C'est au pluriel, hélas ! qu'il faut parler de ces
oiseaux. Ils sont si nombreux, et on a bien plus vite fait d'énumérer les lieux
où il n'y en a pas que de compter ceux où ils se complaisent.
Des pies, il y en a presque partout : plaine, bois,
marais, les margots sont toujours présentes, jacassantes et méfiantes.
Tous, dans notre enfance, nous en avons déniché. Nous en
avons eu dans nos maisons, apprivoisées et assez sociables. Avec leur plumage
blanc et noir, leur longue queue, leur allure sautillante, elles nous ont
souvent amusés.
Lorsque j'étais enfant, j'en ai possédé une particulièrement
audacieuse. Elle allait partout dans la maison, emportant ce qui lui plaisait.
Une dame à lorgnon vint un jour faire une visite à ma mère. Cette dame était,
en outre, affligée d'un chapeau agreste sur lequel voisinaient toutes sortes de
fruits, et une hirondelle bleue y était figée sur le côté dans l'instantané
d'un vol plongeant. Ma pie allait du dossier d'une chaise à un autre. On la
chassait, elle revenait. La dame partit. Margot lui laissa descendre quelques
marches de l'escalier extérieur et se jeta soudain sur les fruits et
l'hirondelle bleue. Les lorgnons tombèrent et le chapeau devint en quelques
instants passablement dépenaillé.
Ma margot finit peu après, tuée par un voisin dont elle
attaquait les canaris en cage.
Ce fut bien fait pour elle, car les pies méritent une fin
ignominieuse.
Je crois qu'il est difficile de leur trouver quelques
qualités. À part leurs allures parfois comiques, elles ne font que du mal à
l'agriculture et au gibier.
Avant l'ouverture, je vis un jour cinq ou six pies sur un
buisson assez épais qui jacassaient avec l'animation qui leur est particulière :
elles allaient, revenaient, hochaient leurs queues. Une perdrix rouge, à
quelques mètres, rappelait sans arrêt. Je m'avançai vers le buisson. Les pies,
trop occupées, ne m'aperçurent que lorsque je fus assez près. Elles
s'égaillèrent ; la perdrix rappelait toujours. Un pouillard courut alors
dans les herbes et rejoignit sa mère. Je crois bien que je lui ai sauvé la vie.
La perdrix, qui est pourtant si courageuse pour défendre ses
petits, ne s'avançait pas. Peut-être ne voulait-elle pas abandonner ses autres
poussins ? D'ailleurs, les pies sont toujours en nombre lorsqu'elles font
un mauvais coup.
Aussi, dans la campagne, un rassemblement de pies signifie
presque toujours que quelque chose attire leur attention : compagnie de
perdreaux, chat, renard. Ce dernier animal a surtout le don de les irriter, et
elles le suivent en volant d'arbre en arbre lorsqu'elles en ont découvert un.
Si l'on chassait les pies devant soi ou à l'approche, on
ferait de maigres tableaux. Elles sont très méfiantes et sont douées d'une vue
perçante. Elles connaissent très bien la portée des fusils. Aussi ne doit-on
pas épargner celles qui, par inadvertance, se présentent à moins de quarante
mètres.
Une prime est, depuis longtemps, attachée à leur
destruction. C'est au printemps qu'on arrête le mieux leur prolifération. Les
pies qu'enfant nous avons apprivoisées provenaient de nids que nous avions
détruits. Les enfants qui ne craignent pas de grimper dans les arbres élevés :
acacias, peupliers, en tuent ainsi beaucoup. Certains disent que, prises au
nid, elles sont bonnes à manger. Je ne mange pas la bécasse, encore moins la
pie.
C'est à l'affût qu'on peut en tuer le plus, au brancher du
soir. Un chat dans une cage constitue aussi un bon appelant, Mais le prix des
munitions rend prohibitif le tir des pies, qui, en dehors de la prime, n'ont
aucune valeur.
Il y a deux ans, les gardes des fédérations avaient fait une
expérience qui, devant les résultats obtenus, aurait dû être poursuivie et
étendue. Les pies, appâtées avec des boules de suif pendant plusieurs jours, se
rassemblaient en grand nombre dans le canton où devait avoir lieu la
destruction. Au jour convenu, les gardes répandaient des boules empoisonnées.
Bien peu d'oiseaux échappaient, et on les ramassait morts dans un rayon assez
restreint. Il était facile, ensuite, d'enlever ce qui restait de suif
empoisonné : tout se passait bien et on signale seulement quelques chiens
victimes de l'opération.
Je suis persuadé qu'une opération de ce genre pratiquée sur
plusieurs départements donnerait de bons résultats et qu'on trouverait à
l'ouverture à la fois plus de compagnies de perdreaux, et des compagnies plus
nombreuses.
Car il ne faut pas trop compter sur les chasseurs pour tuer
les pies. J'ai déjà dit que les munitions sont trop chères. Prenez en main une
pie morte, je ne connais aucun animal aussi mesquin dans la mort. Rien ne reste
de vif dans ses couleurs, dans son attitude. Il n'y a aucun plaisir à le
contempler.
Quelle différence avec le splendide perdreau rouge et la
souveraine bécasse, dont on lisse amoureusement les plumes.
Jean GUIRAUD.
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