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Précautions

Dans de précédentes causeries, j'ai préconisé l'emploi de bas de ligne dans toutes les pêches au lancer, même au lancer léger, bien que la plupart des usagers de ce mode de pêche s'abstiennent de cette pratique.

Ils ont grand tort, car, je le répète, il faut envisager l'irrémédiable accrochage dans un obstacle, avec rupture consécutive du bas de ligne — s'il y en a un — ou de la bannière, au ras du scion, ce qui est un désastre. Il faut savoir limiter les dégâts.

Cependant, il est à croire que je n'ai pas été compris par tous, puisque j'ai reçu une lettre dont je cite un extrait :

« J'ai bien suivi vos conseils, j'ai monté un fin bas de ligne en acier sur ma monture, et c'est le nylon qui a claqué à 20 mètres du leurre ; j'ai dû abandonner ma partie de pêche. »

J'avais cependant bien précisé que le bas de ligne, fût-il en acier, devait être de résistance plus faible que la bannière.

Il n'est nul besoin d'utiliser un câble même pour le gros brochet, et trop de confrères s'imaginent que maître Esox saccage sans effort un fil métallique de faible diamètre. Il n'en est rien, et j'affirme qu'une soie d'acier, ténue comme une racine 6 x, défie les dents les plus acérées, à condition, bien entendu, que la bagarre ne s'éternise pas, la science du pêcheur devant être un fort atout dans le jeu.

Cependant, comme je ne voudrais contrarier en rien les préférences ou les habitudes de quiconque, je dirai : « Employez donc le câble, très et trop visible pourtant, mais adoptez un mode d'attache en conséquence. »

Il est bien entendu que ce gros fil métallique ne justifie pas son emploi par sa résistance, mais simplement pour éviter le coup de cisailles fatal.

Ma théorie précédente s'avérerait donc fausse si une telle monture ne devait pas subir une modification fort simple, assurant une rupture à une puissance calculée approximativement et un point de rupture déterminé à l'avance, entre le leurre et la ligne.

Voici donc ce que nous devrons faire : à l'extrémité du nylon, nous fixerons un petit émerillon — pas obligatoirement — et attacherons le fil d'acier à l'anneau libre, à l'aide d'un bout de nylon plus faible que celui du corps de ligne.

C'est là, et pas ailleurs, que la « casse » aura lieu, et nous ne perdrons pas 20 ou 30 mètres de nylon.

Ce petit procédé fort simple peut également s'employer pour toute pêche : on casse la ligne et on jouxte les deux extrémités par un fil plus faible.

Venons-en à d'autres précautions, bien connues des initiés, concernant la rupture du bas de ligne lui-même.

En pleine lutte avec un gros poisson : brochet ou saumon, en rivière, congre ou roussette en mer, le fil métallique claque soudain, sans cause apparente, semble-t-il, bien que sa rupture ait été prévue à un coefficient plus élevé.

Que s'est-il donc produit ?

La catastrophe est due uniquement à la négligence du pêcheur : c'est un point de rouille, un nœud, ou surtout une cloque.

Ne récriminez pas, n'accusez pas le fabricant, le marchand ou le vendeur : c'est à vous seul qu'il faut vous en prendre.

« Pouvais-je prévoir ? » objectera-t-on. Eh bien ! oui. Si vous aviez bien observé votre monture à chaque lancer, en récupérant, et surtout si vous aviez eu soin de votre bas de ligne en métal, pareil déboire n'aurait pu se produire.

Apercevez-vous sur le fil un pli anormal, faites-le disparaître, mais jamais à froid ; chauffez-le avec une allumette en cours de pêche et tenez-le bien étiré, ou passez-le entre vos doigts enveloppé d'un chiffon ou d'un mouchoir ; évitez l'emploi de la pince.

S'il y a un nœud, changez la monture, vous la redresserez à la maison, avec la lampe à alcool, sans chauffer au rouge vif.

Quant aux points de rouille, il ne doit pas y en avoir, si, au retour de la pêche, vous enveloppez votre fil dans une pochette huilée ou graissée, après vérification de la rectitude.

Au cas où vous apercevriez la moindre tache rouge, n'hésitez pas à jeter votre bas de ligne, il ne vaut plus rien.

Ne dites pas qu'il est encore solide, qu'il peut encore servir, car c'est ce jour-là que vous piquerez un brochet de 10 livres, qui vous faussera compagnie, avec un pendentif au bout du nez.

Tous les jurons ou épithètes plus ou moins académiques n'empêcheront pas une déception bien méritée.

Entre deux périodes de pêche ou d'une année à l'autre, il convient de vérifier très soigneusement l'état des montures métalliques ; mais, bien soignées, elles durent longtemps.

Il n'est pas recommandable de nouer ces montures, même en soie d'acier extra-souple, soudez-les, fil contre fil, ou entourez les deux brins d'un fil de cuivre très, très fin, dont vous soudez les spires très solidement.

Pour parfaire cet assemblage et en assurer la bonne tenue, enroulez d'abord le fil de la monture et faites un deuxième enroulement avec le fil de cuivre.

Le bas de ligne métallique ne doit pas avoir une trop grande longueur, il garde mieux sa forme s'il a 10 ou 15 centimètres que s'il en a 30 ou 40.

Et, d'ailleurs, ce serait parfaitement inutile, puisque généralement il n'y a que quelques centimètres à l'intérieur de la gueule du vorace. Je dis généralement, car il est des cas où le carnassier de forte taille, lancé gueule ouverte sur le leurre, l'engame si profondément qu'il faut l'extraire en ouvrant la gorge de l'assaillant.

J'ai capturé en mer une roussette de plus de 1 mètre, qui avait ingurgité à 20 centimètres la girelle me servant d'appât, ce qui m'a permis d'ailleurs de dompter le petit requin en peu de temps.

C'est l'exception, les carnassiers sont le plus souvent accrochés par les mâchoires.

Bien sûr, nous faisons abstraction du « tout gros », dont la pêche est à la mode depuis quelques années, car un thon, un espadon ou un requin de plus de 100 kilogrammes a une gueule suffisamment profonde pour engloutir un leurre et son câble assez loin dans la gorge.

Nous en reparlerons. En attendant, un dernier conseil : évitez le fil rigide, la souplesse est indispensable à la bonne projection du leurre, à sa progression normale et à l'heureuse issue d'une bagarre parfois d'une violence inouïe.

Marcel LAPOURRÉ,

Délégué du Fishing-Club de France.

Le Chasseur Français N°670 Décembre 1952 Page 724