Duel
surprise Chirac-Le Pen au second tour de
la présidentielle
PARIS (AFP), le
22-04-2002
Au terme d'un
premier tour aux allures de cataclysme
politique, Jacques Chirac affrontera
Jean-Marie Le Pen au second tour de
l'élection présidentielle le
5 mai dont il est à peu près
assuré de sortir vainqueur.
A bien des
égards, cette situation est autant
inédite que spectaculaire. C'est la
première fois qu'une formation
d'extrême droite se trouve
représentée au second tour,
en l'occurrence Jean-Marie Le Pen, président du Front National.
C'est aussi le plus fort taux d'abstention
(près de 28%) que l'on ait connu
à un premier tour de
présidentielle.
C'est
également la seconde fois que la
gauche est éliminée, la
première étant intervenue en
1969 avec le duel entre Georges Pompidou
et Alain Poher. C'est encore le fait sans
précédent d'un Premier
ministre qui annonce dès les
résultats du premier tour son
retrait de la vie politique.
La
présence de Jean-Marie Le Pen au
second tour n'avait été
prévue par aucun institut de
sondage, tous donnant comme évident
l'affrontement Jospin-Chirac au second
tour où leurs scores étaient
prévus pour être très
proches, voire égaux.
Ces
dernières semaines, et notamment
depuis le début de la campagne
officielle le 5 avril, le score de M. Le
Pen n'avait cessé de progresser,
oscillant entre 12 à 14%. Mais la
réalité a
dépassé de loin cette
prévision: il a recueilli
finalement 17%. La mesure du vote Le Pen a
toujours été un
casse-tête pour les instituts, ses
partisans hésitant souvent à
avouer leurs choix.
Au total la
droite parlementaire (Chirac, Bayrou, Madelin, Boutin,
Lepage) a atteint les 40%
(contre 44% en 1995), la gauche et
l'extrême gauche ont recueilli le
même score qu'en 1995 (40,5%). De
son côté, l'extrême
droite, en dépit de la scission fin
1998 entre M. Le Pen et Bruno
Mégret du Mouvement national
républicain, a frôlé
les 20%, soit cinq points de mieux que le
résultat de M. Le Pen à la
présidentielle de 1995.
L'extrême
gauche peut se targuer de voir doubler son
score, Arlette Laguiller ayant
réalisé seule un score de
5,3%, alors que les trois candidats
trotskystes réalisent cette fois
près de 11%.
Face au second
tour, les consignes ne sont pas encore
toutes clairement énoncées.
Seul Bruno Mégret appelle à
voter pour M. Le Pen. Corinne Lepage a de
son côté clairement
demandé à ses
électeurs de mettre le bulletin
Chirac dans l'urne. Plusieurs candidats
ont appelé à faire barrage
à M. Le Pen: Noël
Mamère, Christiane Taubira (PRG)
pour qui "évidemment, l'urgence
impérieuse c'est enlever toutes ses
chances à l'extrême
droite".
Le patron du PS
François Hollande a annoncé
une "discussion au sein de la gauche
plurielle" pour décider de la
conduite à tenir pour le second
tour. Mais il a rappelé que "chaque
fois que nous avons été
placés devant le choix entre
l'extrême droite et la droite
républicaine, nous avons toujours
essayé de faire barrage" à
l'extrême droite.
A droite,
François Bayrou, a appelé
lui aussi à "faire barrage à
l'extrême droite", précisant
toutefois: "Il ne suffira pas de faire
barrage à l'extrême droite
comme il est naturel. Il faut aussi tout
refonder, tout repenser, tout
reconstruire".
En Europe, la
présence de M. Le Pen au second
tour de l'élection
présidentielle a "abasourdi" ou
"horrifié" plusieurs chefs de
partis en Belgique, en Espagne ou en
Suède mais évidemment le
score du président du FN ravit ses
collègues d'extrême droite
autrichiens ou flamands.
Le score de M. Le
Pen et ses conséquences ont
provoqué dans maintes villes de
France des rassemblements spontanés
pour dénoncer cette
situation.
A Paris, ce sont
des milliers de personnes, jeunes et
vieux, qui, partis des places de la
Bastille et de la République, se
sont rassemblés place de la
Concorde, aux cris de "Le Pen fasciste" ou
"Le Pen dehors".
Environ 4.000
personnes ont manifesté aussi
à Rennes, près de 2.500 ont
fait de même, à Nantes
(Loire-Atlantique). Plus d'un millier de
personnes se sont réunies tard
dimanche soir sur la Grand-place de Lille.
Des manifestations ont aussi
rassemblé 400 personnes à
Bordeaux, près de 200 à
Nice, quelque 200 aussi à Saint-Étienne.
Tard dans la
soirée, M. Hollande a
demandé à la gauche à
ne pas se laisser aller "à
l'abandon, ni au défaitisme" et
à se mobiliser pour les
législatives. Alain Madelin lui a
estimé que "tous les
ingrédients d'une nouvelle
cohabitation étaient hélas
réunis".
|