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Les produits de la forêt française

Les bois à fibres

Dans notre dernier article, nous avons exposé la question des bois de feu ; nous allons aujourd'hui traiter de l'important problème des bois à fibres.

Nous groupons sous ce terme aussi bien les bois qui sont transformés mécaniquement en fibres de bois pour fabriquer du papier, du carton ou des panneaux isolants ou durs, que ceux qui sont traités chimiquement en vue d'en extraire des fibres de cellulose pour la papeterie ou l'industrie chimique.

En France, l'utilisation de fibres végétales pour la fabrication du papier remonte au Moyen Age, mais, à cette époque, la matière première fibreuse était constituée par les vieux chiffons. Les besoins croissant de façon considérable, on dut faire appel à la paille et au bois, mais ce n'est qu'au XIXe siècle que cette utilisation devint vraiment industrielle.

La consommation actuelle de papiers et cartons dépasse 1.500.000 tonnes, que l'état actuel de notre industrie ne permet pas de produire chez nous. Même si celle-ci était modernisée, il ne serait pas possible de trouver dans nos forêts les 5 à 6 millions de stères nécessaires pour cette industrie. Il nous faut donc importer des bois de papeterie, des pâtes à papier et même du papier, ce qui grève lourdement notre balance commerciale.

Il est donc nécessaire de planter. Beaucoup de forêts produisent surtout des bois de feu et pourraient être améliorées ; de nombreuses terres en friches pourraient être reboisées. Cela est possible grâce à l'aide du Fonds forestier national.

Il y a donc lieu de savoir quelles essences conviennent pour la préparation des pâtes à papier.

Rappelons tout d'abord les principales méthodes de fabrication des pâtes.

Les unes sont des méthodes mécaniques, avec ou sans ramollissement préalable du bois par la vapeur; les autres sont des méthodes chimiques. Enfin il existe des méthodes mixtes.

Les méthodes mécaniques transforment le bois en fibres de bois (contenant encore la presque totalité des constituants du bois, en particulier la cellulose et la lignine).

La principale de ces méthodes est la râperie, méthode purement mécanique, qui consiste à râper, sur une meule minérale, des rondins préalablement écorcés. On obtient une pâte dite pâte mécanique, formée de paquets de fibres plus ou moins brisées. Cette pâte, sans solidité propre, sert de remplissage par exemple pour la fabrication du papier journal, qui en contient 80 à 85 p. 100. Cette méthode s'applique aux bois tendres ne contenant pas ou contenant peu de résine : tremble, peuplier, sapin, épicéa. Outre le bois, elle ne nécessite que de la force motrice et de l'eau.

Une autre méthode, semi-mécanique, est celle qui sert à préparer la pâte brune. Les rondins sont d'abord ramollis par la vapeur sous quelques kilogrammes de pression, puis râpés, comme précédemment, sur une meule minérale. La cuisson a coloré le bois, et l'on obtient une pâte brunâtre à odeur caractéristique, formée de fibres de bois plus ou moins isolées et relativement intactes. Cette pâte sert à fabriquer les cartons. Cette méthode s'applique à la plupart des bois, en particulier aux pins, au bouleau et aux bois précédents. Elle peut même s'appliquer aux bois durs comme le hêtre.

Le procédé dit du défibrator commence par transformer le bois en bûchettes plus petites qu'un domino, dans des découpeuses spéciales. Ces bûchettes sont soumises ensuite à l'action de la vapeur sous 8 à 10 kilogrammes, puis poussées par un piston dans un défibreur constitué par deux disques métalliques, l'un fixe, l'autre mobile, centrés et presque au contact l'un de l'autre, face contre face. Les bûchettes arrivent par le centre, s'insinuent entre les deux disques et sortent à la périphérie sous forme de laine de bois, plus ou moins grossière, qu'on raffine ensuite. Cette laine de bois sert à fabriquer les panneaux isolants ou les panneaux comprimés plus ou moins durs, connus chez nous sous le nom d' « isorel » (du nom de la première firme qui les ait fabriqués dans notre pays). Ce procédé s'applique à tous les bois, mais principalement aux bois tendres.

Le procédé dit du canon consiste à soumettre les bûchettes de bois, dans un récipient à parois très épaisses, à l'action de la vapeur sous très forte pression, puis-à une détente brutale. Les bûchettes éclatent littéralement et se transforment instantanément en laine de bois. Ce procédé s'applique à tous les bois même durs. Il sert également à fabriquer des panneaux isolants ou durs.

