Discussions et témoignages

Témoignage d’un barebackeur, acteur de prévention.

 

Prévention et contamination volontaire

 

Je voulais réagir, écrire sur le pourquoi de ma contamination volontaire par le VIH au printemps 2004, alors que j’étais acteur de prévention au sein des SPI depuis 1999.

Des amis me disent à juste titre « tu donnes des leçons sur la prévention : applique les d’abord à toi-même ! ». C’est bien la première réaction de reproche envers moi-même que j’ai eue et qui m’a conduite à faire une pause d’un an au sein du milieu associatif, n’étant pas en phase avec ses messages de prévention et encore moins avec le « faites ce que je dis, mais surtout pas ce que je fais. »

 

Un jour une Sœur m’a dit : « on fait de la prévention car on est des barebackeurs en puissance ». Comme si l’on voulait refouler ce désir de baise « no capote » en faisant les distributeurs de capotes à tout va. Ce fût vrai pour moi, mais malheureusement on ne peut pas se mentir éternellement.

J’ai donc fini par craquer et abandonner volontairement les capotes.

 

Environ 6 mois plus tard, le résultat de mon nouveau statut sérologique est devenu bien plus positif qu’avant. Une question s’est mise à me marteler le cerveau : « Qu’est-ce qui t’as amené à faire ça, alors que tu connaissais les risques ?? »

J’ai trouvé des explications, qui vont bien au-delà des bilans tirés des études statistiques sur les prises de risques. Des réponses dérangeantes, remuantes qui ont nécessité une psychothérapie.

Avec le recul, je pense que les messages de prévention que j’ai pu recevoir en tant que consommateur sexuel et ceux que j’ai pu donner en tant que Sœur, n’ont servi à rien. La clé des messages de prévention ne se situe pas dans l’information et encore moins dans la moralisation, la culpabilisation et le politiquement correct comme on en voit trop souvent ; même si l’information sur les maladies est importante bien sûr. Ce genre de prévention est pour moi un harcèlement constant, un aveuglement, une fuite du vrai problème. La dictature de la capote fait des ravages en ignorant les vrais problèmes, les vraies raisons qui nous amènent à nous détruire en prenant des risques. Trop de prévention tue la prévention… C’est du moins comme cela que je le perçois.

 

La véritable question est de retrouver de l’estime de soi, de l’amour propre. Il est évident à mon sens que le fait de prendre consciemment des risques traduit une destruction de ces éléments vitaux au cours de son l’existence.

Pour ma part : abandon à la naissance, homophobie quotidienne en milieu scolaire et familial soit permanente et durant toute l’enfance et l’adolescence : comment se construire dans des schémas positifs, lorsqu’on se sent rejeté par tous et tout le temps ? Comment ne pas être plein de colères et de dégoût pour le genre humain et pour soi-même ?

Grâce à ma thérapie j’ai compris ce qui m’avait amené à prendre des risques. Ou plutôt, grâce à l’annonce de ma séropositivité, j’ai pu me prendre en charge, me poser les bonnes questions et trouver des réponses qui passent par l’acceptation des souffrances que j’ai endurées. Faire d’une situation négative, une force qui me permet d’avancer et de me remettre en cause.

Puis la colère s’estompe, l’estime de soi et l’amour propre reprennent maintenant du terrain…

 

Lorsque je vois les campagnes de prévention actuelles en tant que séropo, je me dis que leurs auteurs bien pensant ne sont pas concernés par le VIH ou ne se sont jamais posés les bonnes questions sur eux-mêmes. Des menteurs en somme.

Je voulais témoigner car je me rends compte que le schéma est le même à chaque fois que je discute avec des séropos. Souffrances accumulées, non acceptées, perte d’estime pour soi… prises de risques dans les moments de déprime. Beaucoup se reconnaissent dans ce schéma.

Mon personnage de Sœur s’est trouvé grandi de ces expériences, de ce vécu et c’est avec plus de détermination et de moyens de communication que j’ai repris mon activité dans cette association. Je sais pourquoi les gens à qui je parle baisent sans capote et ce qui leur manque dans la vie. Je ne serais pas un bon acteur de prévention si j’étais une Sainte.

 

Aujourd’hui je considère que le SIDA, grâce à la claque qu’il m’a mise, m’a sauvé la vie, m’a éveillé. Sans lui je serai toujours le rebelle en colère que j’étais il y a tout juste deux ans et qui ne savais pas mettre des mots sur le pourquoi d’une personnalité noire, mélancolique et bourrée de nœuds.

