À la suite de certains froissements ayant eu lieu entre
gardes de Fédération, s'appuyant, à juste titre, sur les termes de leur arrêté
préfectoral, et certains gardes particuliers assermentés ayant employé la
chloropicrine sans en référer à la fédération départementale, j'estime
souhaitable une petite mise au point. Il y a là une question légale demandant
une légère modification. Un propriétaire de chasse particulière (ou président),
ayant un garde dûment assermenté à son service, a-t-il le droit d'opérer la
destruction des renards et blaireaux à l'aide de la chloropicrine, employée sur
son terrain de chasse, sans en référer à la fédération départementale ?
Étant donné que tout acte de destruction de nuisibles doit
être fait en conformité avec l'arrêté préfectoral en vigueur dans le
département : si cet arrêté ne spécifie rien de particulier en ce sens,
liberté entière est laissée aux gardes particuliers d'effectuer l'emploi de la
chloropicrine au même titre qu'ils se servent des pièges ; si cet arrêté
présente des restrictions, il y a lieu de s'y conformer. Ce n'est donc pas aux
gardes fédéraux en particulier, pas plus qu'aux fédérations, qu'il y a lieu de
s'en prendre, mais aux termes même des arrêtés préfectoraux. Et la légère
modification à y apporter est facile à faire. Qu'on classe la chloropicrine
comme toxique, c'est chimiquement logique, bien qu'elle ne puisse servir à
grand-chose dans un but criminel, venant pratiquement très loin derrière la
strychnine, l'arsenic et même les arséniates vendus à pleins sacs comme
insecticide (sans autorisation spéciale pour ces derniers). Qu'on exige une
autorisation préfectorale pour la délivrer à bon escient, c'est admissible.
Mais qu'on impose le contrôle de la Fédération dans ce cas particulier, c'est à
mon avis une plaisanterie. Le contrôle et la surveillance de l'empoisonnement
des mulots et campagnols par les gardes fédéraux est autrement important que
l'emploi de la chloropicrine (voir le désastre des Deux-Sèvres).
Les gardes fédéraux ont suffisamment de travail dans les
vastes secteurs soumis à leur surveillance pour laisser aux gardes particuliers
le soin d'opérer eux-mêmes leurs destructions. La chloropicrine entre les mains
des gardes assermentés ne servira vraisemblablement pas de matériel de
braconnage. De deux choses l'une : ou ces gardes sont honnêtes et
cherchent à obtenir le maximum de gibier, donc pas question de braconnage; ou,
ce qui est fort heureusement une exception (dont la faute incombe au
propriétaire, d'une part, et aux pouvoirs publics qui ont accepté de
l'assermenter, d'autre part), ce garde est une franche fripouille. Mais que
peut faire un citoyen de cet ordre avec la chloropicrine ? Une seule chose :
s'en servir en place du furet et faire crever tous les lapins au terrier. Ces
fameux lapins classés nuisibles en beaucoup d'endroits, malgré la mine d'or
qu'ils rapportent à l'État avec la consommation de munitions et les procès dont
ils sont la cause. Mais, si le propriétaire tient aux lapins, qu'il ne soit pas
atteint de cécité totale et incurable, il aura vite compris et liquidé
l'indésirable ! En tout cas, lui seul, propriétaire, aura été lésé dans
cette affaire : c'est son gibier qui en aura souffert, son gibier sur
lequel la Fédération n'a aucun droit. Le problème serait évidemment différent
si le propriétaire avait confié la garde de sa chasse non seulement à son ou
ses gardes, mais également aux gardes fédéraux.
Il y a, à mon avis, une modification de bon sens à apporter
à ces arrêtés préfectoraux, modification qui améliorerait les relations entre
gardes, propriétaires et fédérations, qui tous cherchent à augmenter la densité
de gibier. Personnellement, j'estime qu'un propriétaire ou président de
chasse particulière faisant garder à ses frais (par un ou plusieurs gardes
assermentés) son territoire de chasse où il ménage, lâche ou élève du gibier,
également à ses frais, doit avoir le droit d'opérer les destructions de renards
ou blaireaux sur son terrain sans avoir à en faire part à la fédération
départementale et sans que celle-ci puisse en prendre ombrage ; mais c'est
là une décision intelligente à prendre : c'est aux préfets de s'en
acquitter.
A. CHAIGNEAU.
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