Un élevage de rapport.
— Il y a des situations où l'exploitation d'une
canardière bien installée et bien conduite donnera des résultats meilleurs que
les poulaillers les plus prospères. Cela tient à ce que les palmipèdes sont
d'un entretien moins onéreux que les gallinacés, étant moins difficiles sur le
choix de la nourriture et moins exigeants sous le rapport du logement et des
soins, parce que plus rustiques, moins sujets aux maladies.
Étant donné que les canes pondent autant et plus que les
meilleures poules, quand on sait s'y prendre, et que les canetons de primeur,
demandés à cor et à cri par les restaurateurs, viennent deux fois plus vite que
les poulets, puisqu'ils sont au point pour les navets au bout de huit à neuf
semaines, tandis qu'il faut quatre à cinq mois avant de pouvoir honorer la
broche avec une poularde appréciée des gourmets, on comprend qu'il soit
possible de réaliser d'appréciables bénéfices, rien qu'avec un effectif d'une
centaine de canes produisant des œufs plus gros que ceux des poules et qui sont
recherchés des pâtissiers, des biscuitiers et des hôteliers.
En annexant au parquet de pondeuses un petit brooder
house (maison des canards), on pourrait, sans grandes difficultés, élever
bon an mal an un millier de canetons, qui seraient livrés à la consommation
vers l'âge de deux mois, ayant coûté deux fois moins cher que des poulets de
même poids et de même valeur marchande.
On peut donc considérer comme devant être d'un bon rapport
la production mixte des œufs et des canetons, puisque les frais de nourriture
et les dépenses d'installation sont relativement moins élevés que ceux
occasionnés par la création des autres élevages de basse-cour.
Plan d'une canardière.
— On peut créer une canardière assez importante si on
dispose d'un terrain herbé, d'une vingtaine d'ares, situé à proximité d'un
ruisseau, et s'il y a possibilité d'amener l'eau dans un bassin P au moyen
d'une rigole de dérivation. Il suffira d'enclore la parcelle avec du grillage
de 1m,20 de hauteur et de construire à l'intérieur une logette
rustique en bois, en pisé, en parpaings, etc., pourvue d'une couverture en
glui, le chaume étant un meilleur isolant que la tuile.
La bâtisse sera partagée en trois parties indépendantes :
l'une d'elles (A) réservée au logement des adultes, canes et canards, la
deuxième (B) à usage de couvoir pour les incubations naturelles ou
artificielles. Quant au compartiment E, il servira à l'élevage des canetons en
commun.
Deux grillages transversaux limitent le parquet A' réservé
aux reproducteurs, d'où ils auront accès à la pièce d'eau et au ruisseau,
tandis que le parquet E' servira de parcours aux canetons, quand le temps le
permettra. Car il ne faut pas laisser les jeunes barboter dans l'eau, ni même
les laisser exposés à la pluie, tant que leurs ailes ne sont pas protégées par
l'enduit cireux qui empêche la pénétration de l'humidité.
Autrement, l'évaporation peut provoquer des affections
pulmonaires graves, souvent mortelles. Il ne faut pas non plus les laisser
exposés aux ardeurs du grand soleil. Il sera donc bon d'édifier dans leur
parquet un abri rustique, où l'on placera les mangeoires et les abreuvoirs
siphoïdes qui les empêchent de se baigner.
Peuplement de la canardière.
— Le choix de la race dépend de la spécialité que l'on
a en vue. Si on s'adonne exclusivement à la production des œufs, il n'y a pas
d'hésitation possible ; on adoptera les Coureurs indiens, dont les
canes pondent annuellement une moyenne de 200 œufs et même davantage. Pour la
production mixte des canetons et des œufs on prendra une race à deux fins,
telle que la Kaki, dont la ponte moyenne est de 180 œufs, mais qui
fournit des canetons plus étoffés.
On pourrait également, toujours dans le but de ne pas
nuire à la ponte, peupler avec des canes Coureur, que l'on ferait
féconder par des mâles Pékin ; les métis obtenus répondraient au
double desideratum de l'éleveur pour la production simultanée des œufs et des
canetons de bon poids.
Lorsque l'élevage a surtout pour objet la production des
canetons précoces et de rapide venue, c'est aux Pékins purs que l'on
donne généralement la préférence. Cette race n'a qu'un défaut, c'est d'être
excessivement craintive.
Conduite de la canardière.
— Les canards devront toujours disposer d'une litière
saine, fréquemment renouvelée. Les pondeuses ne seront jamais lâchées avant 9
heures, pour éviter qu'elles perdent leurs œufs dans le ruisseau. Elles
trouveront à leur lever leur mangeoire pleine d'une pâtée demi-molle,
équilibrée pour les besoins d'une ponte intensive, c'est-à-dire contenant, sous
une relation nutritive de un quart, les matières azotées, hydro-carbonées,
grasses et minérales, additionnées de verdures hachées dans la proportion d'un
cinquième en poids.
Le soir, avant le coucher, on distribuera la même pitance
que le matin, en quantité telle que la gave soit bien pleine.
Les œufs sont confiés à des poules ou à des dindes couveuses
que l'on installe sur le sol même du couvoir. Si on pratique l'incubation
artificielle, il faudra humidifier davantage que pour les poussins.
Pendant toute la durée de l'élevage des canetons, on
observera la plus grande propreté des mangeoires, du dortoir et de ses abords,
pour éviter les infestations parasitaires et les infections microbiennes. Les
canetons devront recevoir cinq ou six distributions de pâtée par jour ; ce
qui n'a pas été absorbé au bout d'une heure est donné aux adultes.
Mondiage D'ARCHES.
|