Par une journée torride, j'ai vu passer sur une route
provençale les concurrentes d'une épreuve cycliste baptisée Championnat de
France. Les pédaleuses menaient un train d'enfer qui laissait pantois les
promeneurs dominicaux. Sur les quelque 80 kilomètres d'un parcours vallonné, la
moyenne a dépassé 35 kilomètres. J'ai admiré les émules féminines de Louison
Bobet et je les ai plaintes. Le spectacle qu'elles offraient attestait leur
valeur physique et leur cran, mais il manquait de grâce.
Comme la langue d'Ésope, le sport féminin peut être la
meilleure et la pire des choses. La meilleure, s'il développe souplesse et
adresse, s'il affine les lignes, s'il renforce, sans la nouer et l'endurcir,
une musculature qui doit demeurer discrète. La pire, s'il contraint des
organismes délicats et plus ou moins fragiles à des efforts démesurés, s'il
virilise à l'excès les silhouettes. Pour la femme, le sport doit demeurer un
jeu, un auxiliaire et non un ennemi de la beauté.
Aussi est-ce sans aucune déception que j'ai enregistré la
tenue très moyenne des rares Françaises sélectionnées pour les Jeux Olympiques.
Il ne faudrait pas beaucoup me pousser pour que j'avoue que je me suis presque
réjoui de cet insuccès. Les performances accomplies par les « phénomènes »
nées sous d'autres cieux ne m'ont pas enthousiasmé.
À vrai dire, leur signification est relative, la primauté du
sexe dit fort — à juste titre en ce domaine — se révélant écrasante.
« Les super-championnes » seraient largement battues si elles se
mesuraient avec des athlètes masculins de classe modeste.
Il existe des milliers et des milliers d'hommes capables de
sauter 1m,70 en hauteur, limite frôlée par les championnes du monde,
de courir un 100 mètres en douze secondes, ce qui, pour une femme sévèrement
entraînée et spécialisée, constitue un exploit exceptionnel. Dans toutes les
disciplines sportives, un large fossé, sinon un abîme, sépare les sexes. Il
serait vain, et même dangereux, de tenter de le franchir.
Nous irons plus loin encore. S'il est souhaitable que des
réunions permettent aux jeunes filles de concourir sur les stades, il est
inutile d'y convier un large public, de donner à des joutes amicales un
caractère trop ardent. Énervées, survoltées par les réactions de la foule, des
adolescentes épuisent leurs réserves musculaires, vident leurs accumulateurs,
et cela se termine par des syncopes, des crises de nerfs ou de larmes sans
conséquences graves sauf accident, mais déplaisantes. Le geste sportif n'est
beau que s'il paraît aisé, que s'il est harmonieux. Or cette harmonie c'est,
dans la vie quotidienne, la femme qui la dispense. Elle ne saurait s'en priver
sans déchoir.
Il lui reste beaucoup d'exercices, de jeux, de sports qui,
pratiqués avec mesure, lui sont naturels et salutaires. On a pu écrire que les
tâches ménagères composaient une gamme complète de culture physique. Il serait
injuste de les négliger quand on tente de dresser un programme rationnel et
bien équilibré. Ce programme comprendra la marche, le cyclisme et, bien
entendu, pour celles qui en ont le goût, la pêche, la chasse.
Agrémentée de danse, la gymnastique rythmique fournit une
base parfaite. En ce qui concerne les sports proprement dits, la natation est
recommandée comme les autres sports de l'eau : plongeons artistiques,
aviron, yachting, les sujets les mieux doués pouvant tâter de la compétition
avec profit.
Les sports élégants sont parfaitement adaptés aux moyens de
nos filles et de nos compagnes.
Nos escrimeuses figurent parmi les meilleures du monde, le
tennis a d'innombrables adeptes, si les virtuoses de la raquette se font rares
chez nous.
Mais notre propos est plutôt d'insister sur un sport
d'équipe merveilleux qui, par bonheur, devient, de jour en jour, plus
populaire.
Nous voulons parler du basket-ball, ou balle au panier, qui
réunit tous les avantages. Ne réclamant qu'une salle ou un terrain de
dimensions médiocres, il fait appel aux qualités les plus diverses et il est,
sur le plan moral comme sur le plan physique, éducatif tout en étant des plus
distrayants. Il demande le sacrifice des exploits personnels à l'intérêt de
l'équipe, de la discipline. Il est suffisamment sévère pour faire naître une
saine fatigue, mais n'est pas épuisant, le remplacement des joueurs essoufflés
étant autorisé au cours des parties. Il réunit, en une heureuse synthèse,
plusieurs sports : course, saut, lancer. Il exige une parfaite
coordination des gestes, du coup d'œil, de l'adresse. Enfin, si l'on se place
sur le plan esthétique, qui, en l'espèce, ne saurait être oublié, il allonge
les muscles au lieu de les nouer et, par des mouvements d'élongation, accroît
la sveltesse de ses participantes.
Nous pourrions poursuivre longtemps encore cette apologie du
basket féminin, dont la vogue, d'ailleurs, ne cesse de s'accroître.
Les sociétés se multiplient à la ville et même au village.
Leur recrutement est des plus éclectiques. Des patronages ont leurs équipes
comme des usines ou des administrations. Les rencontres dominicales conservent
un caractère aimable et presque familial. Certes, des vedettes ont acquis, dans
un milieu restreint, une certaine notoriété. Elles sont admirées et
recherchées, mais elles ignorent le cabotinage et ne posent guère devant les
photographes. Elles demeurent des ouvrières, des employées modestes pour qui le
sport est uniquement un délassement, un plaisir.
Après quelques essais lamentables, le football féminin est
mort. Le basket l'a remplacé avec avantage. Le panier, accessoire obligé de la
ménagère, est prédestiné à s'accorder avec nos compagnes. Un panier assez
étrange d'ailleurs, puisqu'il est constitué par un filet troué accroché à un
cercle d'acier. Malgré l'expression, un « panier percé » peut avoir
son utilité et ses charmes.
Jean BUZANÇAIS.
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