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Les produits de la forêt française

Les bois de mine

Les bois de mine constituent un important débouché pour la forêt et posent, pour notre pays, de graves problèmes d'approvisionnement. Les besoins actuels, pour la France et la Sarre, dépassent 3 millions de mètres cubes, utilisés en majeure partie par les mines de houille. On compte, en effet, 40 à 45 décimètres cubes de bois de soutènement par tonne de houille. Les mines utilisent de plus en plus de cadres et d'étançons métalliques, mais, la production de houille ayant augmenté, les besoins en bois n'ont pas décru. Nous n'indiquerons pas ici comment le bois est utilisé dans les mines, renvoyant pour cela le lecteur aux ouvrages spécialisés, en particulier au livre du regretté J.-P. Coulon, Les Bois de mine, édité par les Presses Universitaires de France. On distingue, en gros, deux catégories de bois de mine : les bois de voie, destinés au soutènement de galeries semi-permanentes, où circulent les trains de berlines, et les bois de taille, qui servent au soutènement des galeries temporaires, où se fait l'extraction de la houille. Les bois de voie ont 2m,50 à 5 mètres de longueur et 40 à 64 centimètres de circonférence au milieu. Ce sont surtout des bois résineux ou du chêne. Les bois de taille comportent différentes catégories : rallonges de 2m,50 de longueur et 25 à 34 centimètres de circonférence au milieu, étais de 0m,80 à 1m,60 de longueur et 25 à 44 centimètres de circonférence au milieu, queues de 1m,20 à 1m,50 de longueur et 18 à 24 centimètres de circonférence au milieu. Ces bois sont soit des résineux, soit des feuillus. Certains bassins houillers et les mines de fer utilisent des bois sensiblement plus longs (jusqu'à 7 m.) et plus gros (jusqu'à 25 cm. de diamètre au fin bout).

Mais, dans l'ensemble, il s'agit de bois de faibles dimensions (en général diamètre inférieur à 20 centimètres et, le plus fréquemment, longueur inférieure ou égale à 2m,50). Cependant, leur recrutement est difficile. Les bois de mine doivent, en effet, posséder de hautes qualités mécaniques, capables de donner au mineur le maximum de sécurité. Les bois de soutènement doivent présenter une résistance élevée à la flexion (cas des bois placés horizontalement) et au flambage (cas des pièces longues placées verticalement et comprimées). Ils doivent donner de nets signes avertisseurs avant de se rompre (flèche visible à l'œil, craquements audibles, même dans une galerie où travaillent des haveuses et des marteaux piqueurs). Ils ne doivent pas se rompre brutalement, mais, au contraire, présenter une rupture très progressive, fibreuse, accordant au mineur quelques secondes pour essayer de se mettre à l'abri.

Les bois de mine doivent non seulement posséder les qualités ci-dessus, mais les conserver aussi longtemps que possible, en particulier pendant toute la période où ils sont stockés sur les parcs des houillères et au cours de leur séjour dans les galeries. Enfin, un bois de mine doit être d'emploi facile. Le travail dans la mine est extrêmement dur et la place fait défaut ; aussi les bois de mine doivent-ils être aussi légers que possible et faciles à travailler. À cet égard, les résineux sont préférés au chêne et au charme, qui sont lourds et durs.

Tout ce qui précède explique pourquoi les houillères, dans leurs cahiers des charges, imposent les conditions suivantes pour le façonnage des bois de mine :

1° Choix des essences.

— Certaines essences sont acceptées sans restriction par les mines ; d'autres ne sont acceptées que dans une proportion limitée ; d'autres sont totalement refusées. Les points de vue diffèrent d'ailleurs quelque peu d'un bassin à l'autre : c'est pourquoi des études systématiques sont faites actuellement, conjointement par les laboratoires des houillères et les laboratoires forestiers. Il semble que les opinions relatives à certaines essences soient quelque peu préconçues et aient besoin d'être révisées. Par ailleurs, les besoins actuels en bois de mine sont difficiles à satisfaire, et il est nécessaire d'utiliser davantage d'essences feuillues et de voir la valeur comme bois de soutènement de diverses essences résineuses introduites récemment dans notre pays et non encore connues des mineurs.