Certains diront que c’est du gâchis d’en arriver là. Ce qui est fait est fait, il faut l’accepter. Je ne vois pas comment j’aurai pu faire autrement, je ne regrette rien. J’ai toujours eu besoin de situations extrêmes pour réagir. Après avoir connu l’extrême noirceur, j’essaye de tendre vers l’extrême lumière... personne n’a jamais dit que c’était facile et chacun fait ce qu’il peut.

Le seul pêché au monde est le regret.

 

Une Sœur

Alerte au militantisme

 

11 août 2005, sur le parvis de Beaubourg, une manifestation réunit plusieurs associations de lutte contre la peine de mort et contre l’homophobie (Act-up, les Panthères roses, le collectif LGBT, les Sœurs, Amnesty international…). Deux gays iraniens ont été pendus un mois auparavant à cause de leur sexualité. 50 pays dans le monde interdisent encore ou condamnent à mort les homosexuel(le)s.

 

Lors de cette manifestation, tout juste 50 personnes, membres de ces associations, se seront déplacées. Avant la manif, les Sœurs ont pris un verre dans plusieurs bars gays du marais, remplis de monde jusque sur les trottoirs. Le but étant de prévenir qu’un rassemblement contre l’homophobie allait avoir lieu.

 

Mais c’est le mois d’août, les vacances, il fait chaud. On préfère boire, draguer, s’amuser. C’est bien plus important et plus facile que le militantisme ou que des gays qui se font torturer et tuer à plusieurs milliers de kilomètres.

 

L’homophobie, elle, n’a pas de frontière. Et elle réapparaîtra lorsque nous serons bien endormis, confortablement installés dans notre ghetto, pensant que tout est acquis. Juste une information : des sénateurs français ont proposé en 1991 un projet de Loi recriminalisant l’homosexualité. C’était hier. Qui s’en souvient ?

 

Les jeunes gays et lesbiennes d’aujourd’hui ont déjà perdu toute mémoire de notre histoire, de notre culture. Nous étions confrontés au SIDA et nous combattions la criminalisation de l’homosexualité. Les jeunes LGBT ont actuellement pour seul combat la réhabilitation de Casimir et de Chantal Goya. Il s’imaginent que le SIDA a toujours existé et qu’on en guéri, que l’homosexualité n’a jamais été oppressée et n’ont même pas peur des dents de la mer quand ils se baignent.

 

Une génération vide. Aucune lutte, sauf celle de trouver la dernière paire de basket Nike-Requin-Airmax-TN ; aucune peur, sauf celle de louper la prochaine diffusion de Star Academy. L’insouciance et la superficialité sont maintenant notre culture digne d’une société de consommation où la mode devient le but ultime de l’existence.

 

Au début des années 1930, Berlin était la capitale homo du monde, où s’épanouissaient les différents modes de vies homosexuelles. Insouciance, amusement… on connaît la suite. Les gays étaient les premiers à être envoyés dans les camps de la mort quelques années plus tard.

 

Autre exemple d’insouciance et d’oubli de notre histoire : le pourquoi des marches de « fierté homosexuelle ». Personne chez les jeunes LGBT ne saura vous expliquer l’origine de ces marches issues des émeutes qui ont eu lieu à Stonewall (USA) en juin 1969, lorsque des travelots ont voulu s’interposer face aux flics venus remplir leurs missions homophobes habituelles.

L’année suivante, des folles, travelots, trans… ont voulu commémorer ces événements par ces marches qui, 30 ans plus tard, sont devenus habituels, festives, commerciales et vide de sens pour la plupart.

 

Aujourd’hui, le jeune gay rêve de mariage, d’adoption… La normalisation synonyme d’intégration pour certains, calquée sur le modèle hétéro, gagne du terrain. Et on déteste et critique les folles qui mettraient en danger cette normalisation et qui seraient responsables de l’homophobie actuelle !

C’est grâce à ces intolérants que les folles militantes existent et continueront d’exister.

 

Sachez que ce sont des folles miliTantes (Gazoline, FHAR, Fées radicales, Les Sœurs…) qui, avec toute leur provocation et leur façon de chier sur les normes et les conventions des bien pensant et autres moralisateurs, ont permis l’ouverture d’esprit de nos sociétés vers la décriminalisation de l’homosexualité.

Elles sont un miroir, un baromètre de tolérance.

 

Il est triste de constater que mêmes les jeunes LGBT aujourd’hui n’ont plus conscience de cela et tombent dans le piège de la normalisation « je suis une minorité et je ferme ma gueule » et le piège du conditionnement social « consomme et tais-toi ».

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