À diverses reprises, des lecteurs m'ont demandé de leur
indiquer les moyens de lutter contre la végétation aquatique. Il est souvent
utile en effet de limiter les excès de cette végétation, mais il est nécessaire
de savoir au préalable que la végétation aquatique joue un rôle très important
dans l'équilibre piscicole et que, s'il faut parfois la brider, il ne faut
jamais l'éliminer complètement. C'est en effet sur la végétation immergée de
myriophylles, de potamots, de callitriches que vivent de nombreux mollusques,
larves d'insectes et crustacés, où ils trouvent leur nourriture, car celle-ci
est en grande partie végétale. Ces herbiers servent également de frayères sur
lesquelles les poissons adultes viennent déposer leurs œufs, qui y restent
collés, pendant quelques jours, jusqu'à l'éclosion. Les pousses les plus
tendres de myriophylles et de potamots sont directement broutées par les
poissons herbivores tels que les gardons, carpes et tanches. Enfin, les
poissons trouvent dans les herbiers de l'ombre et des abris contre les voraces
et les nuisibles. Ceci, évidemment, sans compter le rôle primordial de la
végétation aquatique qui est, de par l'assimilation chlorophyllienne des
plantes vertes, d'oxygéner et d'épurer les eaux.
Toutes ces qualités appartiennent surtout à la végétation
immergée dont les feuilles sont tendres et qui n'est pas envahissante comme la
végétation émergée composée de roseaux, de scirpes et de joncs. Les
inconvénients de la végétation verticale émergée l'emportent et de beaucoup sur
les avantages. Alors que la végétation immergée est très largement bénéfique
pour le poisson, les roseaux en effet nourrissent peu d'insectes et de
mollusques et envahissent la surface de l'eau. Il faut donc, en principe,
détruire la végétation émergée verticale et dure, et protéger la végétation
immergée et tendre.
Le moyen le plus connu consiste à faucarder, soit à la faux
ordinaire, soit au bateau faucardeur à main ou à moteur. Le faucardage se fait
en mai ou juin, avant que les plantes n'essaiment leurs graines, et, au besoin,
on coupera à nouveau leurs repousses en juillet ; ainsi les extrémités des
roseaux peuvent-elles pourrir sous l'eau en même temps que la sève sucrée se
répand dans l'eau et nourrit le plancton. La végétation immergée sera aussi
faucardée, mais on en laissera de larges touffes en raison de son utilité.
Toutefois, nénuphars et châtaignes d'eau seront faucardés plus largement.
Il existe d'autres moyens de lutte contre la végétation ;
dans les pièces d'eau notamment, on peut introduire des oies, des canards et
surtout des cygnes, gros mangeurs d'herbes.
Dans les bassins à eau froide et pure, et notamment dans
ceux qui servent à l'élevage de la truite, il apparaît parfois en plein été des
masses considérables d'algues vertes en longs filaments poisseux, fins comme
des cheveux : ce sont des spirogyres, ou des cladophores. Naturellement,
on commencera par les éliminer avec un râteau, mais elles reviennent avec
abondance. Si, le jour, elles oxygènent l'eau, la nuit, elles respirent et
dégagent du gaz carbonique qui peut asphyxier le poisson. Bien des accidents
survenus aux jeunes salmonidés peuvent être ainsi expliqués. On s'en
débarrassera grâce au sulfate de cuivre. On pourra faire une solution de
sulfate de cuivre dans un seau d'eau ou un arrosoir et la répandre à la surface
de l'eau. Il sera encore plus simple de promener dans l'eau un sac en jute de
sulfate de cuivre qui se dissoudra lentement. Il est actif à la dose de 1
millionième, c'est-à-dire que 1 gramme suffira pour traiter 1 mètre cube d'eau ou,
si l'on veut, 1 kilogramme pour 1.000 mètres cubes d'eau. Cette dose est supportée
par la truite et pourra être portée à 4 kilogrammes s'il s'agit de poissons blancs.
Les Suédois ont ainsi traité le lac de Norwiken, aux environs de Stockholm,
long de 7 kilomètres et large de 0km,700, qui était envahi l'été par des
fleurs d'eau causées par les algues bleues qui s'accumulaient à la surface du
lac et le rendaient peu agréable pour les baigneurs. En 1947, il fut dissous 1
tonne de sulfate de cuivre dans 10 mètres cubes d'eau, qu'on pulvérisa à la surface
du lac. Cette opération, faite les 4 et 5 juin, fut répétée les 17 et 18 juin
et une troisième fois un mois plus tard. Il fut déversé en tout 3.000 kilogrammes
de sulfate de cuivre, ce qui donnait une teneur des eaux du lac de 0mgr,06
par litre d'eau. Les algues bleues ont disparu, et la transparence du lac a considérablement
augmenté.
Il y a toujours intérêt à effectuer au préalable une analyse
de l'eau. Si l'eau est acide et contient peu de calcaire (pH inférieur à
7 et degré hydrotimétrique inférieur à 5 unités), un bon chaulage pendant
l'assec, ou encore au printemps, changera le milieu aquatique et pourra
également changer la flore de ses algues.
On peut également, contre tous les végétaux aquatiques, sauf
les graminées et les carex, utiliser avec efficacité les hormones désherbantes.
Nous confirmons bien que les roseaux et les carex ne seront pas touchés par ces
hormones ; au contraire, les joncs, les typhas, les butomes et toute la
végétation immergée sont très sensibles à un épandage très dilué de 2,4 D tel
que, par exemple, la weedone 402. On recommande une solution à 5p. 100 de
2,4 D, que l'on répand à la surface des marais à désherber. Dans les Dombes, de
1948 à 1950, d'excellents résultats ont été obtenus dans la lutte contre les
macres, ou châtaignes d'eau, par un épandage de 2,4 D fait avec une motopompe
de pulvérisation portée sur un bateau à fond plat, munie d'une rampe de
distribution à nombreux jets traitant une largeur d'environ 3 mètres. La dose
de 1 kilogramme d'hormone à l'hectare s'est avérée suffisante, à condition d'opérer
au début de la saison, en mai, quand les rosettes des châtaignes d'eau
commencent à apparaître à la surface de l'eau.
Le chlorure d'ammonium peut être utilisé tout comme le
sulfate de cuivre dans la lutte contre les algues à une concentration toutefois
quatre fois plus forte que celle du sulfate de cuivre, c'est-à-dire 4
milligrammes par litre.
Enfin, l'arsénite de sodium, à la concentration de 4
milligrammes par litre, détruira également les algues, ainsi que certaines
plantes supérieures.
Revenons à nos hormones. Les 2,4 D donnent surtout des
effets sur les plantes immergées ou à feuilles flottantes en solution à 0,3 p. 100
à la surface de l'eau. On peut mouiller également la surface des plantes
émergées avant la floraison, ou sur la repousse après faucardage.
Il y a toutefois un inconvénient dans l'épandage du sulfate
de cuivre ou d'hormones ; il arrive parfois que ces épandages tuent les
bonnes algues du plancton et que de ce fait la nourriture s'en trouve affectée.
Ceci n'a pas d'importance dans les bassins d'ornement et les bassins d'élevage
de salmonidés.
En résumé, le faucardage est actuellement l'arme la plus
pratique pour le nettoyage des étangs de moyenne étendue. Les hormones ne
peuvent convenir qu'aux bassins de petite taille, ou alors à de très grandes
pièces d'eau dans lesquelles la collectivité seule peut se permettre un
déversement de produits coûteux.
DELAPRADE.
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