Les méthodes chimiques consistent à dissoudre les éléments du bois autres que la cellulose au moyen de solvants chimiques et à transformer le bois en fibres de cellulose. La cellulose existant dans le bois à raison de 40 à 60 p. 100 du poids total, le rendement de fabrication est ici généralement inférieur à 50 p. 100 du poids du bois sec.

Il existe deux groupes principaux de solvants :

    — les solvants acides, comme le bisulfite de calcium ;

    — les solvants basiques, comme la soude ou le mélange soude plus monosulfure de sodium (donnant la pâte kraft).

Le bois est d'abord réduit en bûchettes, puis introduit dans des lessiveurs où on le cuit pendant plusieurs heures en présence d'une lessive bisulfitique ou sodique sous quelques kilogrammes de pression.

On obtient ainsi des fibres de cellulose à peu près pures et à peu près intactes. Tous les bois peuvent être défibrés par ces procédés. Les méthodes aux lessives sodiques s'appliquent plutôt aux bois riches en résine comme le pin maritime.

Il existe enfin des méthodes mixtes combinant une action mécanique et une action chimique.

Les fibres obtenues par ces divers procédés ont des longueur, diamètre, épaisseur et structure des membranes qui varient suivant les essences.

La plupart des résineux donnent des fibres longues, étroites, à parois minces, capables de se feutrer en donnant un excellent papier. La plupart des feuillus, au contraire, donnent des fibres courtes et épaisses qui peuvent donner au papier de l'épaisseur, mais sont moins faciles à mettre en œuvre. Certains bois, trop tanniques, donnent des pâtes colorées, noirâtres, d'emploi peu facile. Les bois du Nord ou de montagne donnent des fibres supérieures à celles que donneraient les mêmes essences plantées en plaine.

La papeterie a ses préférences et ses exigences.

Il faut s'efforcer de produire :

1° Des bois constitués d'éléments uniformes à grande valeur papetière ; à cet égard, les résineux, qui sont formés en grande majorité de trachéides, éléments fins et longs, sont supérieurs aux feuillus ;

2° Des bois dont les fibres ou les trachéides ont une haute résistance mécanique ; à cet égard, les résineux de provenance nordique ou montagnarde et les bois ayant crû à l'état serré sont supérieurs aux bois provenant de basses altitudes et de peuplements clairs ;

3° Des bois aussi blancs que possible qui donnent des pâtes claires, nécessitant peu de produits chimiques pour leur blanchiment ; beaucoup de résineux, les trembles, les peupliers sains sont dans ce cas ;

4° Des bois tendres, faciles à râper sur les meules et faciles à attaquer par les solvants chimiques ; c'est encore le cas des résineux, trembles, etc. ;

5° Des bois sains et sans défauts graves ; sont à prohiber : les bois pourris ou échauffés dont les fibres sont dégradées par les agents pathogènes et qui, souvent, possèdent des colorations anormales préjudiciables à l'obtention de pâtes claires ; sont à prohiber également les bois trop noueux, car les nœuds sautent sur les meules ou bien sont difficilement attaqués par les agents chimiques et donnent des déchets au cours de la fabrication ; de plus, ils sont généralement plus colorés que le bois normal ;

6° Des bois secs, donc légers, ce qui permet de réaliser des économies sur le transport et la manutention ; en outre, les bois secs sont plus faciles à transformer en pâtes ; ceci est facilité par l'écorçage partiel ou total des bois ; en outre, les bois écorcés et secs sont beaucoup moins sujets à être attaqués par les agents pathogènes ;

7° Des bois calibrés, de bonne grosseur, cylindriques, droits et propres ; les rondins de 15 à 25 centimètres de diamètre sont ceux qui conviennent le mieux pour le râpage ou le découpage, la cylindricité favorise des opérations telles que l'écorçage mécanique ; la rectitude facilite les manutentions, l'empilage et le découpage ou le râpage ; les avantages de la propreté, en particulier l'absence de terre ou de graviers superficiels sur les bois, sont faciles à concevoir.

Ceci explique pourquoi la culture, l'abattage et le façonnage des bois de papeterie doivent se conformer à certaines règles que nous exposerons dans notre prochain article.

LE FORESTIER.

Le Chasseur Français N°668 Octobre 1952 Page 616