on se préoccupe d'en
établir une version civile pour 4 à 6 passagers ; c'est pourquoi nous le
présentons aujourd'hui à nos lecteurs.
Un bi-réacteur.
— L'étude du Fouga 170 R a été lancée au mois de
mai 1951 dès la modification du marché d'État. La mise en fabrication de
l'appareil a eu lieu en juillet 1951. Compte tenu des délais de construction
prévus, certains éléments de voilure et d'empennage ont été confiés pour leur
réalisation aux sociétés Latécoère et Bréguet. Treize mois après le
lancement de l'étude et onze mois après la mise en fabrication, le Fouga 170 R
était en mesure d'exécuter son premier vol sur le terrain de Mont-de-Marsan
(Landes). Ces délais sont à souligner, puisqu'il s'agit d'un appareil
entièrement nouveau, ce qui laisse à supposer tous les problèmes techniques qui
durent être résolus.
Description.
— Le Fouga 170 R est un monoplan cantilever à aile
médiane, biplace en tandem, doté de deux réacteurs Turboméca « Marboré II »
développant au total 760 kilogrammes de poussée et noyés partiellement dans le
fuselage. Comme tous les appareils à réaction Fouga, il possède un empennage
papillon à deux éléments interchangeables faisant entre eux un angle de 110°.
De construction entièrement métallique, le 170 R repose sur un train tricycle
escamotable Messier à commande hydraulique. Les roues principales s'escamotent
latéralement dans la voilure ; celle-ci est du type monolongeron à profil
laminaire NACA. Le bord d'attaque est en flèche, alors que le bord de fuite est
droit. Ces ailes sont dotées de volets hypersustentateurs, de volets de piqué et
d'atterrissage. Le fuselage de section ovoïde renferme les réservoirs de
carburant placés derrière la cabine.
L'appareil possède le coefficient acrobatique et peut
recevoir des réservoirs auxiliaires placés sous les ailes ou à leur extrémité
avec système d'alimentation pour le vol sur le dos.
L'armement comporte deux mitrailleuses, une ciné-mitrailleuse,
des lance-bombes et des lance-rockets.
Équipé pour le P. S. V. et le vol de nuit, le Fouga
170 R comporte deux postes radio émetteurs-récepteurs V. H. F., un radio-compas
et un interphone. De plus, pour faciliter la visibilité du pilote arrière, un
périscope a été monté sur un arceau du cockpit.
Caractéristiques.
Envergure sans réservoir de bout d'aile. | 11,3 m. |
Longueur | 9.80 — |
Hauteur | 2,75 — |
Surface portante | 1,73 m2. |
Devis de poids. |
Poids à vide | 1.800 kg. |
Charge utilisable (mission d'entraînement) | 900 — |
Poids total (mission d'entraînement) | 2.700 — |
Charge alaire (mission d'entraînement) | 156 kg./m. |
Charge au kilogramme de poussée (mission d'entraînement) | 3,55 kg./kgp. |
Performances. (Décollage au poids de 2.700 kg.) |
Vitesse entre le sol et 9.000 m | 600/700 km./h. |
Montée à 9.000 m | 18/20 mn. |
Plafond pratique | 11.000/12.000 m. |
Longueur de roulement au décollage | 500/600 m. |
Avion militaire, je m'excuse de le répéter. Hélas ! nous
devons avoir encore des préoccupations de ce genre. Mais avion qui, dans sa
version civile, sera l'avion à réaction économique pour les liaisons postales
ultra-rapides, l'avion des vedettes, des chanteurs et acteurs en vogue, pour
leurs fréquents déplacements d'affaires, à 600 kilomètres à l'heure, avec un
pilote confirmé ... L'avion français, enfin, qui sert déjà de base à
l'élaboration de plusieurs études de prototypes similaires dans les bureaux
d'études des nations au potentiel aérien puissant.
Maurice DESSAGNE.
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