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La taille Lorette

La taille courte d'été, ou taille Lorette, du nom de son auteur, M. Lorette, chef de pratique horticole à l'École d'agriculture de Wagnonville (Nord), s'applique au poirier et au pommier.

Elle est très notablement différente de la taille classique (taille trigemme) décrite dans tous les ouvrages d'arboriculture et a pour résultat certain une mise à fruit particulièrement rapide et régulière des arbres traités.

Ce qu'est la taille Lorette.

— Cette méthode supprime complètement la taille d'hiver. Toutes les tailles s'effectuent au cours de la belle saison.

Pour les arbres en cours de formation, il est nécessaire de faire subir un traitement spécial aux prolongements des branches de charpente. Ceux-ci sont généralement taillés bien plus long que dans la méthode classique. D'autre part, on ne les taille pas au cours de la période de repos de la sève, mais beaucoup plus tard, en fin mai, lorsque la végétation est devenue très active, les bourgeons atteignant déjà 4 à 5 centimètres de longueur.

Pour les arbres dont la forme est complètement terminée, les prolongements sont, à la même époque, coupés très près de leur point de départ. Une seule pousse est laissée au cours de la végétation, pousse qui servira à appeler la sève vers l'extrémité de la branche.

À la suite de la taille longue des prolongements des arbres en cours de formation, le cours de la sève se trouve brusquement modifié. Les yeux placés vers la base se développent lentement et forment des dards qui se transformeront d'eux-mêmes, soit en rameaux faibles, soit, plus souvent, en boutons à fruits. Quant aux pousses avoisinant le point de taille, elles reçoivent davantage de sève, s'allongent plus vite et constituent des rameaux à bois.

Du 15 au 20 juin, toutes celles de ces pousses qui sont parvenues à la grosseur d'un crayon et dont la base a commencé à durcir (à se lignifier pour employer le terme scientifique) sont coupées sur l'empattement, c'est-à-dire à 4 ou 5 millimètres de leur point de départ.

On traite exactement de la même façon les pousses de l'année qui se développent sur les parties de la branche de charpente âgées de deux-trois- ans ou davantage, à condition qu'elles aussi soient de la grosseur d'un crayon et déjà semi-ligneuses.

Enfin, on fait subir le même traitement aux pousses nées à l'extrémité ou sur la longueur des coursonnes fruitières si elles remplissent les mêmes conditions.

Quelque temps après ce rabattage, on voit se développer, à la base des folioles qui subsistent, des yeux stipulaires, lesquels évoluent en dards ou en rameaux.

Quant aux pousses plus faibles et de consistance encore herbacée, elles sont coupées au-dessus de trois feuilles.

Du 15 au 20 juillet, on fait une nouvelle visite des arbres. Au cours de celle-ci, on coupe encore sur l'empattement les pousses semi-ligneuses, grosses comme un crayon, qui peuvent se rencontrer sur les coursonnes ou les branches de charpente, soit que ces pousses aient grossi depuis la dernière visite, soit qu'elles proviennent des yeux stipulaires dont il a été question ci-dessus.

Quant aux pousses faibles, pincées à trois feuilles le mois précédent, elles ont pu émettre des faux bourgeons assez faibles vers leur extrémité, tandis que l'œil de la base a grossi, formant un dard.

S'il se trouve encore des pousses faibles et herbacées, on les coupe à trois feuilles comme on a fait pour les autres le mois précédent, à moins qu'on ne préfère attendre qu'elles soient plus fortes pour les rabattre sur l'empattement.

Du 15 au 20 août, nouvelle visite, au cours de laquelle les mêmes opérations se répètent.

De même, du 15 au 20 septembre. À cette dernière époque, la végétation est très ralentie sur les poiriers, mais non complètement arrêtée. On ne risque plus, en rabattant directement sur les dards, de les voir partir à bois. Au contraire, le dernier mouvement de sève peut en faire transformer un certain nombre en boutons à fruit. Aussi en profite-t-on pour rabattre nettement toutes les coursonnes sur les dards ou sur les boutons à fruit lorsqu'il en existe.

Sur les pommiers, dont la végétation se prolonge davantage que celle des poiriers, il faut attendre fin septembre pour cette dernière intervention. En opérant plus tôt, on risquerait en effet de faire partir les dards en rameaux à bois.

On conçoit qu'avec un tel traitement la taille en sec n'ait plus lieu d'exister. De fait, il n'y a pas de taille d'hiver.

M. Lorette a généralisé ce mode de taille dans les cultures confiées à ses soins. Le résultat obtenu a été parfait. Avec ce procédé, toutes les variétés de poiriers, quel que soit leur degré de fertilité, se couvrent de boutons à fruits.

Grâce aux ablations sévères et réitérées que l'on fait subir aux arbres, on obtient continuellement des boutons à fruits, puis des bourses sur lesquelles naissent des dards. Ceux-ci se transforment en boutons, en bourses, qui non seulement ne se dénudent pas, mais émettent, en quantité suffisante, des dards et des bourgeons à bois bien garnis de feuilles et capables d'élaborer la sève au profit presque exclusif des fruits ou des organes fructifères.

Les arbres soumis à ce régime, que M. Lorette conduisait à Wagnonville, ne présentaient aucun signe de fatigue. Mais il faut bien dire qu'ils se trouvaient dans un terrain exceptionnellement favorable au poirier, et dans la région du Nord, où cette essence se plaît particulièrement bien.

Nous avons vu, depuis lors, beaucoup d'arbres soumis à la taille Lorette. Toujours une fructification abondante et régulière a été la résultante de l'application de cette méthode.

Mais elle nous a paru souvent, et surtout pour des variétés naturellement fertiles, fatiguer davantage les arbres que la taille classique et réduire leur longévité dans les terrains de richesse moyenne ou faible, tandis qu'elle fait merveille dans les terres riches avec les variétés de poiriers très vigoureuses et difficiles à mettre à fruit, comme, par exemple, Doyenné du Comice, Beurré Hardy, et quelques autres.

Quant au pommier, il ne se trouve pas toujours très bien des suppressions de pousses vigoureuses pratiquées en pleine sève, directement sur les branches de charpente. Des chancres apparaissent souvent sur ces branches et nuisent beaucoup aux arbres, lorsqu'ils ne les font pas périr. De sorte qu'il nous paraît indiqué d'être prudent dans l'emploi de cette taille lorsqu'il s'agit de pommiers et surtout de la Reinette blanche du Canada, très sujette au chancre. Le procédé de l'arcure peut alors lui être substitué avec avantage.

En résumé, à notre avis, procédé de taille très recommandable, lorsqu'on dispose de bons terrains, pour toutes variétés de poiriers ; à réserver aux variétés vigoureuses et peu fertiles en terrains médiocres ; à appliquer avec discernement et prudence au pommier, surtout aux variétés sujettes au chancre.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°670 Décembre 1952 Page 737