Au cours du VIe Congrès international de
zootechnie, qui s'est tenu dernièrement à Copenhague, il a été signalé que,
depuis quelques années, une baisse sensible du taux de fécondité, tant pour les
mâles que pour les femelles, avait été constatée dans les différents troupeaux
d'élevage d'assez nombreux pays. Et la cause de cet état de choses, gravement
préjudiciable au développement et à la prospérité du cheptel, a été attribuée
surtout à des défauts d'hygiène, et spécialement des déficiences alimentaires provenant
d'un mauvais équilibre dans la composition de la ration journalière.
En fait, la fécondité des femelles domestiques, à quelque
espèce qu'elles appartiennent, se trouve sous l'influence de causes très
diverses telles que la domestication, l'alimentation, l'âge, la race, le
climat, le mode de reproduction et enfin le tempérament propre à l'individu.
S'il est de constatation courante que les meilleurs
reproducteurs se rencontrent parmi les animaux bénéficiant d'une alimentation
abondante et de bonne qualité, il ne faut pas ignorer que l'engraissement,
quand il est très poussé, apporte un trouble plus ou moins marqué dans les
fonctions des organes reproducteurs. « Un bon coq n'est jamais gras »,
dit-on couramment, pour de bonnes raisons, car la chair est électrique, elle
active les sécrétions internes (hormones), tandis que la graisse les endort ou
les paralyse complètement. Cependant, des animaux maigres peuvent être aussi
difficiles à féconder que des animaux gras.
L'influence de l'âge chez les reproducteurs est le plus
souvent prise en considération, mais à ce propos on peut admettre, en règle
générale, que l'accouplement des animaux est indiqué, ou plus exactement peut
se faire sans inconvénient, dès l'apparition des premières chaleurs chez les
femelles. Selon l'espèce considérée, cette règle comporte de nombreuses
exceptions ; l'exploitation laitière des bêtes bovines, relativement
limitée, du moins économiquement, demande à être commencée le plus tôt
possible, tandis que la carrière d'une poulinière, susceptible d'être prolongée
beaucoup plus longtemps, ne sera pas compromise si la première gestation est
retardée d'un an ou deux.
À ce propos, nous devons relever une erreur encore très
répandue parmi les éleveurs, dont beaucoup s'imaginent que les facultés de
reproduction, la fécondité des poulinières ne peuvent être exploitées
avantageusement que pendant une dizaine d'années, entre cinq et quinze ans
environ, période durant laquelle les juments se trouvent dans les meilleures
conditions de santé et de bon fonctionnement des organes génitaux.
Mais, s'il y a certainement avantage à faire durer la
production d'une poulinière plutôt qu'à la commencer trop tôt, il peut y avoir
aussi du temps perdu, et de l'argent, dans un cas comme dans l'autre, fait
qu'un hippologue fort distingué du XVIIIe siècle, Lafont-Poulotti,
avait déjà signalé en écrivant : « Les personnes qui attendent que
les juments aient sept, huit ou dix ans pour les faire saillir dans l'espoir
que les productions (sic) deviennent plus fortes, plus accomplies, que
si elles venaient de mères plus jeunes, se trompent. Les juments de cet âge
retiennent difficilement, surtout si elles ont été nourries au sec et si leur
jeunesse a été employée à des travaux pénibles. »
L'administration des haras, confirmant cette opinion, a fixé
à trois ans l'âge minimum auquel les juments pouvaient être présentées à ses
étalons, parce qu'elle a pensé que la gestation avant cet âge ne pourrait
donner qu'un produit de qualité inférieure tout en compromettant la santé et le
développement de la poulinière, celui-ci se manifestant jusqu'à sa cinquième
année.
D'innombrables exceptions ont été recueillies concernant
cette règle prudente et sage, pour les juments trop jeunes ou trop âgées, qui
incitent à ne pas s'opposer systématiquement aux accouplements hâtifs ou
tardifs. Dans la pratique, l'intérêt de l'éleveur l'engage à livrer au
commerce, en exploitant une femelle domestique, le plus grand nombre possible
de produits au cours de sa carrière, mais il doit se persuader qu'il ne pourra
le faire avec succès qu'autant qu'il fournira à cette femelle, en plus des
soins appropriés à sa destination, une alimentation suffisante et bien choisie
pour répondre aux besoins de son organisme et à ceux du ou des fœtus qu'elle
aura à nourrir au cours de chaque gestation.
La fécondité peut être grandement favorisée par une
alimentation spéciale, renfermant en proportions justement équilibrées des
matières minérales et des vitamines, spécialement la vitamine E de
reproduction, indispensable aux fonctions de la génération, mais son
développement se fait principalement par l'intermédiaire de la sélection, car
elle est transmissible par hérédité, plus souvent par les femelles que par les
mâles. Les agnelles nées jumelles héritent de leur mère une prédisposition à
une grande fécondité (Bernardin) ; d'autre part, le professeur Dechambre a
relaté le cas d'un taureau qui occasionnait presque toujours des gestations
doubles chez les vaches présentées à sa saillie, aptitude qu'il avait acquise
de sa mère, coutumière de gestations doubles. À signaler pourtant qu'à la
naissance de deux jumeaux, un mâle et une femelle, celle-ci est presque
toujours stérile, dans la proportion de 103 sur 110 constatations.
Chez les juments, les naissances doubles sont plus à redouter
qu'à espérer ; dans les espèces ovine et caprine, il y a intérêt à
favoriser les gestations doubles sinon pour laisser deux agneaux à une mère
brebis, du moins pour que le nombre des « doubles » compense les
pertes provenant des avortements, des produits mort-nés ou qui succombent dans
les heures qui suivent la mise bas. Dans l'espèce porcine, où la fécondité est
généralement développée, quand elle n'est pas contrariée par l'engraissement,
le meilleur rendement s'obtient en laissant à la mère un nombre de jeunes égal
à celui de ses mamelles ; on ne peut faire plus et mieux qu'à condition de
disposer d'une truie nourrice ayant peu de petits, à laquelle on fait adopter
ceux qui se trouvent en surnombre.
J.-H. BERNARD.
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