C'est un véritable programme que me trace l'aimable lecteur
qui me demande de traiter ce sujet : « Les causes ; les
symptômes ; le diagnostic ; le traitement ; les suites qui
peuvent en résulter ; les précautions à prendre ; la maladie, étant
guérie, est-elle susceptible de réapparaître ? Différentes sortes de
néphrites. »
Pensant que la question peut intéresser plusieurs lecteurs,
je vais m'efforcer de répondre à la plupart de ses demandes.
Les causes.
— Elles sont nombreuses, qui toutes, en dernière analyse,
agissent par une intoxication, due à une infection spécifique ou à une
infection — éventuellement à une inflammation — par les microbes
vulgaires, hôtes habituels de nos cavités internes, devenus virulents, qui
déterminent une inflammation plus ou moins généralisée du rein, avec des
symptômes plus ou moins graves.
En somme, la néphrite aiguë peut être considérée comme une
complication d'une maladie infectieuse. Sans parler des néphrites
tuberculeuses, ictéro-spirochétosiques ou syphilitiques, rappelons qu'une
néphrite se manifeste souvent au cours d'une fièvre typhoïde, d'une scarlatine,
d'un rhumatisme, voire d'une simple angine ou d'une grippe, et qu'enfin, à
défaut d'autre cause, on a incriminé le froid ; ces néphrites a frigore
ont été surtout observées chez les troupes en campagne.
À côté des symptômes généraux que nous allons envisager, on
conçoit que chacune des maladies causales donne quelque différence.
Parmi les symptômes, l'œdème est généralement le premier qui
attire l'attention : le malade pâle, blafard, d'aspect anémique, présente
une bouffissure de la face surtout marquée aux paupières, pouvant s'étendre à
toutes les régions du corps et s'accompagner d'épanchements dans les séreuses,
sous forme de péritonite, de pleurésie, de péricardite. Presque toujours aussi
la vue est atteinte ; à l'ophtalmoscope, la rétine se montre hyperémiée
avec œdème de la pupille et quelques foyers hémorragiques.
Comme troubles digestifs, on remarque la langue sèche et
saburrale, une perte à peu près complète de l'appétit, par fois des
vomissements pouvant être incoercibles et une diarrhée profuse.
Des troubles cérébraux s'observent surtout chez les enfants,
prenant, dans les cas graves, l'apparence d'accès éclamptiques, des signes
pseudo-méningés et même du coma.
Les urines sont peu abondantes (moins d'un demi-litre par 24
heures), d'aspect trouble, foncé, rougeâtre, que l'on compare à du bouillon
sale ; elles renferment de l'albumine, souvent en quantité considérable et
peu d'urée ; le sédiment présente des cylindres fibrineux ou épithéliaux,
de nombreuses hématies et quelques amas granuleux ou amorphes.
Dans le sang, l'urée se trouve à un taux élevé, elle est
accompagnée d'autres substances azotées plus toxiques que l'urée (azote
résiduel). Cette élévation du taux de l'urée (qui sert surtout d'index pour les
rétentions azotées) n'a pas le caractère grave qu'il présente dans les
néphrites chroniques. Dans cet examen du sang, il importe aussi de doser les
chlorures, car il arrive (en cas de vomissements fréquents et de forte
diarrhée) que l'organisme se trouve appauvri en sel, au point qu'il est des cas
où l'on doit arrêter le régime déchloruré et redonner du sel, sous forme
alimentaire ou en injections de sérum salé. Il va de soi que cette rechloruration
ne doit s'appliquer, sous contrôle médical, qu'après de minutieuses analyses du
sang.
Dans les cas d'intensité moyenne, on obtient assez
rapidement une amélioration notable : les œdèmes s'effacent ; la vue
s'améliore ; les urines s'éclaircissent, cessent d'être sanglantes ;
l'albuminurie diminue ; le taux de l'urée s'élève dans l'urine et
s'abaisse dans le sang. Lorsque ces taux sont redevenus normaux, on peut parler
d'une guérison complète, et, sauf le cas d'une nouvelle maladie, il est
improbable « de voir reparaître une nouvelle néphrite ».
Quant au passage à l'état chronique, il est exceptionnel ;
aussi le pronostic d'une néphrite aiguë est-il beaucoup moins sombre que celui
d'une néphrite chronique.
Les premières précautions à prendre sont de mettre le malade
au repos absolu, au lit et au chaud, et de réduire les boissons. On a souvent
avantage à prescrire la diète hydrique pendant vingt-quatre ou quarante-huit
heures, avec un maximum d'un demi-litre par jour ; on passe ensuite au
régime lacté pendant quelques jours, à la dose de un litre à un litre et demi
au maximum.
Le plus tôt possible, dès que se manifestent les signes
d'amélioration ci-dessus mentionnés, on passera à un régime hypo azoté, peu
carné et pauvre en sel ; comme boissons, outre le lait, on donnera des jus
de fruits et quelque infusion diurétique, presque toujours déjà proposée par
l'entourage : infusions de queues de cerises, de pariétaire, de sommités
de genêt ou de maïs, d'uva-ursi, etc., ce qui me rappelle un vieux professeur
de botanique qui disait à ses élèves : « Si on vous demande les
propriétés d'une infusion quelconque, vous pouvez toujours dire qu'elle est
diurétique : elles le sont toutes ! »
Graduellement, ce régime sera élargi et, dès que les examens
de l'urine et du sang le permettent, on autorisera le malade, devenu
convalescent, à revenir à son régime habituel, dont on exclura seulement les
plats trop épicés, les apéritifs, alcools et liqueurs ; cependant le vin,
en quantité modérée, est presque toujours bien supporté.
Dans le plus grand nombre des cas, ces précautions
hygiéniques suffiront au traitement. Parfois, la maladie causale demande
quelque médicament, encore faut-il éviter tous ceux qui pourraient irriter le
rein. Comme diurétiques, on se contentera des infusions, additionnées, à la
rigueur, d'un peu de nitrate de potasse, ou édulcorées avec un peu d'oxymel scillitique
ou du classique sirop des « cinq racines ».
Les grandes purgations drastiques sont rarement indiquées,
mais on se trouvera bien d'appliquer des ventouses, sèches ou scarifiées, dans
la région lombaire, qui décongestionnent et soulagent les reins ; une
grande saignée peut parfois trouver une indication.
Le médecin traitant — car le malade doit toujours être
sous surveillance médicale — se guidera toujours sur les indications que
montrent les résultats des examens des urines et du sang.
S'il y a quelques règles générales que je viens d'esquisser,
il n'y a pas de traitement théorique, et il faut toujours se souvenir que ce
n'est pas la maladie, mais bien le malade que l'on soigne.
Dr A. GOTTSCHALK.
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