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Vrais et faux jumeaux

epuis une vingtaine d'années, la presse périodique fait état de naissances gémellaires multiples. Elles atteignent parfois cinq bébés vivants, comme les très célèbres sœurs Dionne au Canada.

Ces naissances plurales constituèrent longtemps un véritable mystère scientifique. Mais aujourd'hui, à la lueur éclatante des progrès de l'embryologie, la question se trouve devenue très claire et même simple.

Cependant, si les naissances de jumeaux ne sont nullement rares, elles restent, chez les humains, l'exception. Les statistiques démontrent en effet que la moyenne est de un accouchement plural pour quatre-vingt ordinaires, ce qui donne donc un bébé jumeau pour quarante.

En France, pour 42 millions et demi d'habitants, il devrait donc y avoir plus d'un million de jumeaux. Or ce chiffre est assez loin d'être atteint et se limite à 600.000 environ. La raison provient de ce que les naissances gémellaires comportent des dangers accrus et donc une mortalité infantile plus grande.

On estime de la même manière que, pour les deux milliards et demi d'habitants de la terre, il n'y a que 42 à 43 millions de jumeaux, pour les mêmes raisons. Ce chiffre est cependant déjà imposant puisqu'il équivaut à plus d'âmes que n'en comporte toute la France.

Biologiquement, il faut distinguer deux sortes de jumeaux : les vrais et les faux. Ces deux termes, s'ils font image, sont du reste mal choisis par l'usage, et l'on devrait dire, d'une part, simplement jumeaux et, de l'autre, pseudo-jumeaux.

La différence réside en ce que les vrais jumeaux sont issus d'un ovule ou œuf unique, tandis que les faux jumeaux sont tout simplement deux frères nés chronologiquement ensemble, alors que biologiquement tout s'est passé comme pour deux naissances successives qu'un « incident » a fait coïncider. Il y a alors deux œufs, évidemment.

La conséquence de ces données est que les vrais jumeaux sont obligatoirement du même sexe. Tout se passe comme s'il y avait « un individu unique tiré à deux exemplaires », et l'identité est tellement grande que même leurs empreintes digitales ne peuvent être distinguées.

Inversement, les faux ou pseudo-jumeaux peuvent être totalement différents, de sexe identique ou opposé, exactement comme les enfants divers d'une même famille.

Les vrais jumeaux naissent obligatoirement toujours ensemble. Tout au contraire, il se peut que l'on assiste à des naissances à retardement du second faux jumeau, et celles-ci peuvent être même très éloignées de la première, non seulement de plusieurs jours et semaines, mais même de mois.

Le diagnostic précoce d'une grossesse gémellaire est difficile à effectuer. Souvent ces grossesses ne parviennent pas à terme, et, dans la moitié des cas, on assiste à des naissances avant terme. Contrairement à l'opinion courante, ces naissances sont beaucoup moins douloureuses que celles d'enfants uniques. La raison en est que les petits sont toujours moins volumineux, de même que le travail est plus bref et très aisé pour le second.

Ce qui est extrêmement curieux, c'est la fréquence des naissances gémellaires dans les statistiques. La courbe était celle des onze ans des maxima de taches solaires.

C'est en partant de cette observation que l'on a songé à une influence des radiations cosmiques et telluriques qui relèvent des études cosmobiologiques. Ces indications récentes sont confirmées par les rapprochements des cartogrammes de radiations provenant du sol : elles démontrent que certaines régions du monde et même de France sont prédisposées à ces sortes de naissances. En France, les minima se situent en Gironde et Haute-Garonne et les maxima en Bretagne, Calvados, Vendée, Vosges, Jura et Savoie.

D'une manière générale, un tiers des naissances gémellaires sont vraies et donnent obligatoirement des enfants de même sexe. Dans les deux autres tiers, la proportion entre les enfants de même sexe et de sexe différent s'équilibre, exactement comme dans les cas de naissances unitaires.

L'âge de la mère semble sans influence chez les primipares ; mais la proportion monte à 20 p. 100 pour les mères qui en sont à leurs huitième et neuvième enfant, ce qui impose un âge assez mûr.

La proportion des garçons jumeaux est de 108 à la naissance pour 100 filles. La mortalité infantile rétablit ensuite le rapport proportionnel normal.

Héréditairement, l'homme transmet deux fois plus que la femme le principe de la filiation jumelle.

Historiquement, à la Cour de France, on relève de nombreux jumeaux. Pour les Capétiens, chez Philippe Auguste et son fils Louis VIII, ainsi que son petit-fils Charles 1er d'Anjou. La petite fille de ce dernier épousa son cousin Charles de Valois et en eut deux jumeaux. Il en fut de même pour son petit-fils Jean II le Bon, ainsi que son arrière-petit-fils Charles VII, son petit-neveu Louis XII et le petit-neveu de ce dernier Henri II. À son tour, Henri II eut comme fille Élisabeth de France, qui mit au monde deux filles jumelles et prématurées. Chez les Bourbons, Marie Leczinska eut en premières couches deux jumelles : Louise-Élisabeth et Anne-Henriette.

Cette question, anodine en apparence, est cependant très importante, car seul l'aîné des fils, le Dauphin, montait sur le trône. En France — de même qu'en Espagne, — on posa donc le principe que c'était le second enfant venu au monde qui était l'aîné, au nom d'un raisonnement aussi paradoxal qu'empirique : il était plus solidement ancré au sein de sa mère ...

L'antiquité était plus logique : était l'aîné celui qui le premier avait vu le jour. Et l'exemple est illustre avec Romulus et Rémus.

À côté des fréquents jumeaux doubles il y a les naissances triples, quadruples, quintuples et même au delà.

La proportion est connue et, comme pour celle des naissances gémellaires par rapport à celles simples, est de 80. On a donc à peu près des trijumeaux pour 6.500 accouchements, et ainsi de suite. L'histoire médicale toutefois ne connaît que onze cas de gémellité sextuple et deux ayant donné sept bébés ayant survécu. Le cas le plus extraordinaire relevé dans les annales de cette matière est celui de dix-sept embryons ayant eu un peu moins de trois mois de gestation ; ils forment la pièce maîtresse de la collection embryologique privée d'un savant français.

Actuellement, la question de la cause de la gémellité est un des sujets majeurs des biologistes. Ceux-ci ont fait d'étranges constatations avec les « frères siamois » et autres enfants soudés à la naissance ou ayant des membres supplémentaires. Mais c'est là le domaine de la tératologie.

Contrairement aux humains, la gémellité est la règle normale chez certains animaux. Les truies, les lapines et surtout les tatous en sont des exemples types.

R.-L. ANDRIEU.

Le Chasseur Français N°669 Novembre 1952 Page 702