L'emploi des leurres tournants a toujours eu un inconvénient
sérieux : le vrillage de la soie ou du nylon.
Plus le poids était élevé (comme c'était le cas pour le
lancer lourd), plus grand était le mal.
Il a donc fallu chercher et utiliser un dérivatif efficace à
un tel état de choses ; les inventeurs, les bricoleurs ont réalisé des
dispositifs qui n'ont guère varié depuis leur création : ils remplissent
leur rôle, c'est l'essentiel.
Leur inertie (ou leur forme) empêche la soie de suivre le
mouvement de rotation du leurre, tout en ne le freinant pas.
On les a placés d'abord à quelques centimètres en avant de
la cuiller, du devon ou du poisson mort ; mais on s'est vite rendu compte
que le vorace le voyait d'abord et que, loin de s'en effaroucher, il bondissait
sur eux, d'où un « raté » à peu près certain.
On a employé alors des antivrilleurs en matière transparente
(cellulo) ; ce fut une nette amélioration, et il existe encore des modèles
bien conçus, utilisés avec succès à l'heure actuelle. Leur construction est
d'ailleurs aisée, et nous en reparlerons tout à l'heure.
Même transparent, l'antivrilleur placé en avant du leurre
est souvent vu par le poisson, ne serait-ce qu'à cause des petites bulles d'air
qui se forment dans son sillage.
D'habiles confrères ont pensé que, si l'antivrilleur était
accolé au leurre, il n'y aurait qu'un point d'attraction au lieu de deux, d'où
une plus grande chance d'attaques, suivies de captures.
La cuiller plombée en tête était née. Pour parfaire l'allure
— ou plutôt la silhouette — de l'ensemble, et pour déplacer le centre
de gravité du plomb, on lui a donné la forme d'une tête de poisson, avec un
profil hydrodynamique déterminé, pour ne pas gêner la rotation de la palette.
Et, maintenant, la cuiller plombée en tête a acquis, chez
les pêcheurs au lancer, un droit de cité incontestable, et j'ajoute : avec
raison.
Mais voilà, il est impossible de plomber ainsi un devon,
puisque le corps de celui-ci doit remonter sur le bas de ligne lors d'une
attaque, pour ne laisser que le grappin dans la bouche de l'attaquant.
On a fabriqué des devons en deux parties, ou plutôt on a
construit des devons tandem, dont les deux corps séparés par une bille de
cuivre tournaient en sens inverse, la rotation de l'un corrigeant celle de
l'autre. Mais la construction s'avéra assez délicate, parce que le double
devon, si je puis m'exprimer ainsi, devait remonter tout à la fois sur le bas
de ligne.
J'avais modifié, pour mon usage personnel, les devons ainsi
montés, et seul l'armement quittait le devon vers l'arrière, les deux corps
restant fixes.
Il est regrettable qu'aucun constructeur n'ait eu l'idée
d'exploiter ma trouvaille, que j'avais décrite pourtant plusieurs fois dans mes
causeries.
Plusieurs dispositifs peuvent être employés, mais ils ne
constituent pas l'idéal, lorsqu'ils ne font pas corps avec le leurre.
Me croyez pas que c'est parce que le poisson en a peur ;
j'ai déjà dit qu'au contraire il bondissait sur lui sans hésitation.
La cuiller plombée peut s'employer d'une autre façon :
en alourdissant l'axe (plombage axial). S'il est bien compris, il a double
avantage : il est plus court et donc moins volumineux ; le plomb
forme un corps fusiforme (obligatoirement) : le poids est plus condensé en
un seul point.
On emploie ce plombage avec les cuillers montées sur étrier,
qui tournent à merveille, en s'écartant suffisamment de l'axe pour ne pas
freiner la rotation, et tout en ne papillonnant pas.
Pour ceux qui n'emploient pas l'étrier, soit par habitude,
soit par économie, ils doivent utiliser des palettes à large base, offrant plus
de résistance à l'eau et tournant plus aisément.
Vous voyez que ce ne sont pas les systèmes d'antivrilleurs
qui font défaut. Avant de dessiner ces différents modèles, je vais vous en
décrire un facile à construire. Prenez une plaque de cellulo assez épaisse
d'une longueur de 3 centimètres environ et 2 de large, percez un trou à chaque
extrémité et en haut ; passez votre nylon deux fois dans chaque trou et
c'est fini (fig. 1).
Si vous désirez l'alourdir, pincez la base dans une lame
mince de plomb.
À la rigueur et si vous n'avez pas à votre disposition
d'antivrilleur dans votre panier, pincez simplement une chevrotine à 10 centimètres
du leurre, cuiller ou devon sur le nylon ; ce palliatif peut avoir sa raison
d'être dans un fort courant (fig. 2).
Mais tout cela va paraître bien fastidieux aux débutants à
qui je m'adresse ; aussi leur conseillerai-je de s'en tenir pour le moment
à la cuiller plombée en tête (fig. 3).
Elle a de très nombreux avantages, et la facilité de
construction en fera toujours le leurre préféré des lanceurs de ferblanterie.
Nous verrons plus tard les antivrilleurs employés pour la pêche au poisson
mort.
Les quelques dessins que je joins à ma causerie donneront
des précisions complémentaires.
Une précaution indispensable à prendre avec tous les leurres
tournants : employer un émerillon dont la taille est en rapport avec son
usage ; ainsi, pour le devon qui remonte sur le bas de ligne, il faut
utiliser un tout petit émerillon qui puisse circuler librement dans le tube
axial.
Pour les leurres fixes (cuillers), se baser sur le genre de
poissons recherchés, un gros brochet ne craignant pas un modèle assez fort. Les
émerillons à billes sont aussi excellents pour les gros poissons, mais perches,
truites, blacks l'attaquent très souvent : les gros brochets dédaignent
cette petite proie insignifiante.
Et maintenant, chers confrères, je vous dis : « Cherchez,
inventez et faites profiter la collectivité de vos trouvailles. »
Marcel LAPOURRÉ,
Délégué du Fishing-Club de France.
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