Certaines essences présentent d'incontestables défauts. Par exemple le hêtre et les grands érables, même sains, ont une rupture brutale. Le tilleul, le peuplier, l'aune ne supportent que des charges très faibles. D'autres essences possèdent, au contraire, de très bonnes qualités mécaniques. Le chêne a toujours une rupture très lente, accompagnée de nombreux craquements. Le charme, le bouleau, quand ils sont sains, ont à la fois des résistances élevées et une rupture très progressive. Les résineux, dans l'ensemble, outre leur légèreté et leur facilité de travail, présentent de bonnes résistances mécaniques, mais, toutefois, se rompent plus rapidement que les feuillus précités. Chez les résineux, la provenance joue un grand rôle. L'altitude, l'exposition, la densité du peuplement, les conditions de station (climat et sol) influent nettement sur les propriétés mécaniques. La provenance se traduit, en particulier, par la largeur des accroissements annuels (cernes) et la proportion de bois d'été dans chacun de ces accroissements (texture). On sait, par exemple, qu'un épicéa provenant de montagne a des accroissements très fins, alors qu'un épicéa ayant crû en plaine a des accroissements larges. Les bois d'altitude ont aussi, en général, une texture plus forte que les bois de plaine. Accroissements fins et texture forte sont, chez les résineux en général, des critères de bonne résistance mécanique.

Outre l'essence et la provenance, agit également la race. On sait que, chez certaines essences, existent des races nobles qui donnent des bois rectilignes, cylindriques, à accroissements réguliers et fins, riches en bois de cœur, caractères qui améliorent les qualités mécaniques et la durabilité.

2° Caractéristiques de dimensions et de forme.

— En dehors des dimensions auxquelles il a été fait allusion plus haut, les mines imposent, pour les bois de soutènement, un certain nombre de caractéristiques de forme : une bonne rectitude (la flèche doit être inférieure à 3 centimètres par mètre), une relative cylindricité (le défilement sur la circonférence doit être inférieur à 2cm,5 par mètre). Les courbures en S, les déformations en baïonnettes sont exclues. Les bois courbes ou coniques ont, en effet, des propriétés mécaniques très inférieures à celles des bois droits et cylindriques.

3° Caractéristiques de qualité.

— Bien entendu, les bois de mine doivent être sains, ne pas présenter de couronnes de nœuds ni de fentes aux extrémités. Les altérations sont extrêmement préjudiciables aux propriétés mécaniques. Tous les bois altérés ont une cassure brutale et, en général, leurs résistances limites sont réduites. La brutalité de la rupture constitue, en particulier, un grave danger pour le mineur. Les couronnes de nœuds ont une importance variable. Si les nœuds sont sains et adhérents, leur influence est assez faible (nulle en compression et très faible en flexion). Si les nœuds sont non adhérents, noirs, et surtout s'ils sont vicieux, leur importance est très grande en flexion, moins nette en flambage. Les fentes aux extrémités constituent des amorces de rupture et peuvent déterminer la cassure brutale des bois par éclatement.

4° Caractéristiques de façonnage.

— Les houillères imposent l’abattage hors sève, condition qui engendre un bon séchage et une bonne conservation des bois. Les résistances augmentent quand les bois sèchent et il est indispensable d'avoir des bois sains. Cette condition est donc particulièrement importante. Il y aurait lieu, toutefois, de rechercher la date à laquelle se fait la montée de la sève (cette date varie avec les essences, les stations et les années) et, également, de déterminer la date à partir de laquelle les bois cessent d'être en sève et peuvent être exploités. Enfin, les houillères précisent que les bois de mine résineux doivent être écorcés et les feuillus rainés. Cette condition a aussi pour but de favoriser le séchage et la conservation. Nous avons remarqué que certains résineux sous écorce s'altéraient très rapidement. Les feuillus abattus hors sève, quand ils ont été rainés, gardent leur écorce bien collée au bois, ce qui constitue une sorte de garantie de bonne conservation.

Telles sont les caractéristiques que doivent présenter les bois de soutènement. Le façonnage de ces bois doit être fait en appliquant strictement les cahiers des charges imposés par les houillères. De leur bonne observation dépend la sécurité des mineurs. Nous ne saurions trop insister à cet égard auprès des exploitants forestiers.

Le FORESTIER.

Le Chasseur Français N°669 Novembre 1952 Page